Smile for the picture ♔ Poppy

Elle comprend pas trop ce que les mots Glam Metal veulent dire, Poppy, mais elle sait qu'elle aime le groupe Hell Bright et que c'est la musique qu'il produit. Produisait, plutôt, parce que ça fait longtemps que le groupe s'est dissous suite à la mort du chanteur – c'est Maman qui le leur a expliqué. « Alors t'as vu Brett Danton pour de vrai ? » demande la benjamine, les yeux brillant d'admiration pour sa génitrice qui leur raconte le premier concert de son groupe préféré auquel elle a assisté. Elle essaie de l'imaginer avec les cheveux couleur ébène et les yeux maquillés de noir, jouant les acrobates pour quitter la demeure familiale et aller voir son groupe favori en concert malgré l'interdiction parentale. L'idée la fait rire, mais pas autant que Magnolia qui ricane depuis cinq minutes. Elle, elle la connaît déjà par cœur cette histoire. C'est celle que leur mère raconte à chaque fois qu'elle met un des albums du groupe et qu'elles s'installent toutes les quatre dans le salon pour l'écouter. Pourtant aucune d'elles ne semble se lasser de ce récit, tout comme elles peuvent écouter encore et encore les chansons de Hell Bright. « Il est aussi beau que sur les photos ? » Alors l'adulte ferme les yeux pour revoir l'image du frontman du groupe, et commence à le décrire. Ses cheveux, ses iris, son sourire... Elle leur parle de tous les détails dont elle se souvient, répète les phrases qu'il prononçait entre chaque chanson, du sourire brillant qu'il lui a même fait – elle est certaine qu'il était pour lui. Les fesses bien installées sur le tapis du salon, Poppy tape des pieds en rythme, suivant la chanson qu'elle a l'impression de connaître par cœur à force de l'avoir entendue. Ses iris verts se détachent finalement de ses petits petons vernis de rose, glissent dans le salon et s'arrêtent sur les diverses mèches de cheveux qui décorent le tapis. Celles de Bluebell ressemblent à des germes de blé, alors que la chevelure de Magnolia fait plutôt penser à une cascade dorée. Elle trouve ça joli, Poppy, et elle espère qu'un jour elle aura les cheveux aussi longs que ses grandes sœurs, ou que Maman. Elle les aime tant, ces moments qu'elles passent toutes les quatre, et grave chacun d'eux dans sa mémoire sans se douter qu'ils s'espaceront de plus en plus jusqu'à ne plus exister.

Réajustant une énième fois les extensions de sa chevelure blonde sur ses épaules, Poppy ne cesse pas d'admirer sa tenue. Ce n'est pas le premier concours de beauté auquel elle participe avec ses sœurs, et ce ne sera sûrement pas le dernier, alors des robes elle en a vues d'autres, mais celle-ci est particulièrement jolie. Elle est blanche, décorée d'immenses fleurs roses et beiges, et lui donne l'impression d'être une princesse. Alors son sourire est immense, à la gamine, d'autant plus qu'elle est parfaitement à son aise ici. D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, Poppy a toujours participé à ces concours. Suivant l'exemple de ses sœurs et les consignes de leur mère, elle a appris à marcher le menton relevé, à se tenir bien droite, à articuler parfaitement lorsqu'on lui pose des questions, à garder les lippes étirées en toute circonstance. Il faut être belle, il faut être rayonnante, il faut être parfaite. Mais Poppy elle aime ça, ça lui plaît d'être celle qu'on regarde, celle à qui on s'intéresse, celle qu'on admire. Et puis elle est magnifique dans cette robe, qui pourrait dire le contraire ? Alors elle tourne sur elle-même une fois, deux fois, et ses yeux se mettent à pétiller lorsqu'elle réalise qu'en plus d'être superbe, le vêtement est du plus bel effet lorsqu'elle joue les danseuses. « Maman Maman, regarde comme elle me va bien ! Regarde comme elle tourne ! » Pourtant pas moyen de se faire entendre parce que leur mère est bien trop occupée à disputer la cadette qui défait sans arrêter le nœud de sa robe. Alors Poppy elle serre les dents, fusille son aînée du regard et réajuste encore une fois ses cheveux. Puis lorsque vient son tour de monter sur scène, elle fait tous les efforts qu'il faut pour être parfaite. Et elle l'est. Avec sa robe à fleurs, son sourire scintillant et sa voix douce qui ne tremble jamais, elle est la southern belle rêvée. Pourtant cela ne suffit pas à attirer le regard de la maternelle sur elle et seulement elle, parce qu'il faut toujours que Bluebell fasse des siennes ou que Magnolia passe première parce qu'elle est l'aînée. Comme d'habitude, c'est la benjamine qui se retrouve éclipsée malgré tous ses efforts pour un peu d'attention. Pourtant elle ne baisse pas les bras, et continue à briller. Un jour, leur mère réalisera que de ses trois filles elle est la plus parfaite.

Déambulant dans les couloirs de l'immense propriété familiale, Poppy joue avec les bords de sa robe bleue pastel tout en cherchant une occupation dans la maison. Elle toque à la porte de l'aînée de la fratrie pour découvrir qu'elle n'est pas là, ce qui lui arrache une grimace boudeuse. Magnolia et elle ont une dizaine d'années d'écart, alors c'est comme si elle ne se voyait jamais depuis qu'elle a entamé les études supérieures. « Maman, tu veux jouer avec moi ? » La voix se fait implorante, pourtant la réponse reste la même : sa mère est occupée. C'est la même excuse qui revient à chaque fois, pour cacher le fait qu'elle est incapable d'être maternelle avec ses enfants. Alors la benjamine fait la moue et retourne dans sa chambre, s'asseyant sur son lit pour réfléchir à ce qu'elle peut faire. Seule, comme toujours, parce sa mère n'a pas le temps, parce que son père n'est pas là, parce que ses sœurs font autre chose. Ça lui manque, à Poppy, ces après-midis qu'elles passaient toutes les quatre dans le salon, allongées sur le tapis couleur champagne, avec les chansons de Hell Bright et les histoires de Maman. Mais tout ça lui semble si loin à présent, c'est à se demander si ces instants elle ne les a pas simplement inventés. Pourtant elle sait que ce n'est pas le cas, qu'à une époque elles étaient comme une petite famille bien plus unie qu'aujourd'hui, et ce malgré les absences répétées du paternel. Elles avaient ces moments de bonheur et de complicité, et surtout elles avaient la musique pour les lier. La vérité, c'est qu'elles n'ont jamais cessé d'aimer la musique. Mais aujourd'hui elles ne l'écoutent plus ensemble : chacune dans sa chambre, séparées par des murs, des peines et des incompréhensions. Alors Poppy, elle fait comme d'habitude : elle active son lecteur et commence à danser pour que le temps passe plus vite. Pour ne pas réfléchir, aussi, parce que ça l'attriste de se remémorer ces bons moments qu'elles passaient toutes ensemble, sur le tapis du salon. A présent, tout ce qui leur reste ce sont ces concours de beauté auxquels Poppy excelle indéniablement. Pourtant c'est loin de suffire pour qu'elle ait un peu de reconnaissance maternelle, parce qu'elle est constamment éclipsée par ses deux aînées. Elle trouve ça terriblement injuste, la benjamine. Elle a beau être plus sage que Bluebell et plus resplendissante que Magnolia, ça ne suffit jamais, c'est toujours elle qu'on oublie. Ce qui ne convient assurément pas à Poppy qui veut être de celles dont on retient le sourire, jalouse la beauté, envie la prestance.

Elle se tient toute droite, Poppy, le menton relevé comme sa mère le lui a appris. Les apparences, répète-t-elle toujours, et la fillette a vite compris que c'était le plus important : toujours avoir l'air en confiance parfaite. Même si sa sœur semble s'agacer, si bien que le regard vert de la benjamine doit se détacher des boucles brunes de l'ami de son aînée pour la regarder elle. Elle et son air très mécontent qu'elle ne comprend pas. Qu'est-ce qu'elle a fait de mal ? « Laisse-nous un peu tranquilles, veux-tu ? » « Mais je veux jouer avec vous, » se plaint la gamine en croisant les bras sur sa poitrine, n'esquissant cependant pas le moindre mouvement. Elle ne trouve pas ça juste, Poppy, parce que tout ce qu'elle demande c'est de jouer un peu avec les deux plus grands, de parler un peu, ou même d'écouter de la musique en leur compagnie. Pourtant à chaque fois c'est la même chose : elle parvient à rester une centaine de secondes dans la chambre avec eux avant que Bluebell ne la regarde de travers en lui ordonnant de partir. Et cette fois-ci n'échappe pas à la règle : il ne faut pas longtemps pour que le ton monte et que l'amour sororal semble n'être qu'une légende idiote. « Sors d'ici, maintenant. » Alors Poppy assassine du regard son aînée, gonflant les joues de frustration avant de tourner les talons et de quitter la chambre en claquant la porte aussi fort qu'elle le peut. Jude, elle le connaît depuis toujours elle aussi, alors elle voudrait simplement être son amie. Pourtant il ne la regarde jamais, parce qu'il n'y en a que pour Bluebell – comme d'habitude. Bluebell qui est toujours là pour lui râler après, pour lui dire qu'elle dérange, pour lui demander de les laisser en paix. Elle est sage pourtant, Poppy, du moins Maman ne s'est jamais plaint d'elle autant qu'elle se plaint de son aînée. Pourtant c'est cette dernière qui a l'âge de Jude, alors il faut croire que c'est elle qui décide. Et ce qu'elle a décidé, semble-t-il, c'est que le fait qu'ils soient au lycée alors que sa cadette, plus jeune de deux années, n'est encore qu'au collège est une raison suffisante pour la mettre à la porte encore une fois. Ce que cette dernière prend toujours très mal, grommelant alors qu'elle rejoint sa chambre sans baisser le menton. Les apparences, c'est ce que dit toujours Maman, n'est-ce pas ? Alors Poppy elle ne baissera jamais la tête.

Postée dans le couloir, dos droit et bras croisés, juste à côté de la porte de la chambre de son aînée, Poppy l'entend s'affairer avec ce qu'elle devine être du carton et de la peinture. L'idée suffit à l'agacer, pourtant elle ne bouge pas, attendant simplement que Bluebell se montre, toujours avec ses pancartes aux messages absurdes et ses cheveux couleur corbeau. Tout ça pour se la jouer rebelle, la crise d'adolescence incarnée dans des piercings, des teintures et un maquillage trop sombre. « Plus ça va et plus tes pancartes sont ridicules, » lâche-t-elle alors, langue de vipère qui pour autant ne perd pas son sourire. Lippes étirées mais regard particulièrement dédaigneux, parce qu'elle trouve son aînée pathétique depuis qu'elle a commencé à faire le mur pour aller à des manifestations qui défendent vraiment tout et n'importe quoi. Comme si s'être revendiquée pro-crawlers n'était pas assez honteux au sein de la famille, il faut en plus qu'elle le crie haut et fort en dehors des murs de la maison. « Tu veux pas te la fermer toi ? » crache-t-elle en esquissant elle aussi un immense sourire suintant l'hypocrisie. Puis elle tourne le dos à sa cadette et file jusqu'à la porte, prête à escalader la balustrade de la demeure familiale pour aller à un de ces rassemblements débiles. C'est à croire que Bluebell est prête à tout pour entacher l'image des Wilkes, et Poppy ça la dégoûte franchement et elle ne s'en cache pas. Le pire ? Malgré toutes ses incartades, sa sœur reste celle qui attire le plus l'attention de leur génitrice. Et à côté, toujours dans l'ombre de ses deux aînées, la benjamine étouffe. Elle fait tout pour un peu de reconnaissance maternelle : toujours bien apprêtée, souriante, rapportant de bonnes notes et participant à tous les concours que sa mère décide. En vain, parce qu'avec ses cris et les inepties qu'elle débite en permanence, c'est toujours Bluebell qui prend le plus de place. Trop de place, alors Poppy elle brûle de jalousie de constamment passer après ses sœurs. Elle rêve d'une vie où on ne voit qu'elle, et elle compte bien tout faire pour l'obtenir.

Assise en tailleurs sur son lit, Poppy farfouille dans la bonbonnière calée entre ses jambes à la recherche du vernis à ongle parfait pour ce soir. Saisissant finalement le vernis bleu qui s'accordera à merveille avec la tenue qu'elle a prévu de porter, elle tend le contenant à Lexie qui est installée en face d'elle. « Tu devrais mettre du rouge, ça ira mieux avec ta robe, » lui assure-t-elle avec un sourire lorsqu'elle la voit loucher sur des nuances de vert qui feront à n'en douter tâche avec son vêtement. Hors de question que son amie fasse preuve d'une telle faute de goût alors qu'elles doivent arriver ensemble à la soirée de Noah. Sa remarque suffit à ce que la brune revienne à la raison, choisissant un vernis couleur sang avant de poser la bonbonnière aux pieds du lit, prête à revenir sur leur sujet de discussion d'il y a quelques minutes – Poppy le voit à ses yeux. « C'était une sorcière. Une sorcière, tu imagines ? » répète-t-elle, l'air presque scandalisée. Poppy hoche la tête, parfaitement d'accord avec sa camarade. Savannah manque de restrictions au sujet des crawlers parce que le Conseil nie le danger qu'ils représentent, elle en est convaincue. Et dire que cette ignominie a tenté de faire amie-amie avec elle comme si de rien n'était... C'est écœurant. « Heureusement qu'elle a été renvoyée, » souffle son amie, l'air véritablement soulagée. La blonde hoche la tête tandis que son sourire s'élargit en revoyant le visage de la concernée se défaire alors que son renvoi du lycée lui est annoncé. Poppy la revoit quitter l'établissement la tête baissée, presque certaine d'avoir vu des larmes tomber de ses joues. Le plus satisfaisant ? C'est à cause d'elle que cette sorcière a été renvoyée. Mais qui pourrait soupçonner la blonde et son si beau sourire d'être non seulement celle qui a fait courir la rumeur comme quoi elle vendait de la drogue aux autres lycéens mais aussi celle qui s'est arrangé pour que des preuves soient retrouvées dans le sac de la prétendue trafiquante ? Personne. Les apparences, a toujours répété Maman, et Poppy prouve à merveille à quel point cette stratégie est payante. Cette sale sorcière n'aurait pas dû l'approcher de si près, ni approcher ses amis, voilà tout.

Installée sur le divan du salon, les jambes croisées et les lèvres naturellement étirées, Poppy baisse les yeux lorsqu'elle sent qu'on tire les bords de sa jupe magenta. Assis par terre, le gamin au visage d'ange lui fait son plus beau sourire dès qu'il voit qu'il a réussi à attirer son attention. « Tata, je peux avoir du sirop ? S'il te plaît, » ajoute-t-il en voyant les sourcils de la blonde se froncer légèrement bien qu'elle ne perde pas son sourire, le tout d'une voix angélique rendant toute réponse négative absolument impossible. « Papa, tu peux me passer la bouteille s'il te plaît ? » Evidemment, il ne réagit pas. C'est toujours pareil de toute façon, à tel point que son comportement – bien que terriblement agaçant – n'a plus rien de surprenant. Même lorsqu'il est là, c'est comme s'il était ailleurs. Alors Poppy lève les yeux au ciel, retient un soupir d'agacement et se lève pour attraper elle-même la bouteille de sirop. Puis elle sert son neveu et se rassied sur le canapé, lissant machinalement un des plis de sa jupe. Tout content, l'enfant claque un baiser sur la joue de sa tante avant de se saisir du verre pour le vider d'une traite. Cette vision étire de plus belle les lippes de la jeune femme, éclipsant presque l'agacement qu'elle ressent à cause de l'attitude du paternel. Elle ne comprend pas pourquoi il s'évertue à revenir à la maison si c'est pour agir ainsi. Au moins lorsqu'il est en voyage d'affaires, il ne risque pas de briser la réputation familiale avec d'étranges coups de fil qu'il passe enfermé dans sa chambre, à chuchoter comme s'il avait quelque chose à cacher. Elle n'est pas idiote, Poppy, elle sait qu'il cache quelque chose. Sûrement une infidélité, parce qu'elle ne voit pas d'autre raison pour que certains de ces appels aient besoin d'être à ce point dissimulés alors qu'il a fait fortune dans un domaine tout à fait légal. La vérité, c'est qu'elle s'en moque que son père aille voir ailleurs – ce n'est pas comme s'il avait déjà été présent pour ses enfants ou sa femme. Du plus loin qu'elle s'en souvienne, il n'a toujours été qu'une ombre passant en coup de vent dans la demeure familiale pour remplir une valise avant de partir à nouveau en voyage d'affaires. Alors qu'il couche avec qui il le souhaite tant qu'il se montre discret, parce que la benjamine ne supporterait pas qu'il abîme l'image des Wilkes avec ses idioties. Déjà que Bluebell fait tâche sur le tableau, il ne faudrait pas que le paternel en devienne une lui aussi. Poppy, ça lui serait insupportable de voir ses efforts gâchés pour une histoire d'adultère mal dissimulée, elle qui s'évertue à être toujours parfaite et irréprochable.

Lippes maquillées et étirées, robe impeccable et port de tête parfait, Poppy se tient face à la femme qu'elle admire sûrement le plus à Savannah, surtout depuis son lancement récent dans une course au siège. « C'est un véritable plaisir de vous aider pour votre campagne, Mrs Parker-Wright. » Son sourire s'élargit tandis qu'elle prononce ses mots, puis elle s'éloigne pour aller donner de l'aide aux autres personnes présentes. La jolie blonde est fière. Fière de s'engager comme volontaire pour cette campagne, fière de participer à quelque chose d'aussi important, fière d'être utile pour une véritable cause, loin de ces absurdités que hurle Bluebell dans les rues avec ses pancartes idiotes. Cela fait des années que Poppy trouve scandaleux que le Conseil ne prenne pas plus de mesures pour assurer la protection des humains à Savannah. Son grand-père, au moins, a défendu la cause humaine pendant les dix années qu'il a passé sur l'un des sièges du Conseil. Mais tout porte à croire que les actuels occupants des sièges réservés aux humains ont oublié leur véritable rôle et préfèrent faire des courbettes pour entrer dans les bonnes grâces des êtres contre-nature qui pullulent la ville, ce que Poppy trouve pathétique. Plus le temps passe et plus les autorités se montrent laxistes avec les crawlers, fermant totalement les yeux sur la menace qu'ils représentent pour les humains. Aujourd'hui, ces ignominies se pavanent dans les rues, étudient dans les mêmes établissements qu'eux, utilisent leurs pouvoirs contre-nature comme ils l'entendent. Ils sont un danger, mais le Conseil s'en moque et laisse plutôt les humains se faire petit à petit écraser sous prétexte d'harmonie et d'égalité. Poppy trouve ça écœurant. Alors elle a décidé de faire quelque chose, de s'investir pour la cause humaine, d'agir pour la protection de ses semblables contre ces êtres contre-nature qui ne sont qu'un danger pour l'humanité. La voilà belle et bien engagée dans la campagne de Mrs Parker-Wright, déambulant dans sa jolie robe tout en cherchant où elle pourrait se montrer utile, sourire toujours aux lèvres. Jusqu'à repérer d'un jeune homme aux boucles brunes qu'elle ne connaît que trop bien. « Je peux t'aider avec ça ? » propose-t-elle en s'approchant, étirant ses lippes de plus belle lorsque le brun relève les yeux vers elle. Il est beau, Jude, encore plus qu'il ne l'était lorsqu'ils étaient plus jeunes et qu'elle se faisait mettre à la porte par sa sœur aînée. Elle ne saurait dire si c'est le rôle de campaign manager qui lui sied si bien, ou si ce sont simplement les années qui ont rendu son esprit à elle plus lucide, mais il l'est, indéniablement. Pourtant elle n'est pas là pour ça, Poppy, seulement il est difficile d'ignorer que le fils Parker-Wright n'a pas que cette qualité.

Ses doigts entrelacés avec ceux de son petit-ami, Poppy a un immense sourire aux lèvres alors qu'ils se dirigent vers sa chambre. Elle sent le regard de son aînée sur elle dans le couloir mais ne lui adresse pas le moindre mot, le port toujours altier. Pourtant, lorsqu'ils arrivent dans l'encadrement de la porte et qu'elle pose ses lèvres sur celles du jeune homme, au goût du baiser se mêle celui, plus léger et mesquin, de la victoire. Jude, c'était l'ami d'enfance de Bluebell, et aujourd'hui c'est son petit-ami à elle. Evidemment, faire les pieds à sa grande sœur n'est pas la raison de cette relation mais impossible de nier que c'est terriblement satisfaisant de se venger de toutes ces fois où elle était exclus de leurs activités lorsqu'elle était plus jeune. « On sort ? J'ai envie de macarons, » affirme-t-elle une fois qu'ils sont dans sa chambre, choisissant le sac à main qui ira le mieux avec sa tenue car aucune faute de goût n'est permise lorsque le couple est de sortie. Jude hoche la tête, et Poppy sourit de plus belle, absolument ravie d'obtenir ce qu'elle souhaite sans avoir à faire plus que papillonner des yeux – encore une fois. Cela va faire quatre mois qu'ils sont officiellement ensemble, et la jeune femme a l'impression d'être au comble du bonheur. Amoureuse, elle l'est à n'en douter, si bien qu'elle ne voit que lui depuis qu'ils se sont rapprochés en travaillant pour la campagne de Mrs Parker-Wright. Comment ne pas être totalement éprise de son petit-ami lorsqu'il s'avère être aussi parfait ? Il est charmant, Jude, serviable et drôle, souriant et magnifique dans ses mille tenues qui ne manquent jamais de beauté. Toujours apprêté, resplendissant, plein d'attentions pour sa belle, prêt à lui offrir le moindre petit truc dont elle a envie – pas qu'il manque de moyens, cela dit –, il ferait rêver n'importe quelle fille. Sauf que depuis quatre mois il n'est qu'à Poppy, et que Poppy elle se sent comme une princesse dans ses bras. Couverte de cadeaux, touchant du bout des doigts le pouvoir, la popularité et la vie de luxe qu'elle convoite depuis l'enfance, elle ne pourrait être plus heureuse qu'avec lui. Jude est irréprochable à ses yeux, si bien qu'on pourrait croire que tout ceci est trop beau pour être vrai. Une utopie qui finira par se briser, même si la blonde l'ignore encore. Pour l'instant, Poppy vit un véritable conte de fées qu'elle ne veut pas voir s'arrêter.