I hope you get the message ◇ Bluepy

Quittant sa chambre pour rejoindre le salon où elle a vraisemblablement oublié son chargeur de téléphone, Poppy est trop occupée à admirer le tout nouveau bijou que son parfait petit-ami lui a offert pour faire attention à ce sur quoi elle marche. Il faut dire qu'à part un tapis, il n'y a rien par terre en général : sa mère, tout comme elle, n'aime pas le désordre. Alors les yeux de la benjamine s'arrondissent comme des soucoupes lorsque son pied heurte quelque chose. Elle craint d'abord d'avoir abîmé un des bibelots auxquels tient sa génitrice, mais son regard se durcit vite lorsque la blonde réalise qu'elle a en fait mis un coup de pied dans quelque chose de bien plus pathétique. Une des stupides pancartes de sa chère sœur. Étouffant un grognement, Poppy frappe plus fort dedans encore pour laisser échapper une once de son agacement après avoir lu le message pro-crawlers inscrit sur le carton. Qu'est-ce qu'elle peut bien faire avec cette horreur qu'elle sait appartenir à son aînée – qui d'autre oserait apporter ça à la maison ?

Elle devrait peut-être la jeter, ça lui ferait les pieds à l'autre. Cela dit, Bluebell est sûrement assez idiote pour faire les poubelles à la recherche de sa précieuse pancarte – pourtant c'est bien là où est sa place, la benjamine en est persuadée. Au lieu de ça, Poppy trouve quelque chose de bien plus fourbe pour faire payer à sa sœur les idées idiotes qui lui traversent l'esprit et qu'elle ose inscrire sur ces déchets qu'elle brandit à chaque foutue manifestation à laquelle elle participe. Faisant volte-face, elle traverse le couloir dans l'autre sens pour retourner dans sa chambre. Elle y attrape un vernis à ongles, le plus rose qu'elle a, puis retourne là où se trouve l'objet de son courroux. Direction le salon où elle dépose la pancarte à même le sol, avant d'ouvrir le petit pot et de renverser son contenu sur les mots qui y sont écrits. Y aller au pinceau n'aurait pas été assez plaisant, elle préfère voir le liquide rose bonbon couler métaphoriquement sur les idées qu'elle méprise. Et si dans ses yeux il y a une lueur d'agacement due à la présence de ces foutues pancartes sous le toit des Wilkes, dans son sourire il y a indéniablement une satisfaction. Celle qu'elle éprouve à emmerder sa sœur ainsi, à lui faire regretter de se comporter comme une telle idiote, à lui faire payer toutes ses années dans l'ombre pour que Bluebell s'avère être la pire déception de la famille.

T'es à la bourre. Comme d'habitude. T'en viens à te demander pourquoi les gens ne te donnent pas rendez-vous quinze minutes en avance, afin d'être surs que tu seras là à l'heure. Oui, mais en même temps, à force tu le remarquerais et tu serait à nouveau en retard, comme avant. Et pourquoi, tu perds encore du temps à penser à ce genre de truc, au lieu de te bouger le cul ?! Tu secoues la tête face à ton miroir, où tu as cessé de bouger l'espace de quelques secondes - minutes ? - perdue dans tes pensées. Tu finis de mettre la dernière touche à ton maquillage, aux couleurs des créatures et tu jettes un rapide coup d'oeil à ton téléphone. Pourquoi tu fais ça, alors que tu sais pertinemment que tu aurais dû partir il y a déjà 10 minutes ? Tu dévales les escaliers de la demeure familiale, en enregistrant une note vocale pour tes amis qui doivent déjà être en train de t'attendre en ville. « Je suis en chemin, j'arrive dans cinq minutes. Petite pause, légèrement hésitation entre deux marches. Ouais, non, on sait tous que c'est pas vrai et que je pars de chez moi dans 5 minutes... Bref, je me dépêche ! Love you ! » La note est envoyée, et tu fais le point pour t'assurer que tu n'as rien oublié. Ton sac, tes clés, ton portable. Tout a l'air d'être là, ne te manque plus que ta pancarte. Celle que tu as mis plusieurs heures à préparer la vieille et que tu as descendue en rez-de-chaussée il y a une petite heure, pour t'assurer de ne pas l'oublier. Petit soupire de soulagement, quand tu te dis que tu vas enfin pouvoir y aller. Mais qu'elle n'est pas ta surprise quand ta fameuse pancarte ne trône plus là, où tu l'as laissée. Petit vent de panique, peut être que tu perds la boule et que tu l'as laissée ailleurs...

Tu pars à la recherche de ladite pancarte, et tu fais bien vite la découverte du siècle. Poppy, flacon de peinture rose bonbon en main, est en train de faire un carnage. Pourquoi ça ne t'étonne qu'à moitié ? Vous avez beau être deux sœurs, presque des jumelles avec votre si petite différence d'âge, mais ça ne change rien, qu'il n'y a rien de plus différent que vous deux ! Tu sens la colère qui te monte au nez, et on ne va pas mentir, lorsqu'il s'agit de ta cadette, tu n'as jamais pris de pincettes ! « Putain Poppy, c'est quoi ce bordel ? » Tu cries déjà pour t'exprimer, ne passant même pas par la case 'tentative de communication passifiste', comme tu l'as appris dans tes cours d'introduction à la psycho à l'université. Non, tu te jettes déjà presque sur la petite blonde, lui arrachant le pot de peinture des mains, en renversant par la même occasion sur le sol. Mais franchement, c'est le cadet de tes soucis. « Est-ce que j'viens bousiller tes affaires qui traînent, moi ? » Question peu légitime, au vu du fait que Poppy est plutôt ordonnée comme fille, contrairement à toi qui t'étales un peu partout dans la maison, sans te soucier des autres. Et puis, dire qu'il n'y a pas une pointe de provocation aussi, quand tu laisses traîner tes tractes et autres matos pro-créatures, serait clairement un mensonge éhonté ! « Tu fais chier ! » Tu finis par la pousser, loin de ta pancarte, pour contempler les dégâts. Et on ne peut pas dire qu'il y ait grand chose à sauver à présent. Comme si t'avais encore besoin d'un truc de plus pour te retarder !

Sourire qui s'étire à mesure que son vernis rose bonbon s'étale sur la pancarte au message débile de sa sœur, Poppy savoure l'instant, dans cette petite bulle de vengeance sûrement très peu mature mais assurément libératrice. Bulle qui éclate lorsqu'un cri retentit dans le salon. Bluebell, évidemment. Il n'y a qu'elle pour se comporter comme une sauvage. « Putain Poppy, c'est quoi ce bordel ? » A peine la plus jeune a-t-elle relevé les yeux que l'autre lui bondit dessus pour lui dérober le petit pot qui lui a permis de ruiner sa pancarte. Un peu de rose finit sur le sol, Poppy le voit bien, mais elle voit surtout que ça ne fait absolument pas réagir son aînée. Elle se fiche de tout celle-là, de toute façon, surtout lorsque cela concerne sa famille, alors hors de question de lui offrir plus que du mépris. Et puis elle n'a pas de mal à maîtriser cette carte, la benjamine – c'est devenu naturel entre elles deux, trop peut-être. « La couleur allait mieux sur ton lamentable bout d'carton, » se contente-t-elle donc de lâcher d'un ton condescendant. Pourtant elle sait qu'elle va devoir nettoyer, parce que son idiote de sœur est trop égoïste pour veiller à ce que la maison soit impeccable. Et puis elle n'aime pas les tâches, Poppy, pas plus que sa mère, alors hors de question que celle-ci reste sur le sol.

Pourtant il en reste encore une à côté d'elle, qui s'égosille bêtement sous le regard hautain de sa cadette. « Est-ce que j'viens bousiller tes affaires qui traînent, moi ? » Le regard se fait tout à fait moqueur, tout comme le rictus de la plus jeune lorsqu'elle réplique sans la moindre hésitation. « Mes affaires à moi ne traînent pas. » Elle est ordonnée, Poppy, pas comme son aînée qui laisse constamment traîner ses affaires partout dans la demeure familiale. C'est à se demander si elle ne le fait pas exprès, ce qui ne serait sans doute pas étonnant au vu de son comportement plus que méprisable ces dernières années. Si l'énergumène finissait pas clouer ses foutus pancartes partout dans la maison, Poppy n'est même pas certaine qu'elle en serait étonnée. Par contre elle les bousillerait toutes, une par une, assez pour qu'elles ne soient plus utilisables – plus jamais. Quitte à les découper en morceaux, à les brûler, à les décorer de mille et un trous – elle s'en fiche un peu elle, de la méthode, tant que c'est efficace. Et le vernis rose bonbon l'a été, recouvrant le message pro-crawlers à merveille. « Tu fais chier ! » Bluebell te pousse pour te forcer à t'éloigner, tu lâches un grommellement agacé avant de te redresser pour l'observer qui contemple ton oeuvre d'art. Magnifique, n'est-ce pas, grande sœur ? « J'corrigeais juste ce qui était écrit, pas de quoi te mettre aussi en colère, » justifie-t-elle avec un haussement d'épaules comme si ça ne devait pas être si grave aux yeux de sa sœur. Mais dans ses yeux à elle, tout ce qu'elle voit c'est qu'elle a fait ce qui était juste. Elle a effacé l'idée entière et absolument pathétique que revendiquait ce bout de carton que son aînée comptait brandir à une de ces stupides manifestations qui pourrissent les rues de leur ville. Savannah, cette ville qui appartient aux humains, bien que Bluebell s'évertue à hurler le contraire comme un chien qui a la rage. « J'ai du bleu pastel aussi si tu veux, j'pense que ça ira bien avec ce rose, »affirme-t-elle avec un sourire aussi affable qu'hypocrite. Oui, Poppy cherche, mais c'est sa sœur qui a commencé. Indéniablement, avec ses histoires d'idées pro-crawlers, ses manifestations à la con et sa défense d'être inhumains, elle a poussé la provocation trop loin pour que la benjamine ne se sente pas légitime à répliquer.

Tu bouillonnes, littéralement. Prête à exploser à la moindre seconde. C'est à peu près comme ça à chaque fois que tu croises la route de ta cadette dans la maison. Et le fait, que tu saches qu'elle y prend un malin plaisir, ne fait qu'en rajouter une couche. Tu es un peu plus âgée qu'elle, tu devrais agir en conséquence, et ne pas lui donner la satisfaction de te voir t'énerver aussi facilement. Mais c'est peine perdue, tu as déjà tenté plus d'une fois de te raisonner. Mais face à cette peste, tu en es tout bonnement incapable. Alors, à présent, tu ne tentes même plus de retenir tes nerfs, lorsqu'elle pousse le bouchon un peu plus que d'habitude. « Mes affaires à moi ne traînent pas. » Exemple parfait de sa manière de te mener par le bout du nez, avec ce putain de rictus que tu détestes tant, qui s'étale sur sa face.  « Yeah, whatever. » T'as pas vraiment envie de t'avouer vaincue, alors tu balaies aussitôt cet argument, pour ne pas vous y attarder. Et elle continue à te narguer un peu plus. Même une fois éloignée de ce qui était autrefois ta pancarte. « J'ai du bleu pastel aussi si tu veux, j'pense que ça ira bien avec ce rose, » Poppy rendrait leur mère tellement fière en ce moment. Tellement maîtresse de ses émotions, face à toi Blue, véritable mess, qui s'éparpille. Et qui utilise beaucoup trop de juron, pour une jeune fille de bonne famille. « J'vais te le faire bouffer ton bleu pastel de merde ! T'es vraiment qu'une pauvre fille puérile ! » Pot de peinture dans une main, à genoux sur le sol, tu contemples le désastre, plutôt que d'observer ta sœur. Et malgré tout, tu sens son regard satisfait qui pèse sur toi, qui ne fait qu'augmenter ton état, proche de la rupture. Et ton téléphone qui se met à sonner, tu n'as même pas besoin de regarder le nom qui s'affiche sur l'écran, pour savoir que c'est Jade qui tente une nouvelle fois de t'atteindre. Tu coupes la sonnerie et prends une profonde inspiration, tentant tant bien que mal de faire redescendre la pression, avant de ne plus savoir te contrôler et d'en venir aux mains. Parce que l'envie de lui arracher ses cheveux parfaitement coiffés, est en train de te scier en deux. Tu te relèves pour lui faire à nouveau face. Au fond de toi, tu sais que la bonne solution pour mettre fin à cette situation, qui ne rime à rien, serait d'agir en aînée responsable et de tout simplement battre en retraite, la tête haute. Mais tu es incapable d'agir de cette façon. La mâchoire crispée, si tes yeux pouvaient tirer, Poppy serait étendue sur le tapis anciennement immaculé. « Grandis un peu, et apprend à penser par toi-même, au lieu de suivre les idées arriérées des parents ! » Comme si lui crier dessus allait suffire à l'éduquer. Tu devrais le savoir, depuis le temps que vous rejouez sans cesse les mêmes scènes, et que rien ne change jamais. « T'as pas plutôt le cul à la mère Parker-Wright à lécher, plutôt que d'me faire chier ici ? » Et dire que c'est toi qui parles de grandir, de maturité, et tu reviens à la charge avec une réplique à la con. C'est petit, Blue, mais c'est plus fort que toi, tu voudras toujours avoir le dernier mot face à Poppy. Une bataille d'ego que vous traînez depuis déjà de nombreuse années.

Une moquerie évidente luisant dans les yeux de Poppy à la mention d'hypothétiques affaires à elle qui traîneraient dans la maison, elle n'hésite pas à rétorquer. Contrairement à sa sœur, elle range ce qui lui appartient. Bluebell devrait faire de même, pour éviter aux autres la vue de ces horribles pancartes qu'elle brandit avec une fierté qui n'a pas lieu d'être. « Yeah, whatever. » Le rictus railleur de la benjamine s'étire un peu plus face à la mauvaise foi de l'autre. Elle sait qu'elle a raison et n'a pas besoin de cela pour le lui prouver, mais elle trouve toujours ça plaisant, de voir Bluebell s'enfoncer dans sa médiocrité. C'est comme la voir crier : ça lui rappelle à quel point elle a un meilleur contrôle d'elle-même que sa sœur aînée, et ça flatte son ego. Comme si elle avait besoin de ça pour la regarder de haut.

D'ailleurs il n'en faut vraiment pas beaucoup cette fois. Poppy n'a qu'à parler couleurs de vernis à ongles qui irait bien sur la pathétique pancarte qu'elle a déjà décorée avec brio il y a quelques instants pour que sa sœur sorte de ses gongs. « J'vais te le faire bouffer ton bleu pastel de merde ! T'es vraiment qu'une pauvre fille puérile ! » Le sourire de la benjamine reste le même, faussement gentil et doux. C'est un spectacle qu'elle trouve très amusant, vraiment. Sans doute qu'elle devrait avoir pitié, ne serait-ce qu'un petit peu, mais elle a surtout l'impression de se venger pour ses années dans l'ombre. Et c'est jouissif. « Ce n'est pas moi qui crie et insulte comme une gamine, » se contente-t-elle de rétorquer, lippes toujours étirées et regard d'une indéniable condescendance posé sur son aînée. Elle la trouve ridicule, à s'énerver et s'agiter ainsi, sans aucune maîtrise d'elle-même ou respect pour l'image qu'elle renvoie. Un vrai massacre, à se demander comment leur mère a pu lui accorder tant d'attention.

C'est décevant, de voir ce qu'est devenue Bluebell alors qu'elle a été élevée de la même manière que ses deux sœurs. Une femme même pas capable de se contenir, qui injure à tout va et donne d'elle une image de presque névrosée lorsqu'elle coupe son téléphone sous le regard qui a doucement gagné en neutralité de sa benjamine. Sûrement un de ces idiots avec lesquels elle manifeste trop souvent, avec ses pancartes trop laides et ses slogans trop stupides. Si elle pouvait, elle leur y mettrait le feu, mais pour l'instant tout ce qu'elle peut faire c'est l'empêcher de se ridiculiser en rendant inutilisables ces bouts de carton qu'elle brandit à tout va. C'est déjà pas si mal, tout compte fait : nullement besoin de violence pour lui rappeler que ce qu'elle fait n'a aucun sens. Ça l'agace vraiment, Poppy, de savoir que son aînée salit ainsi l'image des Wilkes qu'elle tente quant à elle de faire briller tant bien que mal. Elle s'est engagée en politique pour défendre les droits des humains à Savannah, et à côté de ça il y a Bluebell qui réclame qu'ils en perdent alors qu'elle est elle-même humaine – absurde. « Grandis un peu, et apprend à penser par toi-même, au lieu de suivre les idées arriérées des parents ! » Le regard de Poppy reste dédaigneux, mais son sourire n'est plus aussi large et brillant que lorsqu'ils parlaient couleur. « Quand on sait que certains crawlers peuvent contrôler les pensées d'autres personnes, on se demande vraiment qui de nous deux ne sait pas penser par elle-même. » Le ton est moqueur et hautain, pourtant pas un mot plus haut que l'autre. En aucun cas la benjamine ne se mettrait à crier comme une hystérique. Elle sent bien que Bluebell la fusille du regard comme si elle pouvait lui lancer ses éclairs, mais elle s'en moque. Elle sait qu'elle a raison et n'a sûrement pas besoin de l'approbation d'une idiote qui se donne en spectacle, quand bien même est-elle sa sœur aînée, pour le confirmer. « T'as pas plutôt le cul à la mère Parker-Wright à lécher, plutôt que d'me faire chier ici ? » « Tu es d'une vulgarité, » soupire Poppy en roulant des yeux. « Je ne me rabaisse pas à ça, contrairement à toi qui essaies de t'accorder les faveurs de ces abominations à tout prix. C'est quoi ton objectif, hormis te ridiculiser ? Tu veux en mettre un dans ton lit, pour voir ce que ça fait ? » qu'elle demande, l'air encore plus méprisante qu'avant. Elle n'attend pas vraiment de réponse à ses questions, pourtant elle connaît sa sœur et sait qu'elle va rétorquer, et s'enfoncer encore plus dans le ridicule car c'est tout ce qu'elle semble savoir faire ces dernières années.