time has come as we all go down (ft. maura)

— Tu nous emmerdes, Odmann.
Le susnommé lève les yeux au ciel, à peine impressionné par les regards malveillants que lui lancent les quatre personnes autour de la table. Ils sont en train de jouer aux cartes, partie que Zachary vient apparemment d'interrompre puisque plus personne ne se focalise sur sa main. Il n'est pas certain de savoir à quoi ils jouent, sûrement un 8 Américain à en observer la façon dont les cartes sont disposées sur la table. Ce dont il est certain, cependant, c'est que le type dos à lui – qui s'est retourné pour le reluquer d'un œil mauvais, ceci dit – est en train de tricher. Le détective esquisse un bref sourire lorsqu'il le croise du regard, lui faisant plus ou moins comprendre qu'il l'a pris en flagrant délit, hésitant pendant une brève seconde à le dénoncer ; finalement il se ravise, reportant son attention sur l'homme qui lui fait face, celui qui vient de lui adresser la parole, par ailleurs.
— Prenez pas la mouche comme ça, répond-il, presque las. Je viens juste vous demander si vous connaissez cet homme.
Suivant le geste à ses paroles, il sort une photo de sa poche intérieure pour la montrer au groupe d'hommes assis, ses yeux venant aussitôt chercher la moindre réaction sur leur visage. Et tous présentent un air perplexe qui laisse sous-entendre que, non, la tête qu'il leur montre ne leur est pas familière – ou alors ils sont foutrement bons comédiens. C'est probable. Zachary ne cherche pas plus loin, néanmoins, rangeant le morceau de papier glace dans sa poche lorsque toutes les réponses qu'il reçoit s'avèrent négatives.

— Qu'est-ce que tu lui veux à ce pauvre type, cette fois ?
C'est l'homme à sa droite qui a parlé. Se passent quelques fractions de seconde, juste le temps pour Zachary de le dévisager et de remettre un nom sur sa trogne. Chose faite, il esquisse un grand sourire, comme ravi qu'il lui ait posé la question.
— Je pensais que je vous emmerdais ?
— C'est le cas. Gary, joue bordel.
Gary, ledit homme à sa droite donc, fait claquer sa langue contre son palais et examine ses cartes, tendant finalement le bras pour aller attraper la première carte du tas de pioche.
— Tu le connais, pas vrai ?
Il n'est pas dupe, Zach, ces types-là ne sont pas du genre à lui poser des questions par simple curiosité. Il ignore le regard noir que lui lance l'homme en face, se contentant de fixer Gary avec intérêt, un air à mi-chemin entre le sérieux de détective et l'amusement du chieur de service.
— Je t'ai dit que non.
— Mais tu sais au moins son nom.
Gary se met à le toiser méchamment. Les autres gars sont concentrés sur leur partie, mais quand vient le tour de ce dernier, il ne réagit pas et soutient seulement le regard insistant du détective. C'est à celui qui cédera le premier – et ce n'est certainement pas Zach qui va perdre à ce jeu.
— Peut-être, répond-il seulement, étrangement vague.
Cette fois, il balance un sept de pique sur un sept de cœur, sous l'exclamation mécontente de son collègue de gauche, le fameux tricheur. Un silence s'installe tandis que Zachary récupère la même photo que précédemment, puis un stylo dans la poche opposée, incitant silencieusement Gary à le lui dire. Pourtant, rien ne vient.
— Dégage de là Odmann. Tu devrais être reconnaissant qu'on t'ait pas déjà viré, alors casse-toi de ma vue avant que je le fasse.
Zachary hausse les sourcils, presque surpris de tant de véhémence. Il sait à quel point les lycans du coin ne peuvent pas le piffrer, mais ils ne l'ont jamais réellement menacé, même de façon aussi futile. Il ne saurait dire pourquoi, d'ailleurs. La plupart ont sûrement une certaine méfiance vis-à-vis de ses contacts, de son job, de sa collaboration avec la BCC, sûrement – de ce qu'il est réellement capable de faire, surtout. Il n'est pas sûr de pouvoir lui-même répondre à cette question, à vrai dire.
Pour toute réponse, cependant, Zach se contente d'appuyer sur le haut de son stylo pour faire sortir la mine, jetant une œillade à Gary. Tant qu'il ne parle pas, je ne bougerais pas, semble dire l'expression de son visage.

Mais avant que la discussion ne reprenne, la clochette de la porte d'entrée retentit dans la salle, annonçant l'entrée d'un nouveau client. D'abord peu intéressé, Zachary n'y jette qu'un bref coup d'œil, seulement lorsqu'il reconnaît la silhouette de Maura, il n'arrive pas à cacher son étonnement. Heureusement, aucun des types autour de la table ne semble le remarquer. Au loin, la blonde semble l'apercevoir aussi, et l'échange de regards très furtif laisse pourtant Zach perplexe. C'est comme si elle le cherchait spécifiquement, et qu'une lueur de soulagement s'était allumée dans ses pupilles en tombant enfin sur lui. Ou peut-être que ce n'est qu'une impression.
— Il s'appelle Charles Rowell.
La voix de Gary le ramène à la réalité, quoique difficilement. Il griffonne donc le nom derrière la photo, puis il sourit de nouveau, comme pour ne rien laisser paraître alors que, du coin de l'œil, il remarque que Maura se dirige droit vers lui.
— Merci beaucoup pour votre aide, messieurs, se contente-t-il de dire, et aussi ironique que cela sonne, Zachary ne l'est pourtant pas tant que ça.
Il a juste le temps de pivoter d'un quart que Maura arrive déjà à sa hauteur, le faisant face et lui permettant dès lors de mieux l'examiner, quoiqu'avec discrétion pour ne pas paraître malpoli. Faut dire quand même que ça fait un bail qu'il ne l'a pas vue, Maura – et la situation est assez étrange pour qu'il se mette déjà à se questionner, réflexe de détective, dirait-on.
— Salut Maura. Le ton est tout à coup plus aimable que lorsqu'il parlait avec les quatre loustics d'à côté, cependant le sourire amical sur ses lèvres s'évapore bien vite pour laisser placer à une certaine inquiétude dans le regard. Tout va bien ?