did i drink too much ? am i losing touch ?- jayla

Un sourire étrange vient danser sur le visage de Jude et la brune a l’impression de rater quelque chose. Comme si, silencieusement, il était en train de la juger face à son ignorance, alors même qu’elle ne réalise pas ce qu’elle a bien pu dire d’idiot. Quand il ajoute « You’d be surprised by how little say I’ve had on what my views are, » cependant, Layla fronce les sourcils. Loin d’elle l’idée de lire entre les lignes, loin d’elle la prétention de comprendre quelque chose que Jude tenterait de cacher mais elle ne rêve pas pour autant, soudain interpellée par l’idée qu’il n’a, au fond, pas vraiment le choix. Elle n’a rien le temps de dire, néanmoins. Pas le temps de protester, ou de se foutre de lui en lui balançant que s’il a l’audace d’emmerder des lycans, il devrait pouvoir tenir tête à sa mère s’il n’est pas d’accord. Non, il enchaîne, noyant le poisson, écartant la possibilité d’un cas de conscience de sa part. Elle peut comprendre, ça la foutrait mal si elle venait à décrier les idées d’Adriana face à l’ennemi, alors se la jouer porte-parole d’une cause qui ne la convainc qu’à moitié, elle connaît. Jude est définitivement doué pour ça, de ceux qu’on écoute lorsqu’ils parlent, ceux qui savent où appuyer pour argumenter de façon efficace. « And it’s never been about preventing you from living your truth for my mother, it’s about humans getting the space they deserve in the city, » commence-t-il, minimisant le discours vitriol de Diane Parker-Wright, comme si un enrobage sucré et raisonnable rendait la pilule plus facile à avaler. « It might be a very divisive way to go about things, but she’s only trying to ensure that her children will not fall victim to another Red Regency or a purge, » ajoute Jude et Layla ne peut s’empêcher de lever les yeux au plafond. L’idée n’est pas neuve, c’est même une cause commune. Tout le monde ou presque peut se ranger derrière alors présenter ça comme le seul et unique but de la campagne anti-crawler qu’il mène avec sa mère, c’est insidieux, un gaslighting qui doit s’avérer diablement efficace. « Wouldn’t your mother do the same for you ? » termine-t-il finalement, martelant l’implacable logique avec assurance. Ce genre de manipulation démagogique ne fonctionne cependant pas sur Layla, pas quand elle se retrouve avec les dents serrées, le dos tendus, les doigts si crispés qu’elle pourrait en faire exploser son verre.

C’est fugace mais une envie de frapper l’envahie soudain. L’idée qu’un garçon pareil parle de sa mère la révolte et elle doit se retenir de ne pas envoyer son poing dans le nez du brun. A la place, sourcils froncés, lèvre supérieure retroussée comme un animal sur le poing de mordre, elle s’égare un instant dans son deuil et sa colère, sa magie bondissant vers Jude, à la recherche d’une aspérité, d’un secret à exploiter pour le blesser comme lui pourra sans doute dorénavant le faire, s’il a remarqué le changement d’énergie. Et puis, comme un orage s’abat sur la ville et disparaît dans le quart d’heure, la rage s’échappe, elle desserre ses doigts, termine son verre et se reprend.  Ne sortent alors que des couleuvres, parées d’un cynisme dévorant, de beaucoup de jugement. « It's funny how the second minorities get anything in this world, the priviledged are clutching their pearls, convinced they’re gonna have to let go of every advantage they’ve ever been given, » siffle-t-elle. Elle-même privilégiée, elle s’obstine pourtant à renvoyer la balle, jugeant Jude mieux placé qu’elle dans ce monde. Riche à en crever, humain, blanc et né du bon côté du patriarcat, il l’emporte forcément, peu importe qu’elle soit elle aussi loin des plus persécutées, des plus vulnérables. « I get your point, tho, » concède-t-elle sans pour autant s’arrêter, hors de question de pauser trop longtemps lorsqu’elle se retrouve d’accord avec Jude Parker-Wright. « But it’s not like politics would prevent that from happening again, would it ? » qu’elle muse, « the first time it happened, humans were in charge and when it stopped, it was the witches’ doing. » Elle ne peut pas vraiment se vanter de cet accomplissement, ce n’était pas les Zapien qui ont amené la fin de la Régence Rouge mais dans ces moments là, la victoire d’une sorcière, d’un coven, appartient à toute la communauté. « Fuck I need like, twenty drinks » souffle-t-elle en réalisant qu’elle est lessivée par le sursaut de hargne qu’il a provoqué en mentionnant sa mère. Un jour, sans doute, il faudra que Layla gère ces émotions, aille consulter quelqu’un pour l’aider. Ce n’est vraiment le genre de chose qu’on fait, quand on vient de son monde mais si ça l’empêche de vouloir magiquement agresser le fils Parker-Wright, c’est peut-être une piste à explorer. Mais pas ce soir. Ce soir elle compte maîtriser ça avec toute la toxicité propre à son âge. « Drinks… and air, » elle marmonne ça en faisant un signe au barman avant de regarder vers la sortie, vers les jardins absolument pas entretenus où s’éparpillent une multitude de contre-soirées. Ce n’est pas comme si elle pouvait lâcher sa place, auto-attribuée, de garde du corps cependant. Elle soupire en récupérant le verre qu’on vient de lui servir et sans lui laisser d’autres choix, elle déclare : « either you come outside with me for five minutes or you swear you won’t get your ass kicked while I’m gone. » Bien vite, elle se corrige, néanmoins. « Not like I would trust any word you say, goddamnit » siffle-t-elle, le toisant d’un air agacé. « Come on, I’m sure you have views on eugenics and magical birth regulations you’d like to share to make me jump out of my skin, » ordonne-t-elle, débordante de sarcasme mais s’accrochant à l’idée qu’elle fait ça pour le garder en sécurité et, de facto, protéger les siens. Ce n’est pas comme si elle pouvait admettre, pas même à elle-même, qu’elle apprécie le semblant de banter qu’ils entretiennent. Au mieux, elle peut dire que c’est de la recherche, qu’en discutant avec lui elle ne pourra que mieux argumenter contre son camp. Voilà. Ça tient la route, ça.

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