did i drink too much ? am i losing touch ?- jayla

Accrochée à sa mauvaise foi habituelle, Layla peste en silence en observant la foule, posant un regard de jugement sur les corps qui se pressent un peu partout. Au milieu de cet endroit à l’histoire sordide, dans ce qu’il reste d’une époque coloniale qui se veut aujourd’hui révolue, elle n’est pas certaine que l’explosion de couleur soit du meilleur goût, surtout pas quand des idiotes comme Mimi Di Angelo pensent que le jaune puisse être un choix viable. La petite Zapien regarde le spectacle avec un air dépité peint sur le visage, se demandant si l’autre réalise qu’elle ressemble à une endive. Elle tente désespérément de se trémousser pour attirer l’attention, peut-être pour faire oublier que la teinte d’urine tiède de sa robe jure profondément avec sa peau trop pâle et ses cheveux trop décolorés. Layla n’a pas vraiment fait d’effort, sauf si on considère qu’abandonner ses éternelles robes noires — sans pousser le cliché de la sorcière jusqu’au chapeau pointu, possède-t-elle autre chose que du noir ? ­— est un pas en avant, un progrès quelconque. Growth and glow up and all that shit. Elle n’a pas entièrement retourné ses placards mais ça lui a pris peut-être cinq minutes pour trouver un vêtement qui ne soit pas digne d’un enterrement. Elle a les bras croisés sur sa tenue aubergine, pas totalement mal à l’aise mais quand même prête à sauter à la gorge du premier osant un commentaire.

Lorsque quelqu’un approche, elle fait pourtant un effort. Force un sourire qui vire acide, cligne un peu trop des yeux. Les résultats ne sont pas concluant, alors elle s’échappe rapidement, prétextant avoir besoin d’un verre. Au fond, ce n’est pas vraiment un mensonge et ça lui permet de traverser la pièce en se frayant un passage entre les gens. Dans un monde idéal, la foule s’écarterait sur son passage mais son death glare reste clairement perfectible, alors elle slalome, venant s’échouer contre le bar. Déformation professionnelle ou impatience, elle doit se retenir de plonger la main derrière le comptoir pour attraper une bouteille et aller tiser sur un balcon, mais tant bien que mal, elle fait juste un signe au serveur, avant qu’on ne l’interpelle. « I know you, sort of, don’t I ? » demande une voix à côté d’elle et elle lève les yeux vers le plafond endommagé avant même de tourner la tête. Ces mêmes yeux, cependant, s’écarquillent un peu, moment de surprise, en reconnaissant l’interlocuteur. Goddamn Parker-Wright, middle child du choléra in human form de Savannah. « Satan’s son, all dressed in red, how fucking fitting » rétorque-t-elle, vite, après un regard étonné qu’elle transforme en scanner pour le dévisager. « Yeah you know me, we’ve had classes together on and off for four years, asshole, » elle siffle, vipère, presque vexée mais pas étonnée. Jude et elle ont parcouru les mêmes couloirs sous lumières fluorescentes mais ils n’ont jamais été du même monde. Aucun risque que sa petite clique de pestes cotoient celle du golden boy. « What are you doing here ? Getting a feel for all the people you’re trying to fuck over ? » Elle n’est pas la seule à l’avoir remarqué, pas la seule à trouver que Jude Parker-Wright n’a rien à foutre ici, au milieu d’un rassemblement d’enfant de Crowley. Ces soirées sont ouvertes à tous mais indéniablement, elles servent de repère, de point de chute à toutes les créatures de moins de trente ans de Savannah, parce que les boissons y sont moins chères que dans les clubs et parce qu’il ne faut pas se mentir, la plantation supposément hantée est instagramable as fuck. Il y a pourtant une différence, entre la façon dont elle le toise et les regards que lui jettent le petit groupe de lycans qui se trouvent un peu plus loin. Eux aussi ont repéré la présence ennemie et déjà, ça fait des signes qui se veulent discrets, pointant dans sa direction avec des mains armées de bouteilles de bière et quatre neurones imbibés, entre deux messes-basses et quelques side-eyes d'abrutis belliqueux. Layla serre les dents, se redresse un peu. Elle n’est clairement pas d’humeur à voir les choses dégénérer, pas besoin que la BCC débarque ici.

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« What was your name again ? » rétorque-t-il et instantanément, elle lui jète un regard, entre le dépit et l’incrédulité, incapable de savoir s’il est sérieux ou s’il fait ça pour l’agacer. Si c’est le cas, ça fonctionne, mais elle ne serait pas surprise que Parker-Wright soit suffisamment imbus de sa personne pour n’avoir jamais rien remarqué d’autre que son petit monde, tiré à quatre épingles et propret, celui dans lequel les enfants de Crowley n’ont clairement pas leur place. Le sourire amusé accroché à ses lèvres force Layla à lui rendre le même genre d’expression, concours bancal de provocations gratuites. Elle a commencé, ou alors c’est lui qui a lancé les hostilités en osant se pointer ici, difficile à dire. « Groundwork. My mom has big plans for this place. Personally, I don’t see it, but she keeps saying that gentrification is the way to go. » lance-t-il, pour répondre à sa question, justifiant de sa présence d’une façon telle que Layla manque déjà de fulminer. Ces familles qui veulent retourner la ville, la retirer aux créatures, ça l’exaspère. Le reste du monde leur est déjà hostile, n’ont-ils pas le droit à un satané refuge sans que les doigts avides d’une ordure comme la matriarche Parker-Wright viennent se glisser dans les interstices ? Elle l’observe, une expression déplaisante sur le visage. Entre les loups qui n’attendent qu’un battement de cil pour foutre le bordel et Jude qui lui donne envie d’elle-même déclencher une esclandre, histoire de lui filer une leçon, l’ambiance a subitement changé, même si les autres autour d’eux ne le remarque pas. « Don’t mind them, barking dogs seldom bite. » lance-t-il, toujours trop assuré, hautain à souhait. Elle a d’un coup terriblement envie de lui prouver qu’il se plante, qu’il ne sait rien des loups, pas plus qu’il doit connaître la moindre chose au sujet des sorcières et des vampires, trop coincé dans les oeillères de la haine qu’injecte sa mère dans le discours local. « Yeah but they do have a taste for tainted meat, you see » siffle-t-elle en retour, petite vipère, le toisant avant de reporter son regard sur les lycans. Peut-être que si elle les garde en joug, ils se tiendront tranquilles, trouveront autre chose à faire. « Hurting you would hurt mommy dearest... » commence-t-elle, volontairement vague mais finissant par concéder la faille d’une telle altercation. Aussi jouissif qu’observer le jeune homme devoir en découvre avec les loups, c’est très clairement une mauvaise idée d’encourager une potentielle rixe. « But it would further her cause and hurt them… well, more like all of us —  in the long run. I’m not sure they have that kind of forsight, though » rétorque-t-elle. Elle est toujours assez critique des lycans, pas tendre avec les vampires non plus mais face à lui, pester sur ses compagnons de galère sonne faux. Non, pire, ça sonne comme un affront qu’elle ne devrait pas oser. Elle peut se plaindre des sacs à puce et des suceurs de sang mais Jude n’a absolument rien à redire. Il ne faudrait pas oublier que c’est lui, le paria, ici bas. « So apparently I’m stuck here cause I’m pretty sure they’re waiting for me to go so they can pounce on you… » Il serait sûrement dans son propre intérêt de tourner les talons et de partir sans demander son reste, le laissant gérer avec les conséquences de sa visite en terre ennemie. Mais maintenant qu’elle l’a mentionné elle ne peut simplement pas ignorer la possibilité d’un affront calculé. Combien peut-elle parier qu’il est là exprès, attendant la joute pour que ça soit relayé par toutes les plateformes anti-créatures ? Difficile d’imaginer Parker-Wright envoyer son précieux rejetons jouer la chaire à canon mais plus rien n’étonne Layla ces temps-ci. « You should get your ass out of here, I’m not really keen on being your bodyguard all night and there’s no way this is the only group of dudebros who might want to send you home in pieces... » lance-t-elle, espérant le voir bouger vers la sortie. A la place, c’est un des loups qui s’approche et s’il fait mine de s’intéresser au comptoir, le fait qu’il tient déjà une bière et les regards qu’il lance à ce duo improbable est bien trop traître quant à ses intentions. « Made a new friend, Zapien ? » demande-t-il, toisant Jude, clairement là pour chercher la merde.

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Layla se retient tant bien que mal de soupirer face à la transparence de la manœuvre. Elle ne rêve pas d’un monde idéal, juste d’un monde où le gens s’occupent de leurs affaires sans empiéter sur les droits des autres… Well, c’est vite dit. En temps normal, les droits des lycans, ça lui passe au-dessus. Tant que les sorcières sont en sécurité, ça lui suffit largement. Ce soir, pourtant, elle se retrouve à jouer les avocats du diable, le cul entre deux chaises, à potentiellement empêcher Jude fucking Parker-Wright de repartir chez lui en pièce tout en justifiant le comportement juvénile et belliqueux des loups. Celui planté juste à côté d’eux ne semble pas déterminé à passer une soirée tranquille, forçant la main de tout le monde, comme Jude le fait de par sa simple présence. « Oh yeah ! Layla Zapien ! That’s your name ! Well, Layla, nice name by the way ! Let me show you how fucking good of a diplomat I am ! » rétorque-t-il, ignorant momentanément le nouvel arrivant. Cette fois-ci, Layla lève les yeux au plafond, inspirant profondément. Lorsqu’elle souffle, une légère mélodie, entre agacement et peur du pire, s’échappe avec l’air, bien vite égarée dans le brouhaha de la fête ceci dit. Honnêtement, elle aurait probablement dû tourner les talons en l’entendant se vanter de ne pas avoir besoin d’aide. Ses people skills, comme il dit, la laisse dubitative — quoi que, est-elle seulement bien placée pour juger ? — mais il aurait été acceptable de faire volte-face et de le laisser se débrouiller. Ce n’est plus le cas, pas maintenant qu’ils ont de la compagnie. « Hi, I’m Jude, her new bff, can you please, please, please leave us alone ? » lance-t-il et elle retient sa respiration une seconde, s’attendant à voir partir un poing fermé en direction du visage ciselé du jeune homme. Son ton donne envie à Layla de sortir les ongles et assurément, ça ne va passer, trop forcé pour ne pas être moqueur et dédaigneux et — « Fuck you and your mother. » rétorque le jeune lycan avant de battre en retrait sans demander son reste. Le regard de Layla fait des aller-retours entre lui et Jude, bouche légèrement entrouverte par la confusion. Ce n’est clairement pas ce qu’elle avait envisagé comme issue pour cette altercation. Altercation qui, au final, n’en a pas été une. Et elle n’est pas la seule à être surprise. « I… I can’t believe that actually worked ! » s’exclame Parker-Wright. L’espace d’un instant, Layla fronce les sourcils, le toisant d’un air suspicieux. Si elle n’était pas au courant de qui elle a à faire, elle s’aventurerait à trouver le résultat trop providentiel pour ne pas contenir un soupçon de magie. Sauf que c’est impossible, la matriarche radicale aurait sans doute elle-même noyée son rejeton s’il s’était retrouvé avec le moindre don. Non, c’est juste son assurance à la con, borderline arrogante. A agir comme un prince, les gens finissent par le traiter avec des égards qu’il ne mérite pas. « Can I buy you a drink ? To celebrate my escaping death ? » demande-t-il, victorieux, amusé par la situation, ne réalisant pas la gravité de ce qui aurait pu se passer.


« You’re so gonna get shived before the end of the night... » siffle la petite vipère en essayant d’endiguer le frisson désagréable qui la parcours, lui filant la chair de poule, tandis qu’elle chasse de son esprit les vingt-cinq scenarii catastrophes qui se sont présentés à elle en l’espace de quelques minutes. « They’re always looking for an excuse to raise hell and you being here, well let’s say I wouldn’t blame them for trying something dumb, » voilà qu’elle se retrouve à lui faire la morale, encore. Elle ne pourra sans doute pas lui faire comprendre pourquoi les positions de sa daronne sont au mieux douteuses, au pire absolument immondes mais c’est plus fort qu’elle. « Especially when those gentrification plans you were talking about include West Savannah, » et déjà elle se retrouve social justice warrior, à défendre les actions de gamins qu’elle ne supporte pourtant pas. « Takes them decades to get out of that god forsaken swamp and get treated like citizens in their own city and then people like your birthgiver want to make it too fancy and expensive for them, on top of it all ? » demande-t-elle, s’égarant dans sa rhétorique. « Forget the race war, it’s a class conflict waiting to happen » ajoute-t-elle finalement avant de secouer la tête, dépitée et de se tourner vers le comptoir. Il a offert, elle mérite bien un verre. Elle en a besoin, de toute façon, si elle compte réellement jouer les nounous toute la soirée. Elle fait signe un barman, tapotant sa main sur le bar devant elle, les bracelets à ses poignets tintant comme un carillon. Voilà autre chose qui l’agace, fut un temps cet endroit était sauvage, un lieu de fête sans code, sans règle, où il fallait amener sa propre bouteille. Pas une boite de nuit avec un bottle service exorbitant. Tout ça, c’est la faute de gens comme Jude et sa mère. Elle soupire, force un sourire et presque mauvaise, elle demande « What’s the most expensive thing you have ? » au mec derrière son comptoir. D’un geste de la main, elle désigne Jude. « He’s buying » conclut-elle, sans la moindre gêne, parce que même une note monstrueuse au Golden Winds Resorts ne ferait pas tiquer Jude, pas avec les moyens de sa famille, pas avec l’argent probablement sale auquel il peut avoir accès.

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Elle ne l’imagine pas tiquer et elle voit juste. Au lieu de protester, il demande simplement « Feeling better now that you’re spending my parents’ money ? » et elle lui sert en retour un sourire contrit. Elle pourrait presque croire que le détachement dont il fait preuve n’est qu’une façade et cette notion pourrait presque lui donner envie de tirer sur la corde pour voir jusqu’où elle est en mesure d’aller avant qu’il ne sorte de ses gonds. Mais au fond, à quoi bon jouer à ça, d’autant qu’elle est intimement convaincue que l’argent ne veut rien dire pour ces gens-là. Enfin, pas exactement. Ils aiment en avoir. Toujours plus. Trop sans doute. Mais ce n’est pas quelques gouttes d’alcool hors de prix qui vont le faire tiquer et Layla n’a pas reçu l’éducation nécessaire pour savoir commencer dépenser le genre de somme qui pourrait foutre Jude mal à l’aise. Malgré l’argent du coven, elles ont toujours vécu avec une certaine humilité, une pudeur à la dépense quelque part compréhensible, parce qu’étaler aux yeux des habitants l’argent qu’elles ont pu se faire en faisant payer leur héroïsme, c’est d’un mauvais goût galopant. Il ne faudrait pas que les humains doutent de l’altruisme des Zapien, pas vrai ? Elle attrape le verre que le serveur lui tend et fait un nouveau en direction de Jude, cette fois faisant mine de trinquer avec lui. Dans d’autres circonstances, ça passerait pour un acte de trahison et elle est presque sûre que certains observent ça en s’imaginant qu’elle fraternise avec l’ennemi. « I’m going to ask you two questions. » lance-t-il et elle le toise, un sourcil déjà arqué, s’attendant au pire simplement à cause de son nom de famille.  Rhétorique anti-crawlers, manipulation des statistiques concernant le taux de criminalité chez les créatures… Elle serre les dents avant même qu’il ne parle, prête à déverser tout l’outrage découlant de sa conscience politique et sociale, cette même hargne que le camp de la mère Parker-Wright qualifie de verve hystérique et naïve, accusant les gamins comme Layla d’être irrationnels et de refuser la logique et les faits. Bordel ce qu’elle peut les haïr, pense-t-elle sans pour autant entraver la manœuvre de Jude, qui la surprend un peu lorsqu’il se décide enfin. « Why did you use your mumbo jumbo to make him go away if you “can’t blame them for trying something dumb” ? And why are you here ? You don’t seem to enjoy the crowd any more than they enjoy me. » demande-t-il et son sourcil arqué se fronce tandis qu’elle tique sur la première partie, la première question, secouant légèrement la tête. « I didn’t do shit » rétorque-t-elle aussitôt, balayant ça d’un revers de main. Son regard file momentanément vers les lycans tandis qu’elle rejoue l’altercation, minime au possible, dans sa tête, presque un peu confuse soudain. Et si ? Si elle n’a rien fait et s’il n’y avait qu’eux…. Non. Impossible. Impossible qu’il s’agisse d’une nouvelle capacité, impossible qu’il s’agisse de magie tout court. A nouveau l’idée de la mère Parker-Wright maintenant son rejeton sous l’eau pour le noyer et nier de potentiels pouvoirs s’impose. C’est juste — Wait. Non, c’est juste que les gens sont si habitués à lui donner tout ce qu’il veut, à l’écouter sans broncher, à prendre le moindre de ses désirs comme un ordre qu’il valse entre le bon sens et le libre-arbitre de tout le monde comme s’il s’agissait de son terrain de jeu personnel. Rien de magique là dedans, c’est juste de l’assurance, de l’impunité, de l’audace. Asshole. « Even if I wanted to, this is not what I do » ajoute-t-elle. Elle ne s’attend pas à ce que Jude s’y connaisse de quelque façon que ce soit, mais par habitude, elle se repose sur la notoriété de son nom, celui du coven. « Zapiens are healers. If you manage to remember that despite it not being about you, it might come in handy. I’ll give you a discount to sew you back together once you’ve offended your way into a violent altercation, » lance-t-elle, avec un nouveau sourire vaguement amer avant de sacrément entamer son verre, tant pis pour les précieuses bulles, pas le temps de savourer quand elle a besoin de se donner un peu de contenance.

Alors qu’elle continue de le toiser, cependant, elle se souvient de la deuxième question. « You’re not totally wrong though, I hate the crowd… » Plutôt crever que de dire ouvertement qu’il a raison et d’admettre qu’il la cerne ne serait-ce qu’un tant soit peu. Layla tente de biaiser, vaine tentative pour garder la main, son orgueil l’empêchant de réaliser qu’ils ne jouent pas dans la même catégorie et qu’elle risque de se faire avoir. « But I also love watching people make an ass out of themselves, endless entertainment » lance-t-elle non sans jeter un énième regard vers les loups qui eux n’ont toujours pas cessé de regarder dans la direction de l’unlikely duo. Secouant la tête d’un air dépité, elle reporte son attention sur le reste des jeunes gens qui tentent de se faire remarquer, d’oublier le monde extérieur ou de trouver quelqu’un à ramener chez eux pour la nuit. « Case in point » siffle Layla, en pointant un semblant de couple dénué de discrétion. Elle, clairement immortelle, dents plantées dans le coup d’un humain dont l’expression semble figée entre plaisir hébété et débilité profonde, le genre qui découle d’un degré avancé de consanguinité. « Ew. Can’t they keep that shit at the Gallows ? That can't be sanitary... » La remarque est puérile, digne de la sale peste adolescente qu’elle était à l’époque où ils arpentaient encore les mêmes couloirs sans faire partie du même monde. Elle a beau jouer les grandes dames et vouloir défendre les lycans, elle n’est pas dénuée de ses propres préjugés. Elle termine son verre, agacée contre elle-même de donner à Jude des munitions dont il n’a sûrement pas besoin. « What about you, what are you actually doing here ? I don’t see you really scoping out the place and even if that’s what you’re doing, why come when it’s that busy ? What did you think was going to happen ? » accuse-t-elle, franche mais peut-être un peu moins incisive que précédemment. Ils ne sont du même avis sur rien, à l’évidence mais est-ce que ça l’empêche de manquer de logique, de bon sens, ou d’un instinct de survie ? Clairement oui, sinon pourquoi s'aventurer ici, à la vue de tous, avec un nom comme le sien et un visage bien trop connu dans les petits papiers haineux de tout le monde.

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« I don’t expect you to understand, with you being a witch and all. » Layla arque un sourcil, prête à lever les yeux au ciel. Le problème avec les gens comme Jude Parker-Wright, c’est qu’elle a constamment l’impression d’être prise pour une idiote, d’avoir son intelligence remise en cause. Ça vient peut-être d’elle, c’est peut-être un complexe qu’elle se traine, celui de n’avoir pas voulu poursuivre ses études, celui de s’être arrêtée après le lycée et de dériver un peu depuis, persuadée d’être très surface-level… ou alors, c’est le ton qu’il est en train d’employer. Certes, elle est sur la défensive, ongles et dents sortis pour attaquer mais a-t-il besoin de lui parler de la sorte. Elle est sur le point d’abandonner, à vrai dire, quand il la surprend avec une réponse plus sincère que ce qu’elle avait envisagé. « I like it here, it’s probably the only place in town where people are openly hostile towards me, they don’t have to fake it because they’re on their turf. Sure, they don’t act on it either because… why would they risk it ? But at least here I don’t have to pretend not to hear the horrible things they say under their breaths. Partly because the shitty music is too loud, but also because they come tell me how much of a S.O.B I am from time to time. » Alors qu’il fait un signe de tête en direction des loups qui sont venus lui chercher des noises il y a quelques minutes à peine, Layla fixe son profil, dubitative. Ce qu’il dit fait sens mais elle est méfiante, pas sûre qu’il ne s’agisse pas d’une forme de gaslighting, pas certaine que Jude ne soit pas en train de servir exactement ce qu’elle veut entendre pour arriver à ses fins. Et ce même si elle n’est pas vraiment en capacité de foutre le doigts sur ce que l’ulterior motive pourrait être, présentement. « Can I tell you a secret ? » demande-t-il et elle hausse les épaules, feignant l’indifférence, pourtant mal à l’aise avec cette impression de se faire légèrement manipuler. N’est-ce pas une technique connue, cette complicité, cette sincérité feinte ? Bordel, elle pourrait lui faire bouffer ce sourire qu’il s’amuse à lui servir. « I think you guys are much more interesting than my mother gives you credit for. » déclare-t-il, avec une assurance qui laisse à penser qu’il s’agit là d’un compliment. « Oh thank you so much for that » rétorque-t-elle aussitôt, « I’d been waiting the entire night for you to validate me, it truly makes me feel so special ! » Ça pue le sarcasme, évidemment, pourtant une lueur amusée danse au fond du regard plein de jugement qu’elle lui sert. Elle doit lui reconnaître une bonne disposition, à défaut de pouvoir lui trouver des qualités, parce que la plupart des gens s’emportent vite, en réponse à son attitude générale. Layla n’est pas vraiment diplomate, c’est le moins qu’on puisse dire, alors le fait que le fils de la politicienne aux idées révoltantes le soit pour deux, même si c’est une manigance quelconque, mérite d’être noté. Et ça la force à mettre de l’eau dans son vin… à moins que ça ne soit l’alcool dans son système qui commence à l’adoucir un peu. Dans le doute, elle termine son verre — de quoi éviter une esclandre, probablement. « I get it, somewhat, at least, » admet-elle, « down here I’m just a basic witch and I technically don’t have any responsibility, » en dehors des loups à tenir en joug pour préserver un status quo déjà fragile et empêcher à Jude de se faire lyncher, évidemment. Mais personne ne lui a demandé de faire ça, ce n’est pas une tâche qui lui incombe, pas quelque chose qu’Adriana lui a demandé de faire. Elle s’est foutue en tête de jouer les nounous toute seule. Pourtant, ça ne lui échappe pas que pour eux deux, la plantation McLair fait office, ce soir en tout cas, d’un refuge et ce malgré le côté un peu masochiste derrière le raisonnement du jeune homme. « Look at us, finding common ground and mutual understanding... » muse-t-elle, non sans y croire mais enrobant le tout d’une sacrée dose de cynisme.

« It’s kind of funny, though, don’t you think ? » note-t-elle, parce qu’elle n’est pas fichue de laisser les choses. Elle aime trop avoir raison, ou se donner des arguments pour ne pas lâcher le morceau. Ce n’est pas comme si elle allait le changer, elle en a conscience, pourtant c’est plus fort qu’elle. « You like that people here are being honest with you yet you fail to see that this city is the only place in the entire fucking world were we get to live our truth and not fear for our lives, » c’est peut-être un peu caduque mais elle a sans doute assez bu pour qu’on lui pardonne ce raccourci. Elle a pourtant l’impression d’avoir trouvé quelque chose, un bon argument, mais peinant à le défendre avec éloquence, elle enchaîne immédiatement avec la seule chose qu’elle maîtrise réellement, l’offense. « But I don't expect you to understand » lance-t-elle, reprenant ses propos verbatim, « It’s not like you ever had to hide, your views are widely accepted in a world that thrived on discrimination. » Elle n’est pas assez idiote ou éméchée pour passer à côté de l’hypocrisie galopante de ce jugement. Ce n’est pas comme si Layla avait connu l’adversité venant avec le fait d’être un Enfant de Crowley en dehors de Savannah. Native de la ville, trop jeune pour avoir connu autre chose que la version la plus avancée et égalitaire du Conseil, elle ignore tout de ce genre de difficulté et ne peut qu’imaginer, compatir, projeter aussi, un peu en tout cas. Ses secrets, ses peines, tout ça n’a rien en commun avec la lute qu’elle tente de mener sans pour autant avoir jamais subit les discriminations qu’elle cherche à dénoncer. Privilège évident de l’héritière d’un coven influent et respecté au sein d’une ville où les sorcières défendent sans peine leurs pouvoirs.

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