i’ll be your best kept secret and your biggest mistake — blue

( champagne ) Allongée sur le sol, sur le tapis couleur champagne au milieu du salon, avec tes sœurs et Maman, vous écoutez de la musique. A ta droite, Magnolia, ta grande sœur, de presque neuf ans ton aînée ! A ta gauche, Poppy, qui t'a suivie de près, très près pour arriver. Il faut dire que tu as su te faire désirer, Blue. Des années, à tenter de tomber enceinte pour madame Wilkes, en vain. Jusqu'à presque abandonner, quand soudain tu t'es enfin décidée. Ils ne savaient pas ce qui les attendait avec ton arrivée. Mais pour l'instant t'es qu'une gamine Bluebell, quelques dents manquantes à ton sourire, et tu es cette petite fille pleine de joie de vivre, peut être un peu trop bruyante, mais tu restes docile et parfaitement obéissante. Toutes les quatre vous riez, tandis que Maman vous raconte les histoires de son adolescence. Ces moments sont rares, bien trop rares. Maman ne joue jamais avec vous, elle vous laisse entre les mains expertes de votre nanny. Elle ne semble partager de véritables moments avec vous, que lorsque Papa n'est pas là, parti en voyage d'affaire. Pourtant Maman ne travaille pas, pas vraiment du moins. Elle est de ses femmes au foyer, comme tu entends dire. Elle s'occupe dans différentes associations et passent son temps à... à quoi exactement, tu n'en sais rien. « Raconte-nous encore la fois, où Papy a appelé la police ! » Magnolia glousse, espiègle. Elle raffole des histoires que Maman vous raconte. Des histoires, que peut être elle devrait garder pour elle, mais c'est comme si avec elle, c'était tout, ou rien. Alors vous écoutez avec attention, cette histoire que vous connaissez par cœur. Et vous imaginez votre mère, les cheveux teints en noirs, les yeux charbonneux, qui escalade la balustrade du balcon, pour se rendre au concert de Hell Bright, auquel elle n'a pas le droit d'assister ! Vous êtes loin de vous rendre compte, que ce sera sûrement l'un des derniers moments de véritable partage que vous aurez avec elle. Parce que les années vous éloigneront, vous transformeront en presque-inconnues.


( fushia ) Ton estomac se tord, à tel point que tu ne penses pas être capable de garder ton dernier repas. Pourtant, tu gardes la tête haute et ne laisse rien paraître. Tu souris, même si ton regard semble éteint. Magnolia, elle semble tellement plus à l'aise, elle est resplendissante. Poppy, n'en parlons pas, elle semble être à sa place. Tandis que toi, tu te sens complètement à coté de la plaque. « Bluebell, reviens ici ! Ta robe ! » Maman te hurle dessus, alors que tu tentais de t'éloigner un peu, pour aller discuter avec un groupe de filles un peu plus loin. Tu baisses la tête, et rebrousses chemin. Tu sens les mains brusques de Maman qui ressert le nœud fushia dans ton dos. C'est donc cela que devait ressentir ces femmes en corset à l'époque ? Ta respiration se fait courte et difficile. « C'est trop serré maman. » Tu te fais suppliquatrice, sachant pourtant d'avance la réponse que tu recevras. « Arrête tes sottises, c'est bientôt à toi ! Souris et articule ! » Elle te pousse vers la scène, sans plus aucun ménagement, déjà en train de s'assurer que les cheveux de ton aînée sont toujours bien en place. Tu n'as pas le choix, tu dois y aller. Tu détestes ça, ces concours de beauté à la noix ! C'est Maman qui veut absolument que vous y participiez, comme elle à son époque. Magnolia s'y plie sans trop rechigner. Poppy semble réellement s'y plaire. Mais toi, toi, tu aimerais mieux crier sur les juges et t'enfuir, que de devoir supporter une fois de plus ces extensions de cheveux, ses produits pour blanchir tes dents et ses robes trop serrées. Pourtant, tu t'avances, sourire factice sur le visage et tu t'exécutes. Prestation exemplaire, parfaite petite southern belle, comme ta mère t'as appris à être. Pas un faux pas, pas un mot de travers. Mais à l'intérieur de toi, t'as l'impression de mourir à petit feu, à chaque compétition un peu plus. Ce n'est pourtant pas le dernier pageant auquel tu participeras. Non, tu t'infligeras encore plusieurs années de défiler, de réponses toutes faites à des questions futiles, ou faussement impliquées, pour la simple et bonne raison, qu'il s'agit là du dernier lien qui te rattache à ta mère. C'est la seule chose, que vous partagez encore. Alors il te fondra encore un peu de temps, avant de réussir à tirer un trait sur ça. Accepter de devenir une espèce d'étrangère aux yeux de ta mère, est plus difficile que tu ne le pensais.


( noir corbeau ) Grandir dans ce carcan de perfection ne semble jamais vraiment t'avoir convenu. Tu as bien essayé, et durant des années, tu as même réussi à faire croire que tu y arrivais. Mais le temps a fini par avoir raison de toi. L'adolescence, et ce besoin irrépressible de rébellion ont fait de toi cette bombe à retardement. « Tu vas encore à une de tes manifestations de merde ? Tu crois vraiment que tu vas changer l'monde avec tes pancartes à la con ? » Tu te retournes, stoppée net par les questions acerbes de ta cadette. T'as l'impression de la dégoûter depuis que t'as osé affirmer tes idées à table. Si les Wilkes sont foncièrement anti-crawlers, t'as osé aller à l'encontre de leurs idéaux en proclamant être pro-créatures ! Papy ne serait clairement pas fier de toi. Lui, qui a siégé au précédent Conseil et a lutté bec et ongles pour le droit des humains. Tu lui ferais honte, comme te l'a si gentiment dit ta mère. « Poppy, le jour où tu seras capable d'avoir tes propres idées, tu pourras parler. En attendant ferme ta gueule, merci. » Large sourire hypocrite, tandis que tu lui tournes le dos, et que tes longs cheveux, originairement blonds, mais désormais noir corbeau, volent derrière toi. Tu n'y a peut être pas pensé, mais tu agis comme un écho à ta propre mère, elle aussi a eu sa période rebelle durant son adolescence. Elle aussi a teint ses cheveux aussi noir que la nuit. Toi, tu ne fais pas le mur pour aller à des concerts qui te sont interdits, mais tu files en douce de la maison pour te rendre à des manifestations que tes parents n'approuvent pas. Tu es en colère, furieuse, par toutes ces choses qui te semblent injustes. Toutes ces causes qui te tiennent à cœur, tu luttes pour elles de manière active. Parfois peut être même un peu trop. Aujourd'hui, tu vas militer pour les droits des créatures. Demain, ce sera peut être une marche féministe. Et la semaine prochaine un rassemblement antispéciste. Tu t'éparpilles, mais tout te semble tellement important, que tu es incapable de faire un choix.


( bleu roi ) « Blue ! Bordel, on va être en retard ! » Sa voix résonne dans le couloir, derrière la porte de la salle de bain. Tu soupires, en reposant à la hâte ton mascara sur le rebord du lavabo. Tu observes ton reflet dans le miroir, sous toutes ses coutures, puis ressers ta queue de cheval, à nouveau aussi blonde que les blés. Enfin satisfaite tu sors de la pièce exiguë, dans l'appartement de ton petit ami. Brandon se tient là, au milieu du chemin et il a l'air passablement irrité d'avoir dû t'attendre. « Fais pas cette tête, j'ai pas mis si long que ça. » Mielleuse, tu déposes un baiser sur sa joue pour te faire pardonner. Ce soir, vous vous rendez à une soirée universitaire, à laquelle tu n'as pas vraiment envie de te rendre. Mais il a insisté, alors tu as fini par céder. Tu profites d'ailleurs d'être passagère dans la voiture pour renvoyer un dernier sms sur le groupe whatsapp. " Désolée encore une fois pour ce soir. Je serai là pour la prochaine, promis. Faites bien attention à vous " Brandon soupire à coté de toi, excédé que tu sois encore en train de pianoté sur ton smartphone. Alors tu ranges l'objet de la discorde dans ton sac, sans un mot. Mais tu n'en penses pas moins. Il devrait être reconnaissant que tu soies là, ce soir, avec lui, alors tu tu devrais être avec tes amis, pour une protestation devant une église ouvertement anti-crawlers. Tu serres le poing et te mords la langue, fixant ton regard sur le reste de la route qui vous attend. Tu sais dans le fond que ton couple n'est pas ce dont tu as besoin, pourtant, tu n'arrives pas à t'en défaire. Brandon et son stupide pull bleu roi, font partis de ta vie depuis que t'es gamine. Un basic golden boy, sa seule qualité ? Il plaît à ta mère. Et c'est peut être là, que se cache la véritable raison de votre histoire. Ton besoin inconscient de plaire encore un peu à ta mère, tenter de te reconnecter avec elle, malgré tout.


( rouge carmin ) On ne peut pas dire, que tu sois très friande de grandes soirées, de fêtes, et de toutes ces choses-là. Tu n'es pas du genre populaire à l'université. Blue, tu fais plutôt partie des outsiders, fuyant comme la peste le cercle très fermé des gosses de riches. Pourtant, Brandon finit toujours par t'y aspirer à nouveau. Mais après tout, tu restes avec lui, à toi d'en assumer les conséquences alors... Mais ce soir, ce n'est pas lui qui te traîne à une énième de ces parties, que tu détestes. L'alcool y est cheap et les gens sont de petits cons, qui ne se sentent exister qu'au travers de leurs filtres snapchat. On dirait presque une vieille ! Non, cette fois, c'est Delilah qui t'emmène avec elle. Tu ne sais ni où, ni avec qui, mais tu lui fais confiance, comme toujours. Ce soir-là, tu n'pensais pas rencontrer Brett Danton. Le Brett Danton dont ta mère était fan. Hell Bright, qui résonne presque aussitôt dans ta tête et te rappelle tant de souvenirs. T'as l'air ridicule, avec ton rouge à lèvre rouge carmin et tes talons hauts sur lesquelles ton équilibre semble précaire. Mais qu'importe, tu essaies de te donner un genre sophistiqué. C'est pas le moment de te ridiculiser. Il est charmant, et côtoyer des vampires d'aussi près, à ce quelque chose de grisant et terrifiant à la fois. Tu ne sais juste pas dans quoi tu viens de t'embarquer. Petite humaine, si jeune et tellement naïve.