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 270 degrees (mean)

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Maura Pace
Maura Pace
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moonchild
MessageSujet: 270 degrees (mean)   270 degrees (mean) EmptyMer 13 Mai - 11:25



“Whatever happened to our dreams? […] We live trapped in loops, reliving a few days over and over, and we envision only a handful of paths laid out ahead of us. We see the same things each day, we respond the same way, we think the same thoughts, each day a slight variation on the last, every moment smoothly following the gentle curves of societal norms. We act like if we just get through today, tomorrow our dreams will come back to us.”


Le bar ne paye pas de mine la journée : pour quiconque ne connaît pas la réputation du Wyld, on croirait une grosse cabane montée sur pilotis, à moitié abandonnée, prête à se faire engloutir par la rivière à la moindre secousse. Le soleil a écaillé la peinture de la bâtisse et rongé les tables en bois qui sont collées les unes aux autres sur le ponton. Pourtant, une fois la nuit tombée, la citrouille devient carrosse. Les guirlandes de LED donnent un air presque festif au taudis et la musique qui s’élève des enceintes depuis la cuisine arrive à détendre quiconque pose un pied sur les planches pourries de l’entrée, malgré le cercle de bienvenue des moustiques et les nuages menaçants qui grondent doucement à l'horizon. L’été n’est même pas encore arrivé que l’air est déjà lourd, de cette humidité typiquement poisseuse de la région qui dépose une pellicule de sueur sur le front, au-dessus des lèvres et au creux des nuques. Aaron et Maura, attablés à l’une de ces tables de pique-niques qui surplombent la rivière (dont la niche du parasol a été habilement bouchée par une tasse au-dessous, sorte de cendrier improvisé) ne sont épargnés ni par la chaleur écrasante de cette fin de soirée, ni par les bestioles qui virevoltent autour des ampoules. Quatre heures qu’ils poireautent à attendre la fin de service de Tianna, la copine d’Aaron, lui-même colocataire de Maura et en panne de voiture depuis des semaines. Le shift était censé se terminer à 20h, horaire à laquelle Tia devait refiler son tablier de serveuse multitâche à quelqu’un qui ne s’était jamais donné la peine de venir, ni même de prévenir, alors ils étaient restés là comme des cons, à patienter pendant qu’elle servait des burgers et des poissons frits, en enquillant d’abord les bières, ensuite les mélanges au rhum, puis pour finir tout ce que Tia leur amenait dans des verres minuscules pour s’excuser de ce qu’elle ne pouvait pas changer. « Relax, honey, we have nowhere else to go. » était leur réponse systématique, trop absorbés dans leurs histoires de vie respectives et par cette ébriété sereine, hors du temps, qui avait cimenté un début de camaraderie.
Jusqu’à ce qu’un groupe débarque deux minutes avant la dernière prise de commande et s’installe bruyamment au fond de l’embarcadère.
Aaron a beau clamer que tout va bien, qu’il peut tout à fait accepter qu’une bande d’abrutis d’humains se croient tout permis, comme d’habitude, et qu’il reprendra bien un peu de – qu’est-ce qu’il reste au fond de ce verre, là ? parfait – son genou se met à sautiller convulsivement, au rythme de la mollette de son briquet qui grille ses dernières cigarettes. Leurs sens sont bêtement à l’affût, électrisés par les litres d’alcool qui circulent dans leurs veines et par la fatigue de la dernière pleine lune, dont ils se remettent à peine. Si la rage d’Aaron est parfaitement justifiée – à cause de morveux comme eux, il n’a pas pu passer une seule soirée de la semaine en compagnie de Tia – la nervosité de Maura n’a pas grand-chose à voir avec l’heure tardive ou le temps perdu sur ce ponton. Elle a reconnu la moitié d’entre eux. Dont Shane, un dealer à la petite semaine facilement repérable à cause de sa tignasse blonde platine. Un ami de Luke. Un pote de son frère désormais derrière les barreaux. Elle leur tourne le dos mais ne peut s’empêcher de les sentir. Leur nonchalance typique. L’odeur des souvenirs qu’ils traînent dans leur sillage sans même s’en rendre compte. Ils sont passés à côté d’eux dans une indifférence grandiose : normal pour Shane, ses yeux écarlates n’auraient probablement pas pu repérer un éléphant au milieu de la route ; prévisible pour Dee, qui avait réinventé le mot dédain suite au fiasco de leur dernière soirée du Nouvel An, cinq ans plus tôt ; quant à Quinn ? Ça l’aurait probablement tué de la saluer en public.

Un menu long comme le bras plus tard, Aaron et Tia sont en train de s’engueuler au fond de la cuisine et les rires ont doublé de volume derrière Maura. Lorsqu’elle se lève du banc sur lequel elle est vissée depuis plusieurs heures, le plancher tangue légèrement sous ses pieds et elle doit s’accrocher à la table pour ne pas laisser la guimauve de ses jambes remporter la bataille. Elle est supposée ramener les deux gamins à la maison d’ici une heure, deux maximum. Mal parti. Les enjambées suivantes gagnent en assurance et elle atteint sa voiture garée à l’entrée avec davantage de maîtrise, tire un nouveau paquet de Winston du bac sous le siège passager et a à peine le temps de refermer la portière que des talons hauts se précipitent dans sa direction – elle s’attend bêtement à des insultes, Dee a l’air assez remontée pour vouloir provoquer un esclandre inutile – mais étouffe un soulagement lorsqu’elle la voit plutôt s’accroupir et rendre ses trois bières au pied de la devanture. C’est un vieux réflexe stupide que de se rapprocher pour retenir d’une main les mèches de Dee qui plongent dangereusement vers le bas. Ses cheveux ont l’âpreté familière du tabac froid et de… Quinn ? La silhouette qui se découpe dans la lumière tamisée au-dessus d’elles est reconnaissable entre mille, précédée par des odeurs retenues inutilement en mémoire. Maura n’a pas besoin de voir son visage pour deviner qu’il doit avoir l’air de s’en cogner royalement, et réprime un demi sourire. Dee toussote encore un peu, crache de la bile puis dégage la main qui retenait ses cheveux d’un geste brusque. Pas de remerciement. A peine un regard dans sa direction. Pas la moindre considération donnée à ce geste qui cristallisait l’ensemble de leur relation passée : peu importait les histoires stupides venues polluer leur amitié, chacune avait été prête, il n’y a plus si longtemps que ça, à soutenir l’autre dans ses moments les moins glorieux. Puis tout s’était évaporé, comme le reste. Dee retrouve un équilibre vacillant, fait quelques pas en direction du ponton avant de se retourner dans un déhanché dramatique : « Go to hell, Maura. » La flammèche d’un briquet claque dans l’air pour toute réponse et Dee s’éloigne, non sans leur avoir balancé un dernier regard courroucé. « Nice. Interesting choice. You always go for the classy ones, huh? » La rancœur, entièrement déplacée, côtoie misérablement les maigres filaments d’attachement qui ne veulent pas se décrocher. Elle tente de la tasser sous une épaisse couche d’humour miséreux tandis que des bribes de spleen partent en fumée au bout de sa cigarette. « What did she take? Oh, wait, I’ll bet you 50 bucks that she’s pregnant. Let’s hope you - » Win ? Lose ? On ne le saura jamais. Le ping d’un sms fend soudain la nuit et Maura repêche son téléphone de la poche arrière de son jean, lit d’un œil morne la troisième notification de la soirée avant de l’ignorer et de ranger l’appareil. Pas maintenant. Le prof d’anglais pourra attendre. D’ailleurs, elle n’est même pas sûre d’avoir répondu au dernier message de Quinn, que cet idiot a envoyé pile poil un soir de pleine lune. (Elle n’a pas cinquante dollars dans ses poches de toute façon, ce pari est con. Elle n’imagine que trop bien Quinn avec des gamins dans les pattes et cette pouf de Dee accrochée à ses basques pour l’éternité, et cette vision d’horreur lui file la nausée.) « That blond kid, Shane – you know that I know him. » C’est à peine une question. Plus une excuse pour le retenir cinq minutes de plus, avant que la bouffe commandée sorte du passe et qu’ils doivent se rasseoir dos à dos en prétendant que leur enfance n’a jamais existé. Dans le contre-jour des lampions, ses cheveux hirsutes sont une pure provocation. « Is he… what? Replacing my brother now? » Sous la curiosité imbibée, les reproches.
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Quinn Farrow
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flesh and bones
MessageSujet: Re: 270 degrees (mean)   270 degrees (mean) EmptyMer 20 Mai - 22:17

I feel like I know you but you're just a ghost to me And when I sit beside your shadow, somehow it comforts me. I've got a hole the size of your touch that fits in your arms as much And when I try to fill it up, the hole gets bigger every time - -

« How do I look ? Should I put some lipstick on ?Do I look like I give a shit ? We’re not meeting fucking POTUS so shift yourself, for god’s sake. » Une tige éteinte entre les dents, il attendait qu’elle termine d’appliquer avec un soin pathologique les dernières touches de liner qui, de toute façon, finirait par laisser sur ses joues de larges traînées noirâtres avant la fin de la soirée.
La piaule de Dee était vraiment merdique. Sombre, surchargée de cartons, une odeur de moisissure se superposait aux relents de friture qui émanaient du restaurant juste en dessous. C’était parée d’une superbe diluée par sa vulgarité légendaire qu’elle lui avait présenté son palace du centre ville et avait réussi, à grand peine, à faire le tour des vingt mètres carrés décatis en plus de vingt minutes de visite. Là où Quinn ne se serait pas fendu du moindre commentaire, Dee n’en finissait pas de soliloquer au sujet de telle table basse bradée la veille, qui s’accorderait à merveille avec le lot de suspensions florales qu’elle envisageait d’accrocher là, et, tu ne penses pas qu’avec une petite étagère ici, ça agrandirait l’espace ? Dee le fatiguait. Déjà à l’époque, elle le fatiguait et, tandis qu’il triturait un paquet de clope dans le fond de sa poche sans parvenir à mesurer son agacement lorsqu’elle hésita longuement devant un large choix de talons plus hauts les uns que les autres, il sondait les raisons obscures qui l’avait envoyé dans le plumard de cette écervelée. Il n’y en avait aucune, si ce n’était la force des choses. « Do we really have to do this ? Shane’s an asshole.We’ve got shit to talk about.What kind of shit ?None of business.Is Nickie a part of it ?I don’t know, maybe, why do you care ? » Elle haussa une épaule, ajusta la bretelle de son soutien-gorge, tordue devant le miroir en pied de l’entrée. Coula un regard étrange dans sa direction. « Dunno. I’m trying to be a part of your shit too, y’know. » Son mutisme n’avait rien d’inhabituel. Quinn se fatiguait rarement à donner réponse à une remarque qui n’en demandait pas. Celle-ci en demandait une, pourtant. Une assurance, n’importe quoi pour la convaincre qu’elle faisait bien partie de son quotidien une fois sortie de son pieu. Il soutint son regard, hésita trop longtemps pour lui offrir ce qu’elle demandait ; les joues marbrées de honte, elle conclut pour eux : « I don’t even like Shane. » Ils descendirent sur cette ultime vanité, Dee le talonnant aussi vite que le lui permettaient ses plateformes inconfortables.
(Lui non plus n’aime pas tellement Shane. Flambeur, bruyant, sa validité repose entièrement sur sa liste de contacts honteusement fournie et c’est la seule chose qu’il espère de cette soirée à la con : récupérer ces noms que Shane n’a accepté de lui filer qu’en contrepartie de quelques bières. Soit, il a connu pire deal.)

Shane était déjà explosé lorsqu’ils se pointèrent chez lui ; l’objectif initial se perdit dans les couplets que crachait Nas depuis une enceinte portable, la fumée de clopes et les dernières histoires invraisemblables de Shane et, quand il proposa le Wyld à dix heures passé, Quinn était trop cuit pour décliner.
Leur arrivée tardive leur valut le regard courroucé de la serveuse — une brune dont la silhouette menue ne manqua pas d’arracher un sifflement expert à Shane. Des raclements de chaises en plastique. Des soupirs de soulagement et les sommations impatientes commandant la première tournée. Et dans la sorgue qui absorbait les alentours du Wyld, des mèches platines accrochaient la lumière des guirlandes dans un éclat métallique. Un coude piquant s’enfonça inutilement dans ses côtes lorsque Dee lui désigna la table à leur droite d’un geste dédaigneux du menton. Il avait vu Maura avant même de descendre de voiture. « Aren’t dogs restricted to the Silver Tooth ? »
Quinn tira délibérément le siège qui tournait le dos à la tablée voisine. S’y échoua sans grâce, ignorant la tête blonde autant que la mimique sarcastique de Dee.

Les peintures éclatées des masures se font presque oublier dans toute cette obscurité et le tumulte du jour a cédé la place à un calme illusoire. Le quartier ne dort pas vraiment ; des silhouettes jouent aux ombres chinoises derrière les rideaux passés de mode, quand ce n’est pas une tête échevelée qui se découpe dans l’encadrement d’une fenêtre, clope à la main, occupé à contempler l’inertie du dehors, vague reflet de leurs propres existences. Les destins brisés, inexistants, les rêves oubliés. Ils pullulent à West Savannah, se planquent sous des sourires condescendants à l’approche de quiconque n’appartient pas à leur monde, des pools parties improvisées dans des bidons quand la chaleur frise des sommets, se laissent oublier, parfois, dans les éclats de rires des mômes qui arpentent les rues à bord de vélos rouillés. West Savannah a l’odeur des barbecues et de la poudre, de la lessive Tide et de l’anti-moustique Raid.
Le bruit de leurs pas s’évanouit devant chez elle. Ils n’ont pas échangé un mot depuis qu’ils ont quitté Bennie qui, en outre, s’est occupé de faire la conversation pour eux trois depuis leur départ de la Plantation. Maura rallume le cul de sa clope et lui rend son briquet. À quelques mètres de là, un lampadaire noirci de graffitis fait danser sa lumière dans ses mèches blondes. Elles coulent comme du métal liquide entre ses doigts et il devine un sourire vague derrière la fumée de sa clope. Il semble sur le point de dire quelque chose quand la porte de chez Maura s’ouvre en grinçant sur la silhouette sèche et réprobatrice de Trish. « I think you’re needed.Maura, come inside, now. Go, Quinn. You’re not welcome here. » Ses doigts se détachent de ses cheveux et libèrent dans l’air lourd un vague parfum de menthe. Il traverse la rue qu’ils ont mille fois traversée, piétine l’herbe jaunie mille fois piétinée et, lorsque la porte d’entrée l’avale dans les entrailles de la maison, il semble qu’il faudra plus que les avertissements de Trish pour l’empêcher de faire le trajet inverse.
(Cette nuit, West Savannah sent aussi le shampoing de Maura.)

Quinze ans, une transformation et beaucoup de rancoeur avaient triomphé là où l’obstination adolescente avait échoué. Ils ne se connaissaient plus.
Les cartes volèrent à travers la table, recouvrirent la main perdante de Dee. « Oh Dee, you lose, baby. » Shane ricana, la paupière ourlée de rouge à demi-fermée sur son oeil vitreux. Il fit glisser un shot vers elle, qui n’avait d’ailleurs de shot que le nom. « Drink up, ho’ ! » Dee n'aurait jamais du accepter. L’issue était courue d’avance et il y eut un instant de flottement tandis qu’ils attendaient, attentifs aux grimaces écoeurées de la grande gigue qui, sous les éclats de rires soudain, finit par se lever en dressant le majeur et disparut en courant.
Voir Dee dégueuler ses tripes après quelques verres était tristement récurrent. Voir Maura ramasser sa tignasse dans une imitation parfaite de ce qu’avaient été leurs soirées des années plus tôt, en revanche, le fit sourciller. Quand Dee se redressa avec une insolence vacillante, il remarqua les premières coulées de mascara qui s’étalaient sous ses yeux. « Go to hell, Maura. » Elles avaient partagé plus que le dédain hurlant de Dee, fut un temps. Le remarquer additionnait un écho désagréable à leur propre situation, quand bien même n’en avaient-ils pas. Ils n’étaient rien sous le regard de Savannah et, si l’on oubliait ces messages qu’il se surprenait à envoyer au beau milieu de la nuit avec une constance absurde, l’ignorer était devenu une gymnastique routinière. Après des heures à lui tourner résolument le dos, il resta pourtant planté là, mollement appuyé contre la Buick, l’air absent et foutrement désintéressé. Ses traits ne renvoyaient rien, pas même les lumières qui venaient frapper les billes céruléennes levées vers son ombre. « Nice. Interesting choice. You always go for the classy ones, huh? » Do you include yourself in it ? qu’il ravale. Non loin, Dee tanguait sur ses cannes interminables et manqua de se casser la gueule en trébuchant sur son sac à main. Le sarcasme autant que la scène manquèrent de lui arracher un rire malvenu. « What did she take? Oh, wait, I’ll bet you 50 bucks that she’s pregnant. Let’s hope you - » Son regard plongea avec le sien vers le téléphone qu’elle extirpa de sa poche arrière lorsqu’une notification fendit l’atmosphère, alourdie par un orage différent de celui qui couvait au dessus de leurs têtes. Let’s hope you what ? « Looks like a habit not to answer your texts. » Le culot ne l’étouffe visiblement pas. Elle l’ignora. « That blonde kid, Shane – you know that I know him. Is he… what? Replacing my brother now? » Un tressautement d’épaule lui répondit. Sort of, pensa-t-il, muet. Quinn n’oubliait pas sa responsabilité dans l’incarcération de Luke mais n’éprouvait qu’une vague culpabilité devant la ruine d’une vie qui n’était pas la sienne. La raison de son inculpation l’emmerdait davantage ; la perte d’une quantité astronomique de came qui les avait déjà saignés de leurs « économies », la poisse qui les avait suivis à la suite de la saisie. Cette connerie lui coûtait encore très cher, Luke était un dommage collatéral, sacrifié pour un plan foireux. Elle lui en voulait et il ne put s’empêcher de lui demander : « How’s jail going for him ? »
Il n’y eut aucun effet à savourer. Deux silhouettes s’invitèrent bientôt dans le coin de son champ de vision, l’attente et la perplexité gravés sur leurs traits. Tournées vers eux, il devinait toutefois leur regard peser sur Maura. « I think you’re needed.Maura, you ready ? » Une défiance féroce sembla émaner d’eux lorsqu’il leur passa devant d’une démarche incertaine, après un dernier regard en arrière. Il n'y avait plus qu'eux sur la terrasse ; Dee venait de se faire servir un dernier coca, Shane avait plongé le visage dans ses mains et ses épaules se soulevaient à intervalles si réguliers que Quinn se demanda brièvement s’il ne s’était pas endormi.
Lorsque, les mains ramollies par la vodka, il chercha les clefs de bagnole sans les trouver, l’autre trio avait déjà mis les voiles. « Dee, tell me you have the car keys. » Mais Dee dégueulait son coca sous le nez du barman. « Dee !You better not have lost them, Quinn, I’m not fucking aroundFucking A. » Il loucha inutilement sur la Bronco, qui dormirait devant le Wyld jusqu’à ce qu’il retrouve le double de ses clefs.

today at 00:56 pm
hey
fun fact : i lost my car keys
could u come get us, D’s a fckg mess, barely able to walk (i’ll owe u one)
plz


La température avait chuté de quelques degrés lorsque le vent s’était levé et, prostrée sur une chaise que le gérant du Wyld avait accepté de leur laisser avant de partir, Dee frissonnait de tout son corps. « I’m freezing my ass off. —  Yeah, no shit. » railla-t-il ; elle arborait plus de peau nue que de surface de tissus. « Where the fuck is she ? It’s been hours. And why the hell did you call her ? » grinça-t-elle. La vraie question était pourtant : why the hell did she say yes ? Sa voix traînante pesait aussi lourd que son ivresse et elle gardait les yeux prudemment fermés, la tête posée en équilibre sur un poing, le teint hâve.
Ils attendaient depuis plus d’une demi heure quand deux phares brisèrent la nuit. La fenêtre passager se baissa et la tête blonde de Maura se dessina péniblement dans l’ombre de l’habitacle. Il chercha son regard sans le trouver, et plutôt que de cracher un remerciement, ouvrit la portière et s’assit sur un paquet de gâteau qui traînait sur le siège passager. « Wasn’t sure you were coming.Your car’s trash. Don’t mind if I puke in it ? » Dee s’effondra sur la banquette arrière avec la grâce d’un mufle, souligna l’inconfort de la banquette et, pour parfaire l’ingratitude, le ciel se mit à pleurer des gouttes épaisses sur le pare-brise dans un vacarme assourdissant. « Hope you’re not too stuffed to drive. »


Dernière édition par Quinn Farrow le Jeu 5 Nov - 21:46, édité 1 fois
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Maura Pace
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MessageSujet: Re: 270 degrees (mean)   270 degrees (mean) EmptyDim 24 Mai - 1:03

« What was that?What? Nothing.Did you know them?Why do you care?It looked like you knew them.And? » Fucking wannabe alpha, agissant comme un lieutenant de police en présence de loups déviants. Elle croise les iris sombres de Tia dans le rétroviseur central, Tia qui se met aussitôt à fixer la nuit qui défile par-delà la vitre, trop habituée à ce genre de discours et à la conclusion systématique à laquelle Aaron ne va pas tarder à arriver pour vouloir se mêler à la conversation. Il tend la main pour baisser la musique – une installation de fortune, un vieux mp3 branché à une cassette, seul aliment que l’autoradio veut bien avaler – et Maura repasse derrière pour remonter le son du mix infiniment nostalgique qui tourne en boucle dans la Buick depuis six mois. Elle sent son regard soupçonneux lui brûler la nuque sans même tourner la tête, connaît le refrain par cœur et s’apprête déjà à le lui renvoyer en pleine face si jamais il a le culot de vouloir se la jouer petit frère protecteur. Mais contre toute attente, il paraît abandonner. « Well, geez, aren’t we touchy all of a sudden? I didn’t know you knew them, that’s all. » Dans les speakers, Charles Bradley lui chantonne un délicat et remixé stay away, stay away, oh pour toute réponse alors que Maura se borne à rester concentrée sur la route, ressassant l’ironie mordante de Quinn – How’s jail going for him ? Et il se foutait de sa gueule en plus ? – l’interruption malvenue de l’autre loup et la seconde flottante où elle avait eu envie d’envoyer chier les deux gosses, qu’ils rentrent à pied, qu’ils appellent un Uber, qu’ils lui foutent la paix trente secondes. L’amertume coupée en plein vol n’avait pas encore eu le temps de retomber.
Les rues défilent dans un silence ombrageux pendant que les nuages commencent à gronder au-dessus de leurs têtes et que la musique se charge de clôturer la soirée. L’appartement de Tia n’est qu’à une vingtaine de minutes, une longue succession de lignes droites qui invitent à rouler à tombeau ouvert. L’écran du téléphone posé dans le renfoncement du tableau de bord s’illumine à la moitié du chemin et le rectangle de lumière se reflète sur le parebrise tandis qu’une vague de culpabilité refait surface : elle s’imagine qu’il s’agit là du quatrième message du prof d’anglais. Il s’inquiète qu’elle ne réponde pas. Et Aaron s’inquiète de ses fréquentations. À quel moment leur a-t-elle laissé penser qu’elle était une orpheline de douze ans en quête d’un sauveur ? « Honestly, though, I hope they’re not your friends. » Le soupir d’exaspération de Maura ne lui échappe pas, ni la hargne qui la fait écraser un peu trop brutalement la pédale de frein lorsqu’elle se gare sur le bas-côté, devant l’appartement de Tia, faisant bouffer un bout de trottoir à sa roue avant. « Oh and why is that, Aaron. Go on, tell us, we’re dying to hear your expert opinion on my friends. » Tia se barre en douce tandis que son copain traîne encore quelques instants, la jambe à moitié sortie de la Buick. « They’d shoot you in your sleep if you lived in any other town… and you already had your fair share of shootings, am I right?Ok, bye now.Hey, free advice from the wolf pack, take it or leave it! »

No, they would never shoot me in my sleep, you retard. Dee aurait pu le faire dix fois entre chaque Noël et jour de l’An et Quinn avait (au moins) cinq fusils qui dormaient dans son appartement à l’époque de Charleston. Les lois du Conseil n’auraient rien changé à ça. N’est-ce pas ? A nouveau seule dans son tacot vert sapin, Maura attrape son téléphone, fait glisser l’écran de verrouillage et découvre que le message ne provient pas du prof d’anglais – c’est littéralement le nom du contact, pas Tim, pas M. Montoya, mais noir sur blanc, The English Teacher – mais de Quinn. Qui a pommé ses clés. La bulle grise s’entasse au-dessous d’une autre restée sans réponse et elle réentend sa voix, le reproche déguisé derrière : Looks like a habit not to answer your texts. Dit celui qui l’ignore complètement depuis son retour à Savannah, mais qui prend soin d’envoyer régulièrement des messages dans une tentative minable pour faire passer la pilule (et hors de question d’avouer que ça marche). Personne d’autre que Quinn Farrow n’aurait le culot de l’appeler à la rescousse pour le ramener, lui et sa pétasse, au beau milieu de la nuit, et personne d’autre que Maura ne prendrait la peine de répondre – de façon confuse, d’abord, well, ain’t karma a little bitch? – avant d’enclencher le levier sur drive et de décoller du trottoir à vitesse d’escargot, l’alcool rappelant à l’ordre ses sens engourdis, le téléphone toujours entre les mains, coincé entre son agacement et un putain de demi sourire. Elle manœuvre son demi-tour en frôlant une poubelle tout en envoyant la suite : You already owe me 1 for Luke, so that’s 2 now. I’ll be there in 20.

« Wasn’t sure you were coming.You car’s trash. Don’t mind if I puke in it ?Don’t, Dee. I swear, I’ll make you eat it. » Les remerciements sont une denrée rare chez les Farrow, pas de surprise de ce côté-là. « Hope you’re not too stuffed to drive. » lance Quinn à côté d’elle pendant que les essuie-glaces couinent sous l’effort, que des gouttes de la taille de grêlons plombent le toit de la Buick. « Why? Will that lower my carpool rating…? » Le sourcil levé, trahi par deux billes vert d'eau rieuses, ne tient pas la route. « I’ll manage. Just buckle up. » Regard de mère poule dans le rétroviseur pour Dee qui est restée allongée sur la banquette arrière et semble, malgré tout, s’y plaire. « You too, Dee. » Un grognement lui répond pendant que le poids mort se redresse à moitié, complètement hagarde.  « Why didn’t you, like… sniff out the keys? Like police dogs do? » Au lieu de s’adresser à Dee, Maura se tourne vers Quinn, toute trace de connivence disparue. « Next time Barf Barbie calls me a dog, she walks home. » Le début du trajet, après ça, s’écoule dans un silence quasi religieux. Maura roule (trop) lentement en direction du centre-ville en suivant les instructions laconiques de son co-pilote, la musique au minimum pour tenter de rester concentrée sur la double démarcation jaune, le coude contre la vitre, broyant les souvenirs qui cherchent à s’échapper de la cocotte-minute et veulent relier des similitudes qui n’existent pas – la dernière fois qu’ils avaient partagé un trajet, notamment. Les rôles étaient inversés, la Buick ne voulait plus quitter le parking du diner où elle avait fini son shift, à Charleston, et cette troisième et dernière nuit avait failli foutre en l’air les deux autres, qu’ils avaient admirablement gérés comme les deux adultes responsables qu’ils n’étaient pas. Elle lui avait laissé son sachet de petit pois décongelés en partant, celui qu’elle avait utilisé pendant trois jours pour faire dégonfler son œil violet et son ego ratatiné. L’envie inédite de rester l’avait fait partir en courant.
Un feu rouge interminable planté sur un carrefour désert les force à s’arrêter et à loucher sur l’immense baraque coloniale qui fait l’angle de la rue. Maison qui cache un jardin immense, dont les propriétaires avaient l’habitude de garder jalousement les nains de jardin les plus laids de la ville, à l’époque de… elle ne peut s’empêcher de couler un regard vers Quinn et n’arrive pas à éviter l’éclat complice qui vient s’échanger sous la lumière blafarde des réverbères – puis la pluie fait voler le passé en miettes et le feu passe au vert. Ironie du sort, ils sont forcés de repasser devant le manoir-aux-nains des Whitman lorsqu’ils réalisent qu’ils ont loupé une rue et qu’ils doivent faire le tour du pâté de maisons pour revenir sur leur pas, tandis que la tête de Dee glisse d’un rebord à un autre sur la banquette arrière. La Buick finit par se garer en douceur devant un restaurant à la devanture clinquante et aux vitres grasses. Dee est déjà en sommeil profond, et vu la position peu glamour, elle ne fait pas semblant. Maura tire un paquet de Winston de sous l’autoradio, le laisse ouvert en direction de Quinn pendant qu’elle ouvre légèrement sa vitre pour dégager la buée que le système d’aération défectueux n’arrive pas à effacer. Les sursauts du briquet lui rappellent d’autres nuits, d’autres cigarettes fumées en douce dans le pickup, dans le silence paisible de la nuit ou bien étouffées dans leurs rires d’ado. « Do you need a hand carrying that dead weight inside? » Elle n’attend pas la réponse pour sortir, et pendant qu’il traîne Dee et son sommeil proche du coma hors de la voiture, elle attrape les clés, ouvre les portes, tâtonne pour trouver les lumières, hésite même à rabattre la couette sur la silhouette frêle de Dee mais renonce – fuck no, she’s not touching those sheets. Dans l’encadrement de la porte, alors qu’ils s’attardent cinq secondes pour observer la blondasse affalée comme un sac en travers du duvet, la nuit se suspend. « Funny thing, before I came here, Aaron – the guy you saw at the Wyld – told me to keep my distances or… you’d be able to shoot me in my sleep. If only he knew you asked for a ride… I’m pretty sure we could achieve world peace. L’ironie la fait presque rire, à moins que ce ne soit le fait de se trouver dans la chambre de Dee, à une horaire pareille, quatre heures avant que le réveil ne doive sonner. En compagnie d'un fantôme. What a shame. » Elle lui balance un léger coup de coude dans les côtes comme pour forcer la plaisanterie à rentrer, sans grande conviction, avant de se diriger vers la sortie. « Are you staying here? Or should we leave her in her own misery? » Comme s’il allait veiller sur Dee toute la nuit. Autant lui demander de lui faire une tisane et de préparer la bassine, ça le ferait décamper plus vite.

Avant de remonter dans le tacot, ils partagent une nouvelle cigarette sur un bout de trottoir, sous l’auvent du restaurant éteint, tandis que la pluie balaye leurs pieds. C’est l’heure maudite pour remuer toute la poussière qui pèse encore sur leurs rancunes respectives. « He’s supposed to get out soon. Luke. » Simple affirmation, pour démarrer. Elle croise un bras sous la poitrine, l’autre main occupée à dégager d’une légère tape la cendre accumulée. « And when he does, you better not be around to offer him his job back. I’ll find him a job. And you stay out of this. » La demande ressemblant plus à un ordre, elle rectifie trop tard, cherchant dans ses yeux la confirmation que tout n’a peut-être pas disparu. « Please. »
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Quinn Farrow
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MessageSujet: Re: 270 degrees (mean)   270 degrees (mean) EmptySam 13 Juin - 0:56

La chaleur était à peine soutenable, une fois coincé à l’intérieur. Son t-shirt lui collait au dos comme une cloque percée et de la condensation s’agglomérait aux vitres sillonnées de traces de doigts. Derrière eux, Dee avait glissé dans le coma après une dernière saloperie et s’il avait eu un sursaut de bon sens, il se serait soucié un peu plus de son degré d’inconscience. Il se contenta de lorgner le rétroviseur de temps à autres, quand il n’était pas en train de se demander tous les deux mètres sur quelle route orienter Maura. Il connaissait pourtant les rues de Savannah comme les stries du plafond au dessus de son lit. Il avait sillonné chacune d’elle pendant près de vingt ans sans jamais en sortir ; elles étaient tatouées dans sa mémoire à l’encre indélébile, mais leur destination n’en finissait pas de lui échapper. Seuls leurs deux passages involontaires devant le manoir des Whitman parut tomber sous le sens et les regards s’accrochèrent, éclipsant brièvement l’incongruité de ce trajet. Son étrange familiarité le heurtait davantage que la mine renfrognée à laquelle il s’était attendu. « Do you need a hand carrying that dead weight inside?Just open the doors, I’ll manage. »

Pire qu’un poids mort, il soupçonnait Dee d’avoir pesé de son plein gré sur ses épaules, les pieds traînants mais l’énergie suffisante pour râler qu’il lui faisait mal, qu’elle allait lui gerber sur les pompes s’il n’arrêtait pas de lui comprimer l’estomac. Elle avait vaguement remué en tombant sur le lit — un vulgaire matelas posé à même le sol, indifférente à la voix de Maura ricochant contre les murs de sa piaule, pareilles à des notes égarées d’une partition familière. Laisser Dee à son sort ne l’enchantait pas plus que ça ; l’idée de rester, moins encore. Après s’être vaguement assuré qu’elle ne risquait pas de crever dans son sommeil, il était redescendu.
Des trombes d’eau s’abattaient sur l’asphalte et meublaient un silence épais qu’il ne se serait pas risqué à briser. Il grillait l’énième clope de la soirée, l’aveu étrange de Maura cavalant encore sous sa boîte crânienne. Aaron told me to keep my distances or… you’d be able to shoot me in my sleep.
Would I, really ?
La haine séculaire dont on enveloppait les rejetons de la fratrie dès leur naissance, tissée de préjugés murmurés à leurs oreilles avant même qu’ils sachent les recracher : cet héritage était le seul qu’on leur laisserait jamais. Il survivrait aux générations plus que ne le feraient les comptes en banque fuyants de cette lignée d’incapables. La répugnance était là, ancrée dans l’ignorance crasse de la réalité que vivaient ceux qu’il disait abhorrer. Elle exacerbait les regrets, creusait à elle seule la distance instaurée au fil des ans, mais peinait à annihiler tout à fait les dernières traces de complicité. Ça l’emmerdait. Qu’elle fut des leur, et qu’elle se tienne si loin des limites de son intolérance. Qu’il ait tenté de l’abattre dans la confusion qu’elle avait provoquée, à l’époque, ne comptait pas. Que lui avait-elle dit, à Charleston ? T’as appris à viser, depuis la dernière fois ? Malgré son état, elle avait laissé deviner l’ombre d’un sourire moqueur. Il aurait pu la foutre dehors. Au lieu de quoi, elle avait semé des cheveux blonds jusque dans le siphon de sa baignoire, un sac éventré dormant dans un coin de sa piaule, restituant malgré elle des fragments de leur adolescence éclatée. Il aurait aimé prétendre que l’hématome tavelant sa pommette avait à lui seul motivé l’élan de commisération qui lui avait ouvert la porte de chez lui, mais sa capitulation avait eu si peu à voir avec de la pitié. Si peu à voir.
« He’s supposed to get out soon. Luke. And when he does, you better not be around to offer him his job back. Ill find him a job. And you stay out of this. » Sur la chaussée détrempée, Quinn observait un silence buté sans se départir tout à fait du malaise qui lui tordait les tripes. Il n’avait pas envie de parler de Luke. Il n’était même pas certain de vouloir parler, du reste. Le regard se déroba et scana les environs humides. « Please.I never pushed him to do shit, you know. » Il éludait la question sans se donner la peine d’en paraître désolé. « I doubt he’ll come back to me anyway so don’t sweat it. » Une pichenette, et le mégot s’envola avant de mourir dans un grésillement au contact d’une flaque d’eau. Il lui prit les clés de bagnole des mains. « Leave it with me, you drive like my sister. »

Il conduisit comme un fuyard, la menace d’une suspension de permis alimentée par les coups de freins et les accélérations inconsidérées à la moindre ligne droite qui se profilait devant eux, pour peu qu’un bleu se soit trouvé là au mauvais moment. Ne décrocha pas un mot du trajet, attentif à ne pas les planter dans le décors. Les pneus gémirent lorsqu’il freina sur la chaussée détrempée du parking de l’armurerie et la musique s’interrompit dans un crachotement de moteur. Il peinait à discerner les traits de Maura, dans l’obscurité. Elle n’en était que plus tangible et, lorsqu’il tendit une main pour ouvrir la boîte à gant, l’autre prenant un appui bancal sur le tableau de bord, le soin qu’il mit à la contourner releva de l’impossible. « Since I’ve lost my keys, it might be helpful if you had a forgotten hairpin somewhere, or anything similar. » Dee en avait un nombre improbable et les disséminait un peu partout à tel point que Quinn en récupérait parfois jusque dans ses poches de jean. Sans parler du fait que chercher une épingle à cheveux dans des conditions pareilles avait quelque chose de risible, l’espoir d’en trouver une dans les affaires de Maura s’amenuisait à mesure qu’il fouillait tant bien que mal la boîte à gants, aussi remplie de merdes que l’était la sienne. Ses doigts butaient sur des prospectus dont les slogans bigarrés tranchaient sur des photos de mauvaise qualité — il en avait vu tomber des semblables des poches de Sid, parmi une masse d’objets qu’il ne parvint pas à identifier au seul toucher. Le contact d’une arme, cependant, l’interrompit dans son inspection. Nue, elle gisait au milieu du foutoir comme s’il s’était agi d’un vulgaire pistolet à eau. « You’re fucking kidding me. » Se redressant, il soupesa le flingue et l’examina sous toutes les coutures, sourcils froncés. Il l’identifia sans peine. Même cuit, même si la dernière fois qu’il l’avait eu entre les mains remontait à plus de quatre ans, il se souvint de la provenance du semi-automatique. Un Taurus PT92 calibre 9 qu’il avait fait glisser sur le comptoir avec une boîte de munitions et, si sa mémoire était bonne (et elle l’était, lorsqu’il s’agissait de ses armes), il lui avait filé l’étui avec. Alors où était-il, putain ? Il désengagea le chargeur d’un mouvement sec et laissa échapper un juron. Les balles tombèrent dans sa paume dans un cliquètement métallique. Quinn lui colla le pistolet sous le nez et son regard cessa aussitôt de fuir. Deux prunelles glaciales s’abimèrent dans celles, indéchiffrables, de Maura. « Don’t tell me you’re driving with an unsecured loaded gun in your fucking glove box. Where’s the holster, Maura ? » Il fouilla de nouveau la boîte à gants, passa la main sous les sièges, jeta inutilement un regard sur la banquette arrière en sachant pertinemment qu’elle avait bel et bien jeté aux chiottes les plus élémentaires principes de précaution. « When was the last time you took care of it ? » Il n’attendit aucune réponse pour fourrer le flingue dans sa poche arrière et s’extirper de la voiture.

« Beers in the cooler, if you want. Help yourself. » Sa voix avait retrouvé son détachement usuel et Quinn se relâcha, une fois franchi —non sans mal— le seuil de la boutique. Il pianota sur le boîtier planqué sous le comptoir et coupa l’alarme.
Le sous-sol de l’armurerie disparaissait sous les montagnes de cartons qui s’entassaient ça et là — certains dégueulaient des journaux par leurs bouches béantes, d’autres laissaient voir des stocks de munitions —, cachant à la vue les parpaings à nu que personne ne s’était donné la peine de recouvrir en construisant le bâtiment. De fait, le souterrain n’avait pas eu pour vocation première de servir de garçonnière. Au fil des mois les meubles, les vinyles et les fringues s’étaient mêlés aux caisses d’approvisionnement, et Quinn aurait bientôt accumulé suffisamment de merdier pour se croire chez lui. Un soundsystem plus onéreux que sa caisse se planquait contre un pan de mur, entre un canapé convertible, ladite glacière et un placard qui s’apparentait plus ou moins à un cagibi. Bière à la main, il en sonda les profondeurs et finit par en extirper un étui élimé. Il lui tendit le revolver dont elle s’était servi contre Allen, et croisa brièvement son regard avant de se laisser tomber sur le parquet élimé, le dos appuyé contre le canapé. Quinn posa l’autre semi-automatique sur la table basse surchargée, entreprit de le démonter méticuleusement, armé d’un chiffon et d’une bombe d'anti-corrosif. « Took it back from Allen, in Charleston. » Il n’en dit pas plus. Tous deux savaient pertinemment ce que Charleston laissait entendre, et la mention de ce connard d’Allen à plus forte raison. Quelque chose dans ce face à face improvisé avait des allures de guêpier et remuait des souvenirs aux sonorités amères. Il n’avait pas enterré ce qu’il s’était passé la dernière fois. L’illusion d’un retour aux sources, une parenthèse placide où chacun avait prétendu avoir oublié ce qu’ils étaient. Un dérapage incontrôlé et Maura était repartie comme elle était arrivée, en silence. « You know what this fucker was involved into, right ? » What I was involved into. « You’re no better than Luke. Lurking around outlaws like it could bring you anything but trouble. It runs in the family, I guess. » Et il était le mieux placé pour le dire.


Dernière édition par Quinn Farrow le Dim 9 Mai - 2:06, édité 1 fois
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Maura Pace
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MessageSujet: Re: 270 degrees (mean)   270 degrees (mean) EmptyMar 30 Juin - 11:45


La course se termine dans un crissement de pneus. Maura remonte difficilement la vitre récalcitrante, actionne la manivelle tout en exerçant une pression des doigts sur le carreau – plus rien ne s’ouvre ni se ferme tout seul dans cette bagnole en fin de vie – et s’attend à un bye sommaire, à un trousseau de clés laissé sur le contact ou balancé sur ses genoux, tout pour lui faire regretter d’avoir joué au taxi à cette heure lamentable. Don’t forget that you owe me two favors now, qu’elle s’apprête à lui balancer avant qu’il claque la portière, provocation gratuite, rappel des conditions bidons de cet accord pour le moins instable qu’ils ont établi depuis plusieurs mois (années ?) – sauf que ce moment ne vient pas. Il ne sort pas de la Buick et se penche plutôt de son côté, se mettant à farfouiller dans la boîte à gants pour tenter d’y trouver une… épingle à cheveux. La pluie qu’ils se sont pris sur le dos en ramenant Dee dans son appartement lui donne une odeur de chien mouillé, mais elle doute que le compliment fasse mouche. Putain qu’elle déteste cette manie de tout sentir. « I’m not sure you’ll find one in there honestly. » Bien calée au fond de son siège, elle tend plutôt la main vers le pare-soleil qui cache un couteau suisse en forme de carte de crédit, invention ultime du XXIème siècle, mais la partie de twister improvisée s’arrête à l’instant où les doigts de Quinn s’immobilisent sur la crosse du Taurus. « You’re fucking kidding me.What? » Elle comprend un peu mieux quand il vide le chargeur dans sa main et lui braque le pistolet amputé de ses munitions sous le nez. « Don’t tell me you’re driving with an unsecured loaded gun in your fucking glove box. Where’s the holster, Maura ? » Il s’agite, retourne presque le vide-poche sans aucune considération pour son agencement méticuleux(sement bordélique) pendant qu’elle le fixe d’un air mi-innocent mi-ahuri, tel un poisson rouge sorti de son bocal. L’étui, pas la moindre idée. Mais elle n’a aucunement l’intention de se trimballer avec un flingue vide et enrubanné d’une protection inutile : de sa faible mais traumatisante expérience avec les armes à feu, elle sait que la confusion ne laisse pas le temps de cogiter et que l’adrénaline serait prête à mélanger le haut et le bas d’un chargeur. Inadmissible, et impensable. Un faible probably lost it marmonné dans sa barbe, Maura cache mal sa consternation. Ça ne devrait pas l’étonner qu’il s’enflamme pour une arme à feu alors qu’il ne cille même pas quand Dee lui balance quelques insultes crasses. Ça ne devrait pas la vexer non plus, qu’il se soucie davantage d’un holster et de sa réputation que des civilités de base. La donne a changé, les chemins ont bifurqué, ils n’ont plus rien à foutre dans la même voiture. Et pourtant. « When was the last time you took care of it ? » C’est probablement sa seule excuse pour revenir graviter autour de lui, comme un satellite parasite : déraper. J’ai tiré une balle dans le genou de ton pote par accident, oups (Charleston, ça a marché, il l’a laissée s’évanouir de fatigue et de remords sur son canapé puis dans son lit, parce qu’à choisir, Maura préfèrera toujours les lits). Je suis potentiellement hors la loi avec ce flingue planqué dans ma voiture parce que la législation géorgienne m’emmerde, oups (Savannah, ça marche à nouveau, par un hasard que personne ne se risquera à qualifier d’heureux).

Il embarque l’arme avec lui et l’espace d’une seconde, elle hésite à sauter sur le siège passager et à le planter là. Sauf qu’elle en est incapable : en partie parce qu’il a gardé les clés de la bagnole, en partie parce qu’il a raison, bien sûr, elle a négligé le revolver comme tout le reste.
Pendant qu’il commence à s’escrimer sur la porte de l’armurerie, elle se passe une main sur le visage, étouffe une plainte sourde qui contient tous les fucking dammit du monde puis finit par attraper la carte de MacGyver sous le pare-soleil, en extrait ce qui ressemble à un long clou et finit par rejoindre Quinn devant la porte de service, avec l’impression tenace de recommencer un de ces dinner on the run de leur adolescence (entrer par effraction dans une maison vide, visiter les lieux en bougeant quelques objets au hasard, sortir les bières et les spliffs des sacs à dos et s’imaginer la vie de ces gens intouchables avant de ressortir au petit matin), mais la candeur s’est perdue en route, l’ambiance est plombée.
La facilité avec laquelle ils arrivent à ouvrir la porte arrière du magasin devrait sincèrement tirer une sonnette d’alarme dans le cerveau de Quinn, sauf que Quinn est étranger à toute forme d’inquiétude, voire de logique (de bon sens ?) et, une fois à l’intérieur de son territoire, il retrouve bien vite son flegme légendaire, laissant Maura le cul entre deux chaises. Partagée entre la pitié que lui inspire ce sous-sol miteux transformé au fil des semaines en squat – elle connaît des types qui n’ont même pas trente ans et déjà leur vie bien mieux rangée que Quinn, mais en même temps est-ce bien difficile ? – le fait de se reconnaître malgré tout dans les affaires éparpillées aux quatre coins du basement comme s’il venait d’emménager, ou s’apprêtait à déménager ; une pensée incongrue pour Dee qui risque de lui revenir en pleine face comme un boomerang si jamais elle apprend qu’elle a mis les pieds ici, et enfin ces odeurs qui l’assaillent de toute part, du béton brut à l’humidité des cartons empilés, cet air de renfermé au goût de terre typique assorti d’une belle part de sueur incrustée dans les murs. Pas de fenêtre et seulement deux tubes de néon blanc en guise d’éclairage : un vrai cours de décoration intérieure 101 selon Quinn Farrow.
« Nice pad. » Alors qu’il lui tend un étui qu’elle reconnaît trop bien, son sarcasme tombe à plat. Elle reste plantée au milieu de la pièce pendant que Quinn s’assoit à même le sol, comme si l’heure était tout à fait convenable pour un nettoyage impromptu d’armes à feu – et pour lui rendre l’antiquité qu’elle avait volontairement oubliée en Caroline du Sud. « Took it back from Allen, in Charleston. » Elle se laisse tomber de l’autre côté de la table basse, les coudes posés sur ses genoux relevés, et fait glisser la bière qu’elle n’a pas pu décapsuler. A la recherche d’un briquet qu’elle ne trouve pas (sans doute laissé dans la voiture), elle attrape finalement son vieil iPhone et fait remonter une conversation sur l’écran avant de pousser l’appareil vers Quinn, le forçant à lire. « And he wasn’t too pleased with it, clearly. » Sur la liste des messages, il est clair qu’Allen a passé plusieurs jours à panser ses plaies, son ego et sa haine des crawlers une fois Maura partie et Quinn venu vérifier que sa gueule pouvait encore encaisser quelques coups. Les insultes sont toutes collées les unes aux autres, d’interminables bulles grises qui ne laissent aucune place à la suggestion – c’était après son départ pour Charlotte, après la dernière nuit, ils n’en avaient jamais reparlé. Qu’elle se soit entichée d’Allen, un mec gravitant autour des affaires louches de Quinn, parmi tous les types présents à Charleston, restait bien assez problématique pour qu’ils mentionnent aussi les merdes qu’avaient dû entraîner ce règlement de compte… différé, incompréhensible… tout comme l’élan de stupidité et la vague ivresse qui l’avait poussée à faire sauter un an d’indifférence, d’incessants chassés-croisés et de mensonges bien gardés d’un seul coup, le soir où elle avait enroulé ses doigts autour de sa nuque dans cette cuisine minuscule, agrippé une poignée de cheveux et laissé ses lèvres s’écraser contre les siennes pendant qu’une casserole se cassait la gueule à côté d’eux, seul témoin du raz-de-marée stoppé net dans sa course. Cette casserole avait sans doute sauvé beaucoup de choses. Le fait qu’elle était remplie de graisse, de liquide vaisselle et d’eau stagnante avait été l’excuse parfaite pour couper court aux mains baladeuses et pour reléguer ces deux minutes à ce qu’elles étaient réellement : une hallucination. Il y en avait de partout ; ils avaient passé près d’un quart d’heure à éponger l’eau éclaboussée au sol, mettant bien plus d’application à la tâche que nécessaire, et si elle avait initialement voulu en rire, son hilarité s’était vite fondue dans la certitude qu’elle ne tiendrait pas un jour de plus enfermée là à triturer les souvenirs. C’est seulement en s’accoudant à la fenêtre pour griller une cigarette qu’elle avait réalisé que son jean était resté déboutonné.

Le regard qu’elle croise, désormais, a perdu la connivence qu’ils ont retrouvée par hasard cinq ans plus tôt, puis par erreur dans la voiture ce soir. Chacun assis d’un côté de la table, chacun attaché à son clan, à ses convictions, l’échec est couru d’avance. « You know what this fucker was involved into, right ? You’re no better than Luke. Lurking around outlaws like it could bring you anything but trouble. It runs in the family, I guess. » Elle sait qu’elle devrait se sentir offensée, et une part d’elle l’est probablement, mais à la place une irrépressible envie de rire la secoue des pieds à la tête. « And who’s to blame for that? Trish? You? » La bière qu’il lui a finalement ouverte lui fait autant d’effet qu’une eau pétillante. Une goulée pour faire passer la pilule, puis un haussement de sourcil perplexe et elle reste fixée sur ses yeux relevés. Les néons laiteux du sous-sol leur donnent l’air de deux zombies cuités. « It seems like the Pace are easily impressionable when you hook them young. Maybe trouble finds us. » Maybe we all come back to you after all. « If I remember correctly, you were not even allowed in the house back in the day. Didn’t stop you. (They both know he came in by the window anyway.) So thanks for the life lesson. Nice try. Cheers to that. » Maura lève sa bouteille dans une tentative minable de toast, embrassant du regard le sous-sol qui révèle à lui tout seul à quel point Quinn est mal placé pour donner des conseils. Mais sa tête est toujours encombrée du souvenir d’Allen et de cette suggestion dégueulasse qu’elle l’a cherché, qu’elle l’a peut-être même mérité. « You know what I should’ve done? » Elle se remet difficilement sur ses pieds, étire ses jambes cotonneuses puis se dirige vers l’énorme chaîne hi-fi derrière lui. « Turned into that thing y’all so afraid of, and let the werewolf rip Allen’s head off. » Déclarer qu’elle se délecte de mettre les pieds dans le plat est un euphémisme. Elle tourne quelques boutons au pif, trouve le switch principal, puis porte son attention sur un carton à côté qui déborde de vinyles et de – oh, misère – leurs vieilles cassettes audio avec les titres décolorés par le soleil sur la tranche et des listes de chansons notées en pattes de mouche au dos. La nostalgie et l’amertume l’agrippent en même temps par la gorge.
Dans le carton gondolé, ses doigts attrapent un vinyle de Jefferson Airplane qu’elle repose aussitôt – elle ne va pas se risquer à mettre Somebody to love, faudrait pas abuser – avant d’attraper le suivant, de sortir White Rabbit de sa pochette et de l’insérer sous le stylet avec précaution. Et pendant que la longue intro résonne dans les amplis, elle se laisse tomber sur le canapé derrière lui, les prunelles rivetées à sa nuque par un vieux réflexe qu’elle met un million d’années à identifier, puis à contrer. Elle ne reviendrait en arrière pour rien au monde. Mais leur enfance paraît tellement irréelle, désormais inaccessible, gâchée par la transformation et tout ce qu’elle a bulldozé sur son passage… et les heures qui défilent n’aident pas, ni l’alcool en quantité déraisonnable qui stagne à un niveau trouble dans son système. Maura laisse échapper un bâillement avant que son cerveau saute sur une nouvelle idée cramée d’avance. « By the way, we might go to the Stats next week. On Tuesday. » Le Stats est un de ces sports bar qui tente de se refaire une réputation après des décennies à vivoter grâce aux poivrots parieurs vissés au comptoir. La clientèle est mixte, globalement tolérante, loin de l’ambiance lourde de West Savannah : en fait il se pourrait bien que l’un comme l’autre y passent pour de parfaits étrangers. « Nothing fancy, and probably just good old humans. I think Nickie might be there, I don’t know yet. » Just like old times. Elle se retient de préciser que le jour en question correspond à son anniversaire, détail inutile puisque l’invitation va faire un flop, elle le sait déjà. « So if you’re in the neighbourhood and you wanna stop by… even by accident… » L’ironie se mêle à la fête, rendant cet appel à la trêve encore plus naze qu’il ne l’est déjà. « I guess it could be – elle lutte pour trouver le meilleur adjectif. Cool ? Nice ? Erh. – better than this evening, at least. » Elle mettrait sa main à couper qu’il ne viendra jamais de toute façon, ou oubliera, ou préfèrera un autre plan foireux plutôt que de risquer de se montrer amical avec un loup en public, même de très loin, même s’il ne connaît personne. (La date de son anniversaire à lui est gravée quelque part dans la gelée flageolante de son cerveau, entre sa connerie et sa mémoire foireuse, six mois et un jour exactement après que le sien. Est-ce qu’elle fait semblant de l’oublier depuis tout ce temps ? Absolument.)
Résolue à attendre qu’il finisse de nettoyer l’arme avant de pouvoir rejoindre le quartier de West Savannah et écraser cette soirée dans les profondeurs du sommeil, elle ferme brièvement les yeux et s’allonge plus confortablement sur le clic clac, la tête posée au milieu du canapé, un bras sous ses cheveux, les jambes allongés devant la sono. Comme chez elle. « Or I can send you a text the day before, at around three in the morning, since apparently it’s the only decent hour when you’re willing to talk? » Ça pue gentiment le sarcasme.
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Quinn Farrow
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MessageSujet: Re: 270 degrees (mean)   270 degrees (mean) EmptyVen 17 Juil - 15:09

Son champ de vision tangua lorsque Maura s’y invita, tombant au sol alors qu’il décapsulait sa bière d’un coup de paume contre le rebord de la table. Le verre produisit un raclement désagréable en glissant vers elle. « And he wasn’t too pleased with it, clearly. » Le fil d’une conversation ancienne lui esquinta les rétines et le détourna brièvement de sa tâche. Il reconnut Allen dans le flot de messages lustrés d’insultes imagées, manifestation d’un égo blessé dans son orgueil. Et Dieu savait que l’égo d’Allen ne souffrait pas grand chose sinon les plaisanteries graveleuses et les éloges, aussi faux-jetons fussent-ils. Reportant son attention sur les pièces étalées sous ses yeux, il reprit le cours de son décrassage méticuleux sans se départir de son insupportable stoïcisme. Il se rappelait encore comment, gamin, il avait appris à fermer sa gueule en toute circonstance, imprimant malgré lui que le moins il en laisserait paraître, le moins on lui tomberait sur le râble ; Callum ne supportait pas qu’ils ouvrent leur gueule pour dire des conneries, et la plus infime manifestation de couardise leur valait un “are you a pussy?” gueulé dans le creux de l’oreille — sa question de prédilection. Il avait embrassé à bras le corps le confort qu’offrait le silence. Au contact d’un groupe, Quinn se contentait d’être là, l’ouvrait si on le lui demandait ou lâchait un commentaire idiot plutôt que de risquer un aveu trop personnel. S’exprimait par onomatopée dans les rares réponses qu’il accordait à ses messages. Dissertait avec lui-même à défaut de se livrer, à s’en coller des insomnies, ancré dans cette réserve qui, en définitive, était la seule chose qu’il maîtriserait jamais. Si le sort n’avait pas voulu que Quinn soit plus à même d’ergoter au sujet du mauvais soin apporté à une arme que d’exprimer quelque (res)sentiment abscons, sûrement aurait-il confessé les conséquences de cette nuit là, la suite de réactions en chaîne dont il venait à peine de s’extirper — des appels du paternels pour lui demander ce qu’il avait merdé avec l’un des intermédiaires principaux de Charleston (et les transferts ducon, tu crois qu’on va les faire comment, maintenant ? t’avais qu’un truc à faire et c’était de garder ces tocards sous le coude, qu’est-ce que t’as encore branlé putain ?) à la débâcle personnelle qui avait suivi. Il aurait pu lui demander où elle avait disparu ces dernières années, pourquoi elle avait foutu le camp, ce qu’elle foutait ici ce soir, aussi, car dans l’enceinte de ce sous-sol où tout finissait par moisir, les intrications mêlées de leur passé et de leur futur inexistant lui apparurent d’une vacuité désolante. L’absurdité de sa présence lui éclata à la tronche avec une impulsion sauvage. « And who’s to blame for that? Trish? You? » Il soutint son regard sans broncher. Restait à espérer pour elle qu’elle n’escomptait pas de Quinn quelque excuse qui fut. Car à l’instar de toutes ces fois où l’on avait attendu quelque chose de lui, la déception promettait d’être amère. « It seems like the Pace are easily impressionable when you hook them young. Maybe trouble finds us. If I remember correctly, you were not even allowed in the house back in the day. Didn’t stop you. So thanks for the life lesson. Nice try. Cheers to that.C’mon it’s been years, now. »
Précisément.
Il ne se leurrait pas : Maura n’était plus la gamine ébouriffée qui rôdait toujours dans le foutoir de la maison au point, presque, d’en imprégner durablement chaque souvenir qui y était rattaché. The girl next door avec qui ils avaient passé des nuits à fumer, à se marrer comme des cons dans des baraques qui n’étaient pas les leurs, celle qui, à l’époque déjà, n’avait pas été en marge des conneries semées derrière eux avant qu’ils jaillissent dans l’ère honnie des responsabilités. Terrain encore insoumi, en ce qui le concernait et il ne donnait pas cher de sa situation non plus, en dépit de son assurance tranquille. Elle était suffisamment libre de contrainte —ou passablement désoeuvrée— pour se permettre, au beau milieu de la nuit, de venir le récupérer à l’autre bout de la ville, alors que rien ne l’y obligeait (et il n’en finissait pas de ressasser : pourquoi ?). « You know what I should’ve done? » Il la regarda glisser hors de son champ de vision sans réagir à la question, purement rhétorique, les doigts noircis par les résidus de poudre s’échappant du canon du flingue. « Turned into that thing y’all so afraid of, and let the werewolf rip Allen’s head off. » Les phalanges blanchirent autour des morceaux épars de l’arme désassemblée. Un infime soupir, et Quinn laissait retomber le tout face à lui. La bière insipide ne rendit pas l’avanie plus digeste — impossible de passer à côté du triomphe doucereux modulant sa voix, fut-il involontaire. Son regard échoua sur le mur opposé, contre lequel les cartons s’alignaient comme des légos, aussi ordonnés que ses affaires étaient éclatées aux quatre coins de la pièce. « Let’s pretend I didn’t hear you. » Prétendre ou ignorer — se vautrer dans le confort plutôt que d’admettre qu’un écueil informulé creusait toujours l'abîme entre eux. Il tâtonnait, Quinn, bataillant avec les préceptes ingurgités depuis son plus jeune âge et le désir trouble de la retrouver, espérant puiser dans les non-dits l’illusion absurde qu’elle n’était pas un vulgaire crawler, et qu’il n’était pas un Farrow. Les textos aux heures mortes de la nuit. Le désintérêt feint le reste du temps. Ça, cette soirée. Le flingue brandi en ultime et ridicule excuse pour la retenir. Fermer sa gueule une année durant, alors que son secret était là, à portée du scandale, remuant la queue sous le nez de la tapée d’anti-crawlers autour de qui Maura avait gravité à Charleston. Le tout fusionnait en un brouet infâme et l’humeur plongea à un niveau abyssal, que les premières notes de White Rabbit ne firent que renfoncer d’un cran supplémentaire. Son dossier de circonstance s’ébranla lorsqu’elle s’affala sur le canapé avec une grâce discutable et la secousse se propagea le long de sa nuque à la manière d’un séisme, se répercutant sous sa boîte crânienne avec moins d’ardeur, cependant, que les absurdités qu’elle se mit à lui chanter dans la nuque, trop proche à son goût. « By the way, we might go to the Stats next week. On Tuesday. Nothing fancy, and probably just good old humans. I think Nickie might be there, I don’t know yet.You two are talking again ? » Avaient-elles jamais cessé de le faire ? Les pupilles dérivèrent et il l’écouta lancer l’invite sans comprendre. « Or I can send you a text the day before, at around three in the morning, since apparently it’s the only decent hour when you’re willing to talk? » qu’elle échappa, et le bord métallique de la canette lui érafla les lèvres.

Le cumul de l’ivresse et d’un ressentiment larvé n’ayant jamais fait une bonne association, une amertume si ancienne qu’elle dégageait des relents d’acidité pré-digérée se propagea comme une coulée de lave, achevant de tacler les garde-fou qu’il avait maintenus avec une adresse inusité. Et, comme ça, Quinn s’engagea sur une pente chaotique, glissante, échappant d’une voix atone des souvenirs aussi intacts qu’ils étaient honteux, balayant au fil des aveux ses velléités hypocrites. « You know what Callum did when you… turned ? » Des années qu’aucun d’eux ne l’appelait plus pa’. Tirant péniblement le paquet de clopes défoncé sur lequel il s’était assis, il entreprit de s’en allumer une, détaillant les accrocs du boîtier décoloré avec une attention vacillante. « He asked his guys out of town to keep an eye open in case you showed up beyond Savannah borders. » La scène n’avait pas perdu de sa précision avec les années. Callum, une cheville posée sur le genou opposé, assis à la table de la cuisine en attendant qu’on dépose la bouffe devant lui, digne patriarche d’une nichée déficiente, le regard flambant d’une jubilation incoercible, devisant à l’infini sur la nouvelle qui semblait avoir fait le tour de West Savannah avant l’aube. Jean, aidé de sa fille aînée, préparait une bouillie informe que Quinn se souvenait avoir été incapable d’ingurgiter, les tripes nouées par les écarts de la veille — une nausée sans lien avec la gueule de bois, quand bien même l’eut-il souhaité. Sid était là. Tout le monde était là. Et pas un foutre mot n’avait été prononcé, ils s’étaient contentés de l’écouter, et Quinn de se retenir d’écraser son poing en travers de la bouche rigolarde de Callum. Le non-dit avait flotté dans l’air comme un gaz invisible ; ils avaient accueilli sous leur toit un putain de loup-garou dans l’ignorance totale, et si le constat avait de quoi les horrifier, tous autant qu’ils étaient, Quinn n’était jamais parvenu à se défaire tout à fait de son déni crasseux. « He couldn’t stop talking shit about you and Trish, called you a curdog, congratulating me for trying to shoot you. Not so pleased I missed my shot, needless to say. » Didn’t I teach you better ? God dammit son, you could have rid the world of one more mutt, you were this close to make your daddy’s pride. « You disappeared three fucking days, I- — at some point, I thought they had you. » Et puis, elle avait refait surface, et une bonne partie s’était probablement cassé la gueule à ce moment là, bien que le reste n’ait pas perdu de temps pour glisser dans la même débâcle et, tandis qu’il lorgnait d’un oeil torve le bout incandescent de sa cigarette, Quinn essuya rudement le retour d’une déception savamment réprimée sans rien laisser paraître. « Since then it’s... » La fin se suspendit au bord de ses lèvres. You keep messing around and I can’t even figure what the fuck I want from you. Les cendres brasillèrent, offrirent un réconfort imaginaire dans le silence qui suivit, substantiel en dépit de la sono qui oeuvrait en fond. « Fuck. You know what I should’ve done ? Erase your number, forget about you. » Putain oui, il aurait dû. « And I definitely shouldn’t have called you tonight. This is fucking pointless. » Autant de souhaits vains qu’il n’était même pas foutu de tenir. Il secoua la tête, au sommet de laquelle sa main fourrageait sa tignasse désordonnée dans un mouvement impatient. « Nevermind. I’m not showing up at your birthday party, or whatever you’re celebrating on tuesday. (Fair enough, il savait ce qui se tramerait le mardi suivant.) It’s just… dunno. Irrelevant. »


Dernière édition par Quinn Farrow le Jeu 5 Nov - 21:46, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: 270 degrees (mean)   270 degrees (mean) EmptyMar 11 Aoû - 12:58



“somewhere in the system
trace of what we've been
ceiling behind the sunset
flicker on the dark screen”


mai 2014 – charleston, s.c.
Saul a un sourire contrit tout en remplissant les pintes d’un geste assuré, une, deux, sept mousses sur son plateau antidérapant avant de terminer par un pichet pour la forme. « I already have all my staff but sometimes one of them quits out of the blue so… if you don’t mind the short notice, sure, you can leave your number over there. You’re with Allen? » Elle est avec Allen. Elle l’a rencontré ici même, plusieurs semaines auparavant, dans ce rade jauni à la Marlboro malgré le panneau les bannissant à l’entrée, et si elle s’escrime à oublier que le hasard n’en est pas vraiment un, l’armurerie à trois baraques de là se charge de le lui rappeler à chaque fois qu’elle pousse la porte du boui-boui. Charleston est une naine comparée à Atlanta. Les chances de se croiser sont, de fait, beaucoup plus importantes. Et puisque Maura s’est fait larguer en débarquant en Caroline du Sud, s’accrocher au premier type venu qui a levé les yeux sur elle est pire qu’un réflexe : c’est une évidence. (Est-ce que sa haine des crawlers affichée au grand jour et sa carte de fidélité à l’armurerie du coin a joué dans la balance ? Ses grandes billes bleues comme des océans ? Sa gueule de tête à claques ? Mieux vaut ne pas trop y réfléchir.)
L’après-Atlanta est une période charnière, un gouffre où viennent se précipiter toutes les décisions qu’elle n’a pas prises, ou prises trop tard, et qui viennent désormais entacher son avenir en forme cul-de-sac. Elle a déjà songé plusieurs fois à retourner à Savannah – plus sûr, moins harassant, les chasseurs y étant bannis et les dénonciateurs démodés. Mais il est trop tôt pour que ce désespoir-là soit le seul et unique chemin à suivre : il reste encore tellement de possibilités, tellement de pistes qu’elle brûle d’explorer, tellement de murs à se prendre en pleine face et de démons à exorciser… Et de toutes les villes sur lesquelles elle aurait pu mettre le cap, il faut que ce soit à Charleston, ce soir-là, qu’elle croise ce qui ressemble au début de la repentance. Car à nouveau coincée entre la banquette et Allen qui vocifère à propos de sa dernière pseudo-échauffourée, elle a la porte d’entrée en pleine ligne de mire et ne peut que s’étouffer à moitié dans sa pinte quand la silhouette familière débarque, que le nom de famille est aussitôt hélé par le barman en guise de salutations et que le premier mensonge, prononcé par Allen – That’s Maura, she’s from Nashville – n’est réfuté ni par l’un, ni par l’autre. Le soulagement est précaire, posé en équilibre sur une corde à laquelle ils n’ont plus touché depuis des années. (Elle l’a aperçu l’année dernière, entre Noël et le jour de l’An à Savannah, lui et sa barbe de cinq jours dans le reflet d’une vitre derrière laquelle il attrapait des surgelés, puis une autre fois dans un tabac du centre ville et – rien.) Tout est devenu temporaire dans son quotidien : la sécurité, la confiance, les amitiés. Son attachement au passé trahit seulement la nostalgie d’un temps où elle pouvait compter sur quelqu’un d’autre qu’elle-même et, furtivement, alors qu’Allen fait les présentations de sa voix traînante, un bref sentiment de victoire remet la machine en branle. Un objectif qu’elle ignorait viser se voit coché alors qu’il garde le silence, prétend la rencontrer pour la première fois et fait inconsciemment table rase du reste (comme s’il restait quelque chose). Comment appellent-ils ça ? Complicité par omission. Comme un bout de sa maison au beau milieu d’une métropole inconnue.

*


Elle n’essaye pas de l’interrompre, les yeux fixés au plafond, déterminée à attendre qu’il ait fini de la malmener avec des confidences qu’elle n’a pas envie d’entendre et des justifications qui ne pèsent rien dans la balance. (Mensonge, elle crève d’envie d’y voir les excuses qu’elle n’a jamais eues, n’aura jamais). On lui a appris à attendre patiemment la suite, à écouter jusqu’au bout malgré la sincérité chancelante et le goût très humain d’enjoliver la réalité, et elle excelle dans ce rôle de canapé-à-psy. Même quand il hésite, quand ce since then tente de la percuter et réussit, merde, il réussit, quelques secondes à peine, tout juste le temps qu’il lui faut pour se redresser sur la banquette.
Ensuite, la spontanéité prend la tendance inverse.
Erase your number, forget about you.
Definitely shouldn’t have called you tonight. This is fucking pointless.
Nevermind.
Not showing up at your birthday party.
Irrelevant.

Les montagnes russes s’arrêtent après un long soupir. Si seulement il savait combien de fois elle a joué ce scénario. Combien de fois on lui a balancé de dégager, de tailler la route, d’arrêter de se faire des illusions, de se trouver une meute et de ne plus venir faire chier les pauvres petits humains, innocents, armés, les victimes dans cette histoire… I like you but you’re God’s mistake, get out of my house, get out of my life, don’t ever come back. Ce ne devrait pas être si difficile de croire Quinn sur parole. Elle pourrait le prendre au mot, se barrer sur le champ, et qu’est-ce qui les retiendrait après ça ? Juste quelques vieux souvenirs entassés dans un carton au grenier ? Elle pourrait faire avec. Hausser les épaules, continuer son bout de chemin, ne plus essayer de trouver des excuses aux spécimens de son genre. La théorie voudrait que ce soit dans ses capacités. Mais plus rien ne tourne rond quand elle se laisser glisser au sol à ses côtés, le cœur battant d’une déception mal contenue et d’une amertume à s’en filer la nausée. Elle attrape la cigarette entre ses lèvres et la porte aux siennes ; crache la fumée à leurs pieds. « Irrelevant. » qu’elle répète avec l’impression tenace d’être dans les bottes de Quinn, à hocher la tête d’un air vague, what the fuck is that supposed to mean?, avant d’accrocher son regard et de poursuivre, acerbe : « Fine, do that. » Une envie soudaine de lui en coller une. That look. Elle lâche le mégot dans la bouteille vide et reste rivée à ses prunelles comme s’ils jouaient à ce jeu débile où le premier qui cille a perdu. « You wait for daddy to come home and you tell him how you invited a werewolf in your basement and missed your shot. Again. How fucking disappointing, Quinn. » Possible qu’elle se relève juste pour chasser les embryons de larmes qui montent dangereusement et parcoure la pièce des yeux à la simple recherche d’une contenance avant de commencer à grimper les escaliers. Elle avise le flingue encore sur le canapé, les cartons remplis de journaux qu’Allen conservait lui aussi précieusement, des piles entières du Post and Courier dont il lui lisait six lignes avec un accent anglais imitié à la perfection avant de les laisser là, entassés dans le salon et le cagibi, emballages de fortune qui serviraient plus tard à dissimuler leurs conneries. « You can keep the guns. I don’t need your fake-ass charity. » Demi-tour sur la cinquième marche lorsqu’elle réalise qu’il a gardé les clés de la Buick sur la table basse. Est-ce qu’elle profite du contretemps pour s’embourber dans une dernière riposte ? Immanquablement. « You know, some days I think you’re better than this shithole. I do. I really wanna believe it. But on other days…? » Elle s’emballe, par simple vengeance mathématique. Des murs d’indifférence depuis qu’elle est revenue, des messages qui vont dans le sens contraire à n’importe quelle heure, et pour finir, ça ? Après avoir traversé Savannah deux fois ce soir pour le ramener lui et sa pétasse à bon port ? Jesus Christ. Le pincement qui vient se mêler à sa consternation n’ayant rien à faire là, elle fuit la question inachevée en même temps que le sous-sol et se contente de lui laisser deviner toute l’étendue de sa déception à défaut de pouvoir formuler, exactement, ce qu’elle pense de lui les autres jours. Ses jambes sont lestées de poids alors qu’elle remonte dans la voiture et reste une minute ou deux les doigts crispés sur le volant, incapable de réunir assez de volonté pour quitter le parking. L’orage zèbre encore le ciel de quelques éclairs lointains, en parfaite harmonie avec celui qui gronde sous sa tête. Le cavalier rationnel voudrait presque rebrousser chemin et s’excuser (de quoi ?) afin d’effacer les dernières minutes mais l’autre, le cheval fou, crie à l’arnaque et au foutage de gueule. Finalement, c’est l’heure indécente que le tableau de bord lui renvoie qui tranche. Le moteur crachote quand Maura démarre la Buick en jurant tout haut.
On other days you’re right where you belong.

19 mai – landmark district
Elle ne l’a pas attendu. Elle s’est accrochée au cou du prof d’anglais et avait déjà pris une longueur d’avance avant que les premiers collègues arrivent, rameutant dans la foulée les vieilles copines de West Savannah que sa condition n’effrayait pas, ou plus, et préférant trinquer aux retardataires plutôt que de se rappeler leurs noms. Ils ont fini par atterrir au Seed Eco après qu’une hystérie collective ait invoqué un Tuesday Tequila et le résultat des courses est, pour ne pas dire franchement pitoyable, du moins hautement chaotique. Un DJ inconnu se borne à assommer les quelques neurones qui flottent encore à la surface de leurs verres, rendant toute conversation impossible, et tant mieux, car la tête de Maura est un patchwork de non-sens qui a tout sauf besoin d’une interprétation. (Tim est parti depuis belle lurette, la moitié des copines aussi, et elle ne retrouve pas Charlee qui la tannait deux heures plus tôt pour appeler un Uber). Chancelant jusqu’aux toilettes, elle croit voir un mirage dans le miroir au-dessus duquel elle se lave les mains mais l’illusion est tellement prenante qu’elle est forcée de réaliser que ça n’en est pas une. Dee est bel et bien en train de la reluquer d’un air mesquin en retouchant le mascara qui a poché sous ses yeux. L’occasion est trop belle, le cerveau trop à l’étroit pour ne serait-ce qu’évaluer la situation et songer à ravaler son venin. « Nice collection of vinyls he's got down in the basement. Right? » avant de déguerpir avec un sourire de pure connasse. Elle imagine plus qu’elle ne voit les joues de Dee changer de couleur, et sa copine la retenir par le bras alors que la porte couine sur ses gonds.
C’est petit. C’est injustifié. C’est puéril. Who cares.
De l’autre côté des rails du tramway, Maura s’est incrustée parmi l’habituelle clique des fumeurs qui passent plus de temps sur le trottoir qu’au cœur de la soirée. Ecoutant d’une oreille distraite une conversation à laquelle elle ne participe pas, elle glisse l’ongle dans les entailles d’un lampadaire, le genre qui crie des initiales, en dessous d’insultes, en-dessous de cœurs débiles transpercés de flèches, et ce ne sont pas ces marques stupides qui lui font dégainer son téléphone, c’est juste Dee, ou l’heure creuse de cette soirée qui commence à avoir le goût de la désillusion (maintenant qu’elle y pense, Tim est peut-être parti en bougonnant, et elle l’a peut-être rabroué plusieurs fois après qu’il ait suggéré qu’elle enquillait un peu vite compte tenu de sa… condition.) Son orgueil s’est pris un happy hour en pleine face : les filtres ont disparu en même temps que la cohérence. Elle n’a pas digéré la sincérité cinglante de leur dernière entrevue et, contre toute attente, c’est des remords qui viennent l’empoigner alors qu’elle galère à déverrouiller son téléphone. Est-ce qu’elle a vraiment essayé de reconnecter les morceaux, ou s’est juste contentée d’attendre ? Et quel est ce machin sans queue ni tête qui les poursuit depuis toutes ces années ? Elle voulait retrouver quelque chose il y a six ans, peu importe qu’il n’y ait pas de définition. Mais maintenant ? Oh well.
2:10. I just saw Dee in town.
(Elle écrit puis efface la partie où elle avoue ce qu’elle lui a vraiment dit, et à quel point c’était abruti. Le remplace plutôt par une yes-no question simpliste mais qui la désengage et qui, par expérience, a cinquante fois plus de chances d’être répondue dans la foulée.)
2:11 Are you around?

29 mai – west savannah
Stella se trémousse gaiement dans ses bras alors qu’elle se contorsionne pour la sortir du siège bébé, se cognant la tête contre la portière au passage lorsqu’elle aperçoit une nouvelle voiture se garer sur le trottoir d’en face – enfin, trottoir est un bien grand mot pour cette rue-là, disons la bande de bitume qui sert à délimiter les pissenlits. Trish joue les grands-mères modèles ce soir, et après une après-midi faite de parcs et de centres commerciaux (le paradis pour les enfants, d’après ses souvenirs), Maura est censée déposer sa nièce au numéro 388 comme un vulgaire témoin de la course de relais qu’ils se paient aujourd’hui, pendant que Cole et Kacey assistent à leur première session de couple en crise. Leur autre gamin, Toby, a été envoyé Dieu-sait-où, et ils s’inquiètent visiblement assez peu du déroulé de la journée au vu du nombre d’appels et de messages que Maura a reçu (zéro). Elle les imagine tellement bien, installés dos à dos dans le bureau d’un de ces prêtres new age dont raffole Kacey… mais ses pensées dérivent alors qu’elle discerne Jean Farrow sur le porche d’en face, une cigarette pendouillant aux lèvres et braillant un ordre inaudible dans son dos tout en accueillant le dernier couple arrivé et la flopée de chiards qui sort de la banquette arrière. Inutile d’esquisser un salut de la main, cela fait bien longtemps qu’elle n’appartient plus à ce quotidien-là.
Une fois le colis délivré et un rapide état des lieux du salon effectué (sûrement pas du sucre en poudre, ce petit sachet égaré sur le canapé hm ?), Maura se risque à mentionner les voisins en feignant la désinvolture. « Looks like there’s a whole celebration across the street. » Sa mère mord à l’hameçon – son activité favorite depuis 1986. « Dunno. I think I saw Callum yesterday. Maybe he’s out or something.You think…? Already?Dunno, » qu’elle répète en chatouillant la fillette dans une parodie grotesque de la grannie attendrie. « Great. Just what we needed. »
Elle reste un moment appuyée contre sa portière, une cigarette en fin de vie entre les doigts, à ne plus savoir si ce sont les rayons de soleil ou les refrains de country qui lui impriment un froncement de sourcils sous ses lunettes de soleil. Est-ce que le père, embarqué pour homicide, pourrait être sorti si tôt alors que Luke pourrit encore entre les murs de Coastal State pour un petit traffic à la con ? L’aberration du système judiciaire n’a pas le temps de l’indigner – elle sait déjà que c’est vrai. Il n’y a qu’à voir la fourmilière qu’est la baraque Farrow à cet instant, qu’à voir Jean, surtout. Même de loin, même en ne reniflant rien, Jean rayonne et ça ne signifie qu’une seule chose.

7:09 So that’s what a getting-out-of-jail party looks like.
Elle va devenir comme Allen, à s’accrocher à des bulles bleues sur son téléphone et à les empiler comme un mauvais jeu de Tetris jusqu’à ce que le message, déjà indicible à la base, devienne décousu, incompréhensible, muselé par des reproches imaginaires. La chaleur écrasante lui permet d’étouffer à moitié le frisson de terreur que lui inspire la nouvelle (que Luke ait été protégé par Callum et ses cousins à son entrée en cabane ne changera rien au fait qu’elle n’a pas la moindre envie de recroiser le padre. Oh grand jamais. Et en particulier après les confidences de Quinn sur cet été 2005.) mais pas la vague d’empathie déplacée qui suit. Leurs parents, ces tocards. On lui avait donné un bouquin lors d’un Secret Santa entre collègues, il y a des années, sur les ravages d’une éducation ratée et elle l’avait rangé dans sa boîte à gants avec un sourire. How to traumatize your children: 7 proven methods to help you screw up your kids deliberately and with skill. Fortement possible qu’il y soit toujours.
7:15 Good luck, I guess.
Et la rue s’efface dans le rétroviseur de la Buick, encore une fois.

4 juin – thunderbolt
Elle a accepté par réflexe, plus perplexe qu’enthousiaste, déterminée à chasser l’idée du traquenard qui s’est incrustée dans ses pensées avant même qu’elle ne parvienne à éclore entièrement. Alors qu’elle gare la camionnette sur le parking désert et sous le seul arbre misérable qui daigne encore vivoter à côté de la pancarte du stand de tir, la voix d’Aaron fait écho au décor de western bas de gamme clairement souhaité par les propriétaires – They’d shoot you in your sleep. Et elle voudrait tellement croire le contraire. Mais la porte d’entrée indique que le stand a fermé un quart d’heure plus tôt, elle ne comprend rien. Allumant une énième cigarette d’une main plus nerveuse que nécessaire, adossée à la portière, tous les sens aux aguets, Maura s’attend à moitié à voir débarquer des pick-ups et des fusils pointés sur son front. La pleine lune prévue le lendemain la rend paranoïaque, Quinn a fait le mort pendant des semaines après leur dernière entrevue, sa propre voiture est à nouveau tombée en panne et le camion de l’usps qui lui a été prêté en dépannage de dernière minute a malencontreusement perdu un rétroviseur lors de son dernier arrêt bouffe (drive-in, what else, l’emballage trône encore au pied de ce qui devrait être le siège passager, inexistant sur les Grumman LLV), sans compter le remontage de bretelles en règle effectué par la meute après avoir eu vent de ses aventures à la West End Station : Maura est une cocotte-minute au bord de l’implosion. Elle a rallumé la deuxième clope dans la foulée de la première et fait les cent pas devant l’entrée lorsque la Bronco entre enfin dans son champ de vision, apaisant dans le même temps l’agitation qui s’était emparée de ses guibolles – il est venu seul, il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Malgré tout, son soulagement manque complètement sa cible. « So you’re alive, after all. »

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Quinn Farrow
Quinn Farrow
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MessageSujet: Re: 270 degrees (mean)   270 degrees (mean) EmptyJeu 5 Nov - 16:49

Don't you know too much already? I'll only hurt you if you let me, Call me friend but keep me closer And I'll call you when the party's over  - -

— mer. 20 mai / thunderbolt
Un tourbillon de fumée éclot dans le brassement d’air provoqué par la brusque ouverture de la porte d’entrée, et au milieu de ce maelstrom, Nickie. Deux paires de billes torves se levèrent à sa rencontre depuis le canapé et la détaillèrent de la tête aux pieds tandis qu’elle se laissait tomber sur le fauteuil le plus proche — un club en similicuir défoncé qui avait connu de meilleurs jours. Ses jambes hâlées allongées devant elle, Nickie s’étira en baillant, le bas de son débardeur à imprimé python remontant sur son ventre au point que Quinn détourna le regard, franchement incommodé par le spectacle. Les cheveux défaits et les traînées de mascara masquant les cernes s’étalant sous ses yeux en disaient long sur sa soirée de la veille. « You look like sewer shit, » qu’il échappa en reportant son attention sur la partie de Call Of de River, dont le rire sonore éclata lorsqu’elle lui répondit en agitant son majeur. « Talkin ‘bout sewer shit, you two have been stayin’ here all night ? Stinks like hell in here. Hey Quinnie, gimme that, » elle tendit une main en direction de la boîte de C&H en métal posée devant lui, où s’entassaient pêle-mêle les feuilles à rouler et le pochon de beuh de River. Il la fit glisser vers elle avec un soupir et s’extirpa tant bien que mal du canapé, abruti par la fumée de joint. « Want a beer ?Yeah get me one, man.No thanks, just got up. » so what? lui parvint depuis le séjour, tandis qu’il s’attardait devant le réfrigérateur, espérant puiser dans le froid qui en émanait un semblant de lucidité avant de retourner de là où il venait — et dont il n’avait pas vraiment décollé depuis la veille. « Where were you? » Nickie haussa une épaule en émiettant l’herbe dans un grinder rouillé. « Maura’s birthday. Can’t remember shit, everybody was fucking wasted. All I know is we ended up at the Seed Ecco and I think at some point I just… well.Maura, like, Maura? » À sa gauche, River avait interrompu son jeu et décapsulait sa bière, clope au bec. Lui-même enfila la moitié de la sienne en trois longues gorgées dans l’espoir de tarir la sécheresse qui s’était emparée de sa bouche. Le con, il avait oublié la raison pour laquelle il s’était pointé chez River la veille, portable éteint, trois packs sous le bras, déterminé à noyer l’invitation de Maura (massacrée en bonne et due forme) dans l’oubli. Il n’avait pas donné signe depuis le Wyld, avait ignoré les messages reçus dans la nuit sans savoir quoi en faire, aux prises avec une culpabilité dont l’origine et la véritable destinataire demeuraient encore obscures à ses yeux. Une part allait sûrement à Maura, dont le venin craché au pied de l’escalier du sous-sol continuait d’oeuvrer comme du poison à latence prolongée. Fuck yeah I missed my shot, again. Quant à Dee… La bière eut un goût de bile et il récupéra le joint que lui tendait Nickie, prêtant une oreille distraite au bavardage incessant des deux autres.
You know, some days I think you’re better than this shithole. I do. I really wanna believe it. But on other days…? » The more you want things to change, the more they stay the fucking same.)

— jeu. 21 mai / guns’r’us, thunderbolt
Dee n’était pas une flèche. Tout le monde s’accordait pour le dire et l’injure, bien que récurrente, ne manquait jamais de la blesser. Non pas qu’elle se soit un jour targuée du contraire, mais elle aurait apprécié de la délicatesse, et si elle n’avait effectivement jamais brillé sur les bancs de l’école, si elle passait à côté du second degré une fois sur deux, si elle était loin d’être capable de comprendre les enjeux de la politique, elle n’était pas non plus complètement idiote. Jusque là, elle avait aimé le talent (quoique involontaire) de Quinn de ne pas la faire se sentir comme une cruche, car Quinn n’en avait jamais rien eu à foutre des études, de la politique ou des traits d’esprit pontifiants. Il se contentait d’être Quinn, un trou du cul avare de mots et d’attention dont l’affection se restreignait la plupart du temps à la tolérance implicite de sa présence et quelques messages par ci par là. Mais ? Là, ce con la faisait se sentir pire qu’une merde. Et elle se ferait un point d’honneur à être ce chewing-gum collé sous sa pompe, qui n’en finirait pas de le talonner, s’il avait véritablement eu l’audace de se taper Maura dans le sous-sol de l’armurerie, comme cette salope l’avait laissé entendre en une pauvre et minable saillie jetée par dessus son épaule avant de quitter les chiottes nauséabondes de ce bouge merdique (où Quinn n’avait même pas daigné faire l’effort de l’accompagner). Elle ne l’avait pas vraiment dit ; tout juste l’avait-elle sous-entendu mais son demi-sourire, non, son air satisfait avait suffi à semer le doute. Billie avait essayé de la rassurer, don’t overthink it, might be nothing, mais elle n’arrivait pas à oublier (les propos de Maura lui colmataient les tempes comme un emplâtre) et le silence de Quinn ne faisait qu’entériner les soupçons indignés qu’elle ressassait depuis deux jours. Deux putain de jours, qu’il se taisait.
Dee ne comprenait peut-être rien au second degré mais elle savait reconnaître quand on se foutait de sa gueule.

Seule la radio meublait le silence de l’armurerie lorsqu’elle enfonça la porte d’entrée d’un coup d’épaule, en dépit de l’écriteau “closed” se balançant derrière la vitre (elle grimaça : elle s’était explosé le bras). Nulle trace du bougre mais elle ne se leurrait pas ; elle savait qu’il était là. « Quinn ! I know you’re here ! » Les semelles de ses snickers couinèrent sur le lino lorsqu’elle se rua vers l’escalier menant au sous-sol. Les notes d’un rap enragé la cueillirent sur la première marche, et elle les dégringola deux à deux, baissa le volume de la sono au minimum — dernier élément encore fonctionnel dans le foutoir au centre duquel il se tenait, tige coincée sur l’oreille, les sourcils froncés en une expression vaguement étonnée (il n’avait jamais l’air surpris de rien, et si d’ordinaire elle s’accommodait plutôt bien de son inaltérable stoïcisme, une pointe de colère la crocheta aux entrailles lorsqu’elle croisa son regard impassible). Assise au sol dans un nuage de fumée, Nickie la fixait de cet air goguenard dont elle ne se défaisait jamais. « ...hey Nick. » L’intéressée lui accorda un bref sourire en guise de réponse, tira sur sa cigarette sans cesser de la fixer, au point de la rendre mal à l’aise. Dee détourna le regard, gênée de l’insistance presque hargneuse avec laquelle l’autre la zieutait — à la différence de son frère qui, lui, l’ignorait royalement—, survola plutôt les cartons entassés au milieu de la pièce, accusa une pointe de regret lorsqu’elle remarqua que presque toutes ses affaires avaient disparu, ne laissant qu’un fatras de matériel destiné à la vente alignés contre les murs nus. « Do I have to chase you around the whole fucking town to get to talk to you, now ? » Poing arrimé à la hanche dans une posture magistrale, copiée sur les mauvais sitcoms dont elle se gavait à longueur de soirée, Dee ouvrit les vannes de sa mauvaise humeur et mit les pieds dans le plat avec sa finesse habituelle. « What happened with Maura the other night ? » Quinn eut un rire et du coin de l’oeil, elle vit le sourcil de Nickie se hausser sur son front. « Why ? » (Question rhétorique ; dans une secousse mentale, l’enchaînement de textos laissés sur vu s’imbriqua dans sa mémoire jusqu’à former un ensemble grossièrement cohérent. I just saw Dee in town — you fckng moron — Are you around ? — dee, missed call : 2:16am. dee, missed call : 2:18am. dee, missed call : 3:30am. dee, missed call : 10:23 am.— answer me u cunt. Oh. Le déclic se fit en silence alors qu’il se détournait, plongeant dans un carton dont il avait déjà scruté le contenu quelques instants plus tôt.) « Why ? You’re kidding me ? Because this bitch told me about your nice collection of vinyls, which she must’ve seen only if she came down here, that’s why. What was Maura fucking Pace doing in your basement, Quinn ?Stop yelling, she just drove me here after we dropped you home, nothing happened. » Dieu qu’elle détesta ce we. D’une main, il avait balayé ses accusations (futiles, fallait-il entendre) et se penchait désormais sur le démontage méticuleux d’une étagère. Elle remarqua l’absence de cette multitude d’objets que Quinn avait ramené petit à petit dans un ensemble hétéroclite très quinnesque jusqu’à s’installer définitivement dans cette cave ; le convertible déglingué que River avait ramené en guise de « cerise sur le gâteau » le soir où ils avaient décrété que la cuite inopinée du dimanche soir ferait office de pendaison de crémaillère avait été délesté de son matelas et les lattes, déglinguées pour la plupart, avaient été désassemblées et alignées en tas en bas de l’escalier. Une sangle jaune vif avait été serrée autour du fagot. Les caisses de vinyles — les fameuses — avaient été soigneusement refermées. Des rares choses susceptibles de froisser les sentiments de Quinn, il y avait les armes, et ces foutus disques. Elle-même ne figurait pas suffisamment haut dans la hiérarchie de ses priorités pour en faire partie. Dee réprima l’envie de shooter dedans et coula un regard en biais vers le cadet Farrow. What a mess you are. Nickie s’était levée et déplaçait inutilement les rares babioles traînant encore, prêtant l’oreille sans en avoir l’air — personne n’était dupe. Cette traînée n’avait ni morale ni fierté et si elles avaient un jour dû feindre l’amitié, le regard qu’elles portaient à présent l’une sur l’autre n’avait plus rien de contrefait. Nickie était une des rares qu’elle était en mesure de mépriser, et elle n’allait certainement pas se priver d’un tel plaisir ; c’était à se demander comment elle pouvait encore se regarder dans une glace sans pleurer, compte tenu du nombre de saloperies qu’on lui collait sur le dos. Au moins se contentait-on de la traiter de conne, et Dee n’échangerait pour rien au monde le dédain qu’on lui portait pour la réputation plus que douteuse de la benjamine des Farrow. Elle la toisa d’un air mauvais, coula un dernier regard noir en direction de Quinn « you’re an asshole. I’m not done with you. » et décampa, autant portée par la lâcheté que par l’idée qu’elle le coincerait bien à un moment ou un autre, loin des oreilles crasseuses de Nick, où pendouillait une paire de boucle d’oreilles qu’elle s’en voulut de remarquer.

« Maura, huh ? You slug fuck. » Le pick-up que Nickie avait emprunté à Dieu savait qui était chargé ras la gueule, à tel point que le rétro intérieur ne reflétait que les affaires qu’ils avaient déblayées du sous-sol, occultant les kilomètres de bitume s’étirant derrière eux. Planquée derrière ses verres teintés, Nickie observait le paysage familier de West Savannah défilant devant leurs yeux en fumant une cigarette, sa main baguée pendant mollement par la fenêtre ouverte. La remarque sombra dans le silence, n’attendant pas de réponse. L’intervention de Dee ne le heurtait pas vraiment, moins que la raison pour laquelle Maura s’était permise de foutre la merde, à dire vrai — ça ne lui ressemblait pas (mais la connaissait-il encore ?) et il était conscient qu’entre ce qu’elle avait vraiment pu lui dire et ce que Dee avait compris, il pouvait y avoir un monde. Il ralentit aux abords du 393 et engagea la Bronco dans l’allée, coupa le moteur et, avisant la façade de la maison, Maura, Dee et le reste disparurent dans le néant en même temps que la voix traînante de sa soeur exprimait une infâme réalité à laquelle il s’était efforcé de ne pas trop penser : « Look who’s coming back home after all this time. Jean’s darling boy himself.Shut up. » Nickie ne souriait plus lorsqu’elle sortit du pick-up. Il sentait son coeur battre jusque dans sa gorge. « Ma’s at Serena’s, getting her hair done. And I need the car back in an hour, so make it quick.Nick, I’m not stayin’. River told me I could crash at his place for a while and-You better stay or I’ll fucking kill you. I’m not staying here alone with Callum and Jean while y’all living your life elsewhere, you hear me ? »

— jeu. 4 juin / #393 west savannah
A week ago -
7:09 So that’s what a getting-out-of-jail party looks like.
7:15 Good luck, I guess.
Merde. Elle ne croyait pas si bien dire.

Assis au milieu du salon, il identifiait, datait, étiquetait une profusion obscène de semi-automatiques alignés en rangs méthodiques autour de lui. Crayon entre les dents, il focalisait son attention sur cette seule et unique tâche dans l’espoir d’occulter la voix de son père. Face à lui, Callum listait dans un carnet de comptes les armes qu’il lui désignait, griffonnait les classes, les dates et les immatriculations dans un langage crypté mis au point des années plus tôt et que chacun de ses gosses avait appris à maîtriser sur le bout des doigts — et n’en finissait pas de jacter, comme s’il n’y avait rien de plus naturel que cet interlude familial, feignant une entente qui n’avait pourtant jamais existé entre lui et son cadet. « Saw Trish at the mall the other day. This woman hasn’t changed a bit. » Sa main se suspendit au dessus de l’étiquette — MAC-10, 2012. Il garda le regard bas, reposa l’engin et passa au semi-automatique suivant, le dernier de la série. « Is her daughter back around ? Or is she still lost in the woods ? » Callum secouait la tête, s’amusait de sa propre (mauvaise) plaisanterie. Les phalanges blanchirent et il accusa un indicible sentiment de vertige. « Dunno. Haven’t heard about her since then.What was her name again ? » Il passa le fil de l’étiquette dans le trou de la gâchette, le noua en un noeud aussi serré que celui qui l’étranglait. La réponse tarda une seconde de trop, comme s’il doutait (à raison) de l’authenticité de la question. Callum avait connu cette tête blonde aussi bien que celles de ses propres gamins, pendant un temps, et il était trop malin pour l’avoir oubliée. L’allusion était personnelle, vicelarde. « Maura.That’s it. Maura. » Un rire étouffé. « We done ? This was the last one. (Le flingue se fondait à la perfection entre ses doigts et, mû par un instinct étrange, il l’enveloppa à la va-vite dans une page de journal et le reposa à bonne distance, à la suite des autres.) Actually, no, I need you to take these to the firing range, Jimmy left the key under the doormat so you could stach it in the back shop. We’re trying ‘em tomorrow night. Wanna come ? » Les regards ne s’accrochèrent qu’un instant, suffisamment, pourtant, pour brimer l’élan primitif de fuite — no, no I don’t. « Sure. » Une paume s’écrasa sur son épaule (« Ma’ boy ») et Callum se releva avec un indéfinissable sourire. « One last thing. We’re closing the armory in a few weeks, and I want you to take some stuff to Jacksonville. You’re gonna meet Clay there, he’ll know what to do with it. »

Dans l’habitacle de la Ford, les battements de son coeur devinrent assourdissants. Nulle menace apparente dans les propos de son père, si ce n’était ce bon vieux dédain pour tout ce qui n’était pas blanc, mâle, et humain. Les mains crispées autour du volant, l’écho de ce prénom sur des lèvres profanes s’ourlait pourtant d’un danger quasiment palpable. Maura. Comme un rappel douloureux de ce dont Callum était capable — ce dont ils étaient capables, car si leur existence sur terre, à l’instar de celle des autres parasites, ne semblait avoir d’autre but que celui de pourrir l’existence du commun des mortels, Callum avait insufflé un autre sens à la leur. Débarrasser le monde des crawlers, profession de foi élevée au rang d’instance divine sous le verbiage prolixe de Callum Farrow. Le pamphlet lui était connu sur le bout des doigts ; et il aurait dû être simple de s’y tenir. Où s’était-il planté pour éprouver aujourd’hui la même trouille qu’il y a quinze ans, au lendemain de la disparition de Pace ? À quel niveau l’éducation parentale avait-elle failli pour qu’il oscille ainsi à la lisière du camp adverse, à craindre pour la vie d’un loup ? Quelque part, quelque chose avait foiré. Ou peut-être tout n’était-il qu’une question de choix.
Il fit le sien — et le regretterait plus tard. Du pouce, il fit glisser le fil des conversations jusqu’à tomber sur le bon, claviota une invitation — un ordre — à la va-vite et démarra la bagnole, avec un dernier regard pour les fenêtres de la baraque, derrière lesquelles dansaient les lumières du poste de télévision que personne ne regardait.
Today, 7:40 pm -
we should meet at the firing range
after closure, around 8:15
white bluff rd, thunderbolt
— firing range, thunderbolt
Une question de choix — s’il fallait s’en remettre à ça, qu’il pense en avisant le camion merdique de l’USPS avec lequel elle était venue. Elle avait cessé de tourner en rond devant l’entrée et s’était avancée jusqu’à lui, une infime crispation tendant ses traits ; de la méfiance, ou quelque chose qui s’en rapprochait, et définitivement rien qui soit injustifié. « So you’re alive, after all. » Barely. « What happened to your car ? » Il claqua la portière et contourna Maura pour ouvrir le coffre de la voiture, dont les vérins échappèrent un grincement plaintif. Trois cartons soigneusement fermés au gros Scotch, renfermant chacun une vingtaine d’armes de poings emballées dans du papier journal, propres, étiquetées, prêtes à la vente —  rien que Maura ne fût en mesure de voir. Sur le dessus de l’un deux, un Nickie’s stuff écrit au gros feutre s’étalait en lettres capitales. « Give me a hand with that. » Il lui colla un carton dans les mains — le bordel pesait un âne mort —, se saisit d’un second et batailla un instant pour refermer le battant du bout du coude puis passa devant elle pour récupérer la clef planquée sous le paillasson de l’entrée.

À l’intérieur, ils larguèrent leur chargement dans une arrière-boutique bordélique à l’excès. On n’y mettait pas un pied sans marcher sur quelque chose et ça dégueulait de la merde par toutes les étagères — pour un peu, on aurait pu le croire à l’origine de ce méticuleux désordre. La porte se referma sur le foutoir et il tourna la clef de la remise, fit face à Maura, dont les prunelles balayaient le décor grotesque du stand de tir. L’envie d’en griller une le démangea, mais il avait laissé ses clopes sur le tableau de bord. La semi-obscurité vallonnait les contours de sa silhouette, soulignant l’immuabilité de ses traits au point qu’il pût presque croire que quinze ans n’avaient pas disparu dans l’inexorable fuite du temps, qui finirait par avoir raison d’eux tous ; même dans l’ombre la plus dense, il continuerait d’évoquer ce profil avec une précision millimétrique. Une paume nerveuse s’écorcha au contact de ses joues râpeuses et son regard échoua sur le bout de ses pompes. « Callum’s back. » Elle le savait déjà, et ce qu’elle ignorait, Quinn le tairait. Il ne proférerait aucune excuse, ni n’admettrait à quel point ses propos le hantaient encore, auréolés d’insurmontables accents de vérité, et moins encore évoquerait-il l’urgence et l’indicible crainte qui l’avait poussé à la retrouver ici, et l’amènerait bientôt à lui proposer de tailler la route jusqu'à Jacksonville, loin de Callum, de Savannah, et des réminiscences qui revenaient les hanter à tous les coins de rue. Tout ce dont il était capable (et pour prouver quoi, au juste ?), c’était d’aller casser la gueule aux abrutis qui lui collaient des yeux au beurre noir quand lui même n’était pas foutu de se montrer à peine plus que correct avec elle, sans même parler de constance ni de logique. « He’s sending me to Jacksonville in a few weeks and hum, dunno, I thought I could need a hand there. Or just company. » L’invitation, aussi sibylline qu’inattendue, s’ajouta d’un : « If you want. » contrit qui se perdit dans sa barbe de trois jours. Un silence embarrassé plus tard, et Quinn lâcha finalement la question qui lui brûlait les lèvres. « Did you really need to talk to Dee ? What the fuck did you say to her anyway ? »
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