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 take another story, take another frame (acid#2)

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Alec Musgrave
Alec Musgrave
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moonchild
MessageSujet: take another story, take another frame (acid#2)   take another story, take another frame (acid#2) EmptySam 1 Aoû - 14:22

looking at the ceiling, staring at the wall. looking in the mirror, trying not to fall. i wanna be careful, i wanna be sure, but all i can see is a big black dark, i’m trying to count through the tangled thoughts. i don’t see it coming, i don’t want it all.
- -

— 24 mai / thunderbolt
Rituel bien rôdé. Déballer le cellophane, en retirer le cristal, l’écraser tant bien que mal du plat d’une carte de fidélité gondolée sur la surface crasseuse d’un portable. Tracer cinq lignes parallèles. Rouler le ticket de caisse — s’esquinter les parois nasales, et le rush, qui ne tarderait pas. Il se pinça l’arête du nez, tête renversée, le myocarde en partance pour un marathon foutrement familier. « Never enough, never enough, » scandait Scott à sa droite, et Alec le regarda se pencher à son tour, une paille improvisée encastrée dans la narine. Jamais assez, toujours trop peu. « Last time we said we were done with this shit, man. —  Never said anything like that. » Scott éructa un rire sauvage pareil à un jappement et renifla, dégageant les restes de poudre parsemant sa moustache du plat de la main. « We’re screwed, anyway. » Tu m’étonnes, qu’il songe en balayant son regard sur le capharnaüm alentour sans y puiser la moindre satisfaction. Rien qu’une énième débauche, l’anniversaire de Callie érigé en prétexte futile pour excuser la cuite réglementaire à laquelle ils cédaient les uns après les autres. Ils suivaient un schème répétitif revisité à l’infini au point d’en perdre le sens, s’il avait existé un jour. Ça braillait à n’en plus finir, canettes à la main et regards vitreux et Callie, déjà ailleurs, avait la gueule écrasée contre l’accoudoir du canapé dans une posture qui aurait pu être comique si elle n’avait pas été si pathétique. Elle avait tendu une main vers lui, baragouiné une ineptie à laquelle il n’avait pas prêté attention, avant de sombrer aussitôt, et qu’importe le nombre de traces qu’elle avait tapé depuis le début de la soirée. (Il lorgna la came d’un oeil torve et une pointe de culpabilité le traversa. Le pire n’était pas d’y retourner chaque fois qu’un gramme lui passait sous le pif ; le pire était la résignation. Se défaire de ces conneries : il avait arrêté d’essayer.) « You listening or what ? Hey- » Un coude s’enfonça dans ses côtes. Il fixait le vide sans s’en rendre compte. « What?I know you better than my own butthole. You’re pissed. Anything to do with earlier ? » Alec capta le regard du lycan ; frondeur, brillant d’une ivresse mal contenue, Scott le dévisageait avec insistance. Il renifla. Il n’avait pas eu l’intention de remettre le sujet sur le tapis, alors, mais l’autre ne lui lâcherait pas le grappin avant qu’il ait craché le morceau. Si Scott était fondamentalement un type bien, il restait une putain de grande gueule dont les principes à la con le poussaient à devenir ce demeuré inconséquent qui leur avait presque valu de se faire descendre au milieu d’un parking. Le problème, au demeurant, était que Scott avait de meilleures raisons que n’importe qui de s’exciter devant cet étalage provocateur de stickers haineux, alignés sur le capot d’un Ram poussiéreux. Le nez collé aux slogans anti-crawlers, mâchonnant son chewing-gum d’un air revêche, il avait suggéré de crever leurs pneus sans même savoir à qui appartenait le pick-up (pas besoin), et quand les propriétaires s’étaient pointés, marmots et sacs de courses chargés à bout de bras, l’issue était perdue d’avance. Ce lycan que le père Farrow avait descendu, c’était le frère d’un pote, il l’avait connu gamin, et ce gosse là avait à peine vingt piges, putain, il avait rien demandé. Alec le savait. Tout le monde le savait. Sa contrariété frôlait certainement l’affront aux yeux de Scott, pour qui le camp d’Alec aurait dû être clair. Il n’y avait aucune compassion — bonté, miséricorde, qu’importe — à éprouver envers ces dégénérés, point barre. Il scruta les traits tendus de son vis-à-vis, qui faisaient écho aux siens. Ses sourcils étaient froncés à tel point qu’ils s’étaient rapprochés en une ligne unique et broussailleuse, en dessous de laquelle brasillait une paire de pupilles incandescentes, si dilatées qu’elles en dévoraient l’iris pâle, réduite à un anneau bleuté. L’occasion était trop belle, la crispation au sommet. Le cul de sa bière claqua contre la table quand Alec se jeta les deux pieds en avant dans le guêpier. « You almost got us shot down in the middle of a fucking parking lot. You’re darn right I’m pissed. » C’était peut-être à Scott que les menaces étaient destinées, mais la morsure de la provocation ne l’avait pas épargné. Consider yourself lucky. Il n’avait rien dit, à Target. S’était contenté de prendre le volant en pestant derrière ses dents serrées, plus heurté par l’esclandre qu’il aurait dû. Dans le fond, ce n’était pas tellement les bravades inconsidérées de Scott. Ce n’était pas le flingue serré dans la pogne d’un abruti inconnu au bataillon. Ce n’était pas cette scène d’une banalité affligeante. C’était le regard de Sidney, là-bas, et ce message laissé sans réponse depuis. I remember you. You were there, weren’t you? « I did nothing. Just talking to ‘em. They overreacted.Yeah, that’s it.Dude you know what these jerks did-and they paid for it already, this was fucking pointless,they paid for shit. » Un soupir — deux paumes se haussèrent en signe de reddition. « Look, I’m not fighting you on this. It’s just-You know what ? I think you are, and I think Morales made you a fucking softie, and if you weren’t my friend, man, I’d tell you to fuck off already. » Ils se jaugèrent du regard, indifférents aux rires qui éclataient derrière eux. Scott l’emmerdait, et son irritation croissante à son égard acheva de gommer le peu d’entrain qui lui restait. « Don’t expect me to ever soften with these motherfuckers.Keep acting like a numbnuts jerk, then. I’m busting. » Il se leva, une main agacée virant la poudre de son portable avant de le fourrer dans sa poche arrière sans s’inquiéter de l’écume blanche venant maculer son short. « That’s it, Alec. Thank you, good night, and call me when you’re done being such a kiss-ass.Yeah, yeah. »

today, 5am-
I was.
Like you said, we’ve all done things we ain’t proud of.


— 25 mai / skidaway island
« You bought what? » Son verre se suspendit à hauteur de ses lèvres sans qu’elle les y dépose. « You heard me. » Dans le fond de sa poche, un bijou de lune y dormait depuis le matin. Le dernier datait de Los Angeles et gisait six pieds sous terre, avec Reyes. Dani darda sur lui un regard interdit puis secoua la tête. « So you’re back to fighting. » Difficile d’ignorer l’amertume qui soulignait ce constat. Alec pinça les lèvres, occupé à gratter l’étiquette de sa bière, luisante de condensation, et il contemplait les petits bouts de papier humides s’accumuler sur la table comme des bactéries dans une boîte de Petri. Face à lui, Dani s’était renversée contre son dossier et matait d’un air sombre les touristes en shorts de bain et robes soleil se promener sur la jetée d’une démarche indolente. « Why? » Pourquoi maintenant, pourquoi si tard ? Il se l’était demandé aussi, mais il n’ignorait pas qu’au milieu de ce sentiment d’urgence familier qui l'étreignait toujours aux abords d’un ring, quelque chose de nouveau avait pris de l’ampleur. Un bruit permanent auquel il peinait à faire face, et il devait bien exister un terme pour décrire l’aliénation qui l’avait saisi ces jours passés, le plongeant dans une frénésie bougonne que les dernières nuits blanches n’excusaient pas en totalité. Depuis Target, Farrow l’avait propulsé par son silence à un mois en arrière, à l’heure où entendre The Cure résonner dans ses écouteurs ne s’accompagnait pas encore d’une déconvenue cuisante à l’idée qu’il avait envoyé ce son deux jours plus tôt — et n’avait obtenu aucune réaction, à l’instar d’autres messages laissés sur vu. Sa frustration était un terreau fertile pour la pléthore d’interrogations et de récriminations imbéciles valdinguant sous sa boîte crânienne. Du bavardage mental à son état le plus incommodant, car il n’y avait nulle réponse satisfaisante à y apporter; pas de solution, que dalle, si ce n’était une insupportable perplexité. Ce retour à l’incognito lui laissait un arrière-goût d’inachevé, autant de gouttes d’eau en suspension attendant un signal invisible pour s’écraser sur la première surface venue, à ceci près qu’il y avait désormais un avant et un après et que l’après ne présentait, jusqu’ici, rien de très gratifiant. En fait, il se sentait même foncièrement con. Mais il ne se leurrait plus vraiment sur la torsion opérée par ses pensées qui, paraissant s’être concertées à son insu (quand était-ce arrivé?), s’étaient toutes concentrées sur Farrow, pareilles à une armée d’hélianthes pourchassant le soleil. Target, West End, les nuits, cette putain de terrasse, Target encore, qui venait clôturer une boucle imaginaire. « To silence my goddamn brain. » laissa-t-il tomber, regard échoué à l’horizon. Dani se fendit d’un sourire entendu et leva son verre. « I’ll drink to that. »

— 26 mai / victorian district, forsyth park
La grisaille s’emparait de l’est, lavant péniblement la nuit à l’horizon et il voyait les lampadaires s’éteindre un à un sur le trajet de sa course, plongeant le parc dans un brouillard moite et cotonneux. L’heure bleue. En attendant de pouvoir de nouveau couler dans sa peau de loup au milieu d’une cage illégale (l’attente devenait intolérable, le besoin, un véritable poison), Alec passait ses nerfs sur des sacs de frappe fatigués ou s’embarquait pour des footings matinaux avant de sauter dans sa caisse en direction de Tybee Island, où son entrain habituel se heurtait à un dédain nouveau pour les tâches qu’il accomplissait quotidiennement. Les sons et les odeurs étaient amplifiés par la brouillasse alentour, ricochaient contre les arbres plongés dans l’ombre. Sa propre respiration. Le rythme régulier de ses semelles battant les allées bétonnées. Le toucher délicat des infimes et innombrables gouttes d’eau imprégnant l’atmosphère. Une respiration animale — et l’odeur caractéristique d’un gel douche à la vanille. Il ralentit le pas en appréhendant deux silhouettes —un homme et un chien— courant devant lui, accéléra de nouveau, une fois certain de l’identité de celui qu’il était en train de rattraper. « Sid, wait- » Il captura son bras et le coupa dans sa course. Le surnom lui avait échappé. Il se trouva con, planté là devant Farrow sans avoir anticipé ce qui se profilait alors. Les regards s’accrochèrent. Il laissa son bras retomber le long de son flanc au moment où son cerveau encaissait un blanc monumental. Pas foutu de savoir ce qu’il comptait lui dire, et ce fut comme d’entendre ses connexions neuronales s’éteindre à leur tour au son de sa respiration erratique. Un rottweiler massif promena sa truffe humide sur ses mollets et le détourna momentanément de Sidney. Il passa une main distraite derrière les oreilles du molosse ; « Hey Sads. » Le souffle court, il peina à articuler la connerie qui lui tomba des lèvres. « Look, hum — Honestly man, I don’t like to be dodged, especially when it feels like I’m missing the point. » Tu parles d’une offense. Il ramassa une mèche qui lui tombait sur le front, serra les phalanges à l’arrière de sa nuque. « I’m sorry for the other day if that’s the real issue. I know Scott can be a real pain in the ass sometimes, but we don’t need to make it personal, you know. »
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Sidney Farrow
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MessageSujet: Re: take another story, take another frame (acid#2)   take another story, take another frame (acid#2) EmptyMar 4 Aoû - 12:33

take another story, take another frame, acid#2 - - - I'll keep on movin' on, Things are bound to be improvin' these days, One of these days, I'll sit on corner stones And count the time in quarter tones to ten, my friend, Don't confront me with my failures, I had not forgotten them

– 25 mai / savannah va clinic
Son genou gigotait. Assis sur un siège en plastique, il regardait à droite, à gauche, examinait les murs, le bureau de la réceptionniste qui ignorait la sonnerie stridente du téléphone, écoutait le bruit de ses ongles frapper sèchement les touches du clavier, alors qu’elle échangeait avec un type nerveux. Il avait coincé un dossier médical sous son bras, parlait d’un rendez-vous annulé à la dernière minute, et à la secrétaire de rétorquer que ce n’était pas la peine de prendre ce ton, qu’elle n’était pas responsable de l’agenda des toubibs, qu’elle verrait ce qu’elle pouvait faire. Au bout de la cinquième ou sixième stridulation, elle décrocha pour aussitôt mettre l’interlocuteur en attente. Sid connaissait la musique détestable qu’ils balançaient à ce moment-là. Des notes faussement joyeuses, interrompues par les recommandations d’une voix robotique, contactez tel numéro si vous avez besoin d’aide, nous vous remercions pour votre service, et la plupart du temps, il abandonnait dès la première intervention. Il avait délogé une brochure aux couleurs criardes de l’épaisse liasse qui se trouvait à côté de lui et la lisait sans réellement saisir le sens des phrases, ni des images. Une voix appela son nom, et il fourra le dépliant dans la poche de son froc.
C’était une nouvelle psychiatre. Le docteur Kapur, il déchiffra sur la plaque métallique ornant son bureau. La trentaine, des cheveux noirs relevés en un chignon serré, un air affable, des ongles courts et vernis. Une bague de fiançailles à l’annulaire. Sur le rebord de la table se dressaient deux cadres, le futur mari, probablement, attifé de son uniforme de Marines, et une bande de copines, US Army, bras dessus bras dessous, dans un décor lui rappelant les bases afghanes. Elle était au centre, à deux doigts de tomber sur la voisine, bien loin du sérieux dont elle exsudait à cet instant précis. La spécialiste épluchait minutieusement son dossier, s’attardait sur une ligne, lui posait une question à laquelle il répondait vaguement (ou se contentait d’un haussement d’épaules), annotait une page, et à chaque fois qu’elle s’adressait à lui, elle prenait le temps de décoller ses yeux fardés des feuillets. Souriait. Ce détail anodin lui octroyait un semblant d’humanité – souvent, il avait eu affaire à des toubibs qui s’en foutaient ou qui le considéraient comme l’énième maillon d’une chaîne interminable, n’ayant cure de son identité, de son parcours. « I think we should re-do a screening for depression and update your treatment plan. Everything’s pretty dated. Have you been back in therapy since you got out of prison? (Il secoua la tête.) I’m gonna schedule an appointment with a psychologist then. – I don’t really–Listen, Sidney, elle referma le dossier, I don't want to just renew the prescriptions. The most important thing would be not to have to take any more medication, you understand? » Jeudi prochain, elle décida. En dépit de toute la haine qu’il éprouvait à l’égard des Veterans Affairs, il leur reconnaissait (sans se départir de son incommensurable mépris) une rapidité que l’on ne trouvait pas dans les services privés. Et ils offraient une meilleure assurance (encore heureux). Une diatribe enflammée d’Alec lui revint en mémoire – il s’était emporté contre les prises en charge tandis qu’ils suaient sur sa terrasse, armés de perceuses électriques et de marteaux. Sid avait échappé un ricanement, ponctué d’un « amen brother ».

Sur le parking, il grilla une cigarette en guettant l’arrivée de sa mère – celle-ci s’était réjouie qu’il lui demande de le déposer à la clinique et n’avait eu de cesse de caqueter pendant le trajet, le visage à moitié masqué par son imposante monture de lunettes de soleil. Les mêmes qu’Anna Nicole Smith, se plaisait-elle à répéter en les réajustant sur son nez. Il lorgnait l’écran fissuré de son téléphone, la boule au bide. Deux jours plus tôt, Alec lui avait envoyé un titre des Cure – et il l’avait écouté, évidemment. À l’instar de tout ce qu’il lui recommandait. Ne s’était pas fendu d’une réponse pour autant, bien que son pouce le démangeât. Un smiley à la con. Un thumb up, peut-être. Un klaxon interrompit ses tergiversations. Il distingua le bras de Jean s’agiter par-dessus une vitre baissée et effaça le « we should talk » qu’il avait commencé à rédiger.

– 26 mai / victorian district, forsyth park
Malgré une genouillère stabilisant sa rotule, il avait ralenti la cadence.
Sadie trottinait devant lui sans se presser. Quelques cachets, des stimulants, le maintenaient éveillé malgré une nuit passée à l’hosto, et c’était mieux ainsi. À peine rentré, il avait troqué un survêt contre un autre, attaché une laisse au collier de sa chienne, et ils avaient cheminé vers Forsyth Park où quelques joggeurs démarraient également leur journée. Lorsqu’il conduisait encore, il se garait près de Tybee Beach et longeait la plage avant de s’asseoir sur le sable, l’esprit ailleurs, à se demander pourquoi il croupissait ici, pourquoi il ne mettait pas les voiles. Il imaginait ces scénarios impossibles – démarrer à toute berzingue, son vieux duffle bag à l’arrière, quelques bricoles dans le coffre, et rouler jusqu’à ce que l’aiguille du niveau d’essence tombe sous le rouge, marquer une pause, observer une carte routière, changer de trajectoire. Il connaissait mal son propre pays. N’avait jamais fichu un orteil hors du sud profond, un berceau devenu carcan. (Il s’interdisait de songer à son pèlerinage à Seattle, dans le tacot de Wayne – quatre pannes en tout, la Ford Ranchero avait sacrément morflé, et selon l’humeur, ils s’embrouillaient sous le capot ou déconnaient en attendant une dépanneuse.) Ses pensées se disséminaient au rythme de foulées régulières, irréalistes ou complètement fantasmagoriques, changeant au gré des paroles que martelaient ses écouteurs.
Une main se referma sur son bras, et alors que la réalité se rappelait à lui, le réflexe fut instinctif : il fit volte-face, agrippa le col du quidam et, un poing brandi en l’air, le relâcha dès qu’il croisa le regard confus d’Alec. « Jesus fuck– » La frayeur l’avait saisi à la gorge – traumatisme larvé, et un triste reflet de son état psychologique. Toujours sur le qui-vive, prêt à en découdre avec le moindre bruit sortant de l’ordinaire. Il ôta ses oreillettes sans arrêter la musique qui en émanait – ironiquement, The Cure. « The fuck is wrong with you… » Les battements effrénés de son palpitant lui filaient le vertige. Encore une confrontation à laquelle il se pointait désarmé – décidemment, ce type avait le don de le prendre par surprise. « Look, hum — Honestly man, I don’t like to be dodged, especially when it feels like I’m missing the point. » Ses narines frémirent, et d’une paire de billes qu’il espérait discrètes, il épingla la familiarité de son visage. Restitua silencieusement la série d’évènements qui les avait menés à se retrouver ici. Un énième hasard, une coïncidence inexplicable, à l’instar de ses réflexions dézinguées. Quelque chose ne tournait pas rond, là-haut, et après l’incident du parking, il s’était renfermé sur lui-même. « I’m sorry for the other day if that’s the real issue. I know Scott can be a real pain in the ass sometimes, but we don’t need to make it personal, you know. » Ses lèvres disparurent en une ligne exsangue. Une goutte de sueur léchait sa tempe, et pendant une brève seconde (la vague manifestation d’une certaine présence d’esprit), il songea à calmer ses ardeurs. Toutefois, les paroles bilieuses que Randy avait proféré sur le chemin du retour s’étaient ancrées dans son crâne. « What point exactly are you missing? » Jamais le poids de son nom, de sa réputation, de la lignée de tocards dont il descendait, ne lui pesèrent autant. Même esseulé, il régurgitait les sermons des siens – le cul entre deux chaises, à la recherche de miettes d’humanité dispersées aux quatre vents, il optait pour la fuite en avant. « That was fucking stupid. It’s–whatever. » Les syllabes se chevauchaient, et la maladresse de son propos trahissait ses incertitudes prégnantes. « Leave me alone, » finit-il par marmonner. Ce qu’il aurait voulu être un ordre ressembla davantage à une supplique faiblarde. Il tira la laisse de Sadie et dans le coup d’œil hâtif qu’il jeta par-dessus son épaule flottait un découragement amer.

– 30 mai / west savannah, vicious park
Son indifférence était aussi vaine que sa rage. Parce qu’il ne se souciait plus du monde alentour, rien ou tout avait changé, et peut-être était-il temps d’adopter une stratégie différente, réveiller l’inconscient. Il avait quitté sa géhenne personnelle vers trois ou quatre heures du matin, quand les enfants dormaient à poings fermés et les adultes luttaient avec leur équilibre précaire, avachis sur leurs chaises, roupillant à moitié ou se braillant dessus à la première occasion venue. Un spectacle désolant dont il faisait partie – la cervelle en terrine, il était plus défoncé qu’un terrain de manœuvre. Le sol était jonché de détritus : les cannettes de bière et les serviettes tachées se mélangeaient aux mégots de cigarette et aux gobelets écrasés. Même à l’extérieur, l’air était pâteux, collant, un cocon poisseux dont tout le monde semblait s’accommoder, à moins que l’ébriété collective eût achevé de dérégler les températures internes. La fièvre au front, il avait embarqué une bouteille de vodka à peine entamée et s’était égaré dans les environs de West Savannah, trop enivré pour songer à surveiller ses arrières. (Qu’on vienne le lyncher, qu’on traîne son cadavre sur plusieurs kilomètres, qu’on l’immole en place publique ; il n’en avait foutrement rien à carrer.)
Il marcha, et marcha, et marcha, longtemps, ou pas, aucune idée. Parfois, le goulot de la bouteille rencontrait ses lèvres, et il titubait ou tirait sur sa clope, se complaisant dans le silence urbain. À ces heures blafardes, le bruissement de la vie ne tenait qu’à un crissement de pneus lointain, et il se revoyait sur une base, alors que l’aube s’étirait péniblement à l’horizon, un bouquin sur les genoux – plus loin, il pouvait entendre l’appel à la prière du matin. Ça l’obsédait, à l’époque. Aujourd’hui, c’était un train de marchandises. Vicious Park était glauque une fois vidé de ses fidèles. Il se laissa tomber sur un banc tagué, les jambes étendues devant lui, et pas loin, à quelques mètres à peine, un groupe de jeunes s’était rassemblé au bord de la piste, armés de skate, de rollers et de vélos, filmaient leurs figures acrobatiques ou leurs chutes ridicules, hilares à chaque fois que l’un d’entre eux terminait le cul par terre. Il y avait de la bière, un son dégueulasse de trap, une odeur d’herbe aussi, et leurs rires hystériques troublant la quiétude nocturne. Son aigre compagne d’infortune liquide entre les pattes, il extirpa son téléphone d’une poche arrière où traînaient deux tickets de caisse, ne remarqua pas qu’il lui restait seulement vingt pourcents de batterie et pianota un message, puis un deuxième, et un troisième, pourquoi pas, il n’avait plus les yeux en face des trous.
today, 4:02AM –
maybe you’re right.
doesn’t have to be personal.
@ vicious park rn w vodka.
Sa conception du temps était distordue. Il fixa l’écran, attendit de voir apparaître une bulle – ses paupières papillonnèrent. Il s’affaissa davantage sur le banc, l’occiput arrimé au dossier, et peut-être glissa-t-il légèrement sur le côté, à mesure que la somnolence de l’ivrogne le gagnait. Plus aucune de ses connexions synaptiques ne fonctionnait correctement, et dans ce marasme, il trouvait enfin une forme de silence étouffant les derniers mots cinglants de son père, ou les interrogatoires intempestifs de ses proches au sujet de ce foutu accrochage, « et c’est pas la première fois », on lui avait répété au cours du repas. Comme si son existence entière se réduisait à sa gâchette facile et à sa complaisance servile. Et il avait été autre chose, à un moment. Il avait été autre chose – un camarade, un soldat, un frère, un leader. Il cligna. Fit défiler quelques vieilles photos sous son regard éclaté. L’unité à Halloween, la Mosquée d’Hérat, de la bouffe, la tronche blême d’un copain après un exercice de taser, des armes – des paysages, toujours des paysages, parce qu’il était con et cherchait parfois du beau au milieu de l’enfer.
Il était con, vraiment. Une lampée de vodka lui souleva l’estomac – il se pencha brusquement sur le côté, les mains appuyées contre le rebord du banc, afin de recracher l'embarrassante quantité d'alcool ingurgité au cours de ces douze dernières heures.
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MessageSujet: Re: take another story, take another frame (acid#2)   take another story, take another frame (acid#2) EmptySam 8 Aoû - 16:54

i think i've reached that point where all the things you have to say hopes of something more from me, just games to pass the time away - -

« What point exactly are you missing?I- » Rares étaient les fois où Alec trébuchait sur ses mots. Et s’il aurait pu s’attendre à un tel recul, il n’y eut pourtant rien de plus qu’un silence estomaqué pour lui répondre. Ce qui mûrissait à l’arrière de ses pensées demeura à l’état de non dit, acheva de clouer la certitude qu’on ne le reprendrait plus à ce genre de connerie. « That was fucking stupid. It’s–whatever. » À se demander ce qui l’était le plus : qu’ils aient continué de se voir en premier lieu ou qu’il se sente si con à l’idée que cette période étrange tirait à sa fin. Ses intonations tombèrent dans l’apathie et il darda un regard défiant sur son vis-à-vis. « Yeah? What was?Leave me alone, » fit l’autre, avant de décamper en laissant dans son sillage une traînée d’interrogations, perdues au milieu des notes moqueuses s’échappant de ses écouteurs : End, des Cure, et il ne put que regarder les silhouettes s’évanouir dans le brouillard en même temps que ses chimères.

— 30 mai / tybee beach
Il le prit au mot. S’astreint à le balayer de ses habitudes et retourna à un semblant de familiarité dans le fil de ses fréquentations, bien loin de l’épreuve quotidienne qu’étaient leurs entrevues. N’y trouva plus le moindre attrait.
Le ressac de l’océan glissant sur le rivage peinait à enterrer les rumeurs de voix se heurtant les unes aux autres, et une lune sarcastique s’élevait au dessus de leurs têtes en un rond quasi parfait. Quelques jours à peine, et le cycle recommencerait. Énième séquence répétitive enchâssée dans le canevas homogène qui charpantait son existence — l’angoisse lui enserra la gorge, comme souvent ces derniers temps, car il finirait par s’y empêtrer sans possibilité de retrait et il serait alors trop tard pour espérer s’en défaire. Suffoqué par l’inertie de ses jours, il s’était éloigné du feu de camp improvisé dressé sur le sable, quelques mètres plus loin, autour duquel flânait la tribu d’imbéciles qui lui servait de potes. Paul et Sacha étaient en train de se plumer mutuellement aux cartes sous les encouragements de Scott. Callie, incapable de résister, s’était jetée à la mer et sa silhouette n’était guère plus qu’une tache humide flottant sur la surface étale de l’océan. Il se détacha de sa contemplation et continua de marcher, quelques mètres tout au plus, laissant les vagues lui lécher les chevilles dans un mouvement lascif, discret. Un remous, un appel se perdant dans la nuit, puis des pas se précipitèrent dans sa direction. Callie s’écrasa contre lui, deux paumes humides appuyées sur ses épaules afin de se retenir de basculer en avant. Un rire, et elle ramassa ses frisettes derrière ses oreilles — il les vit sauter une à une pour revenir à leur exacte place un instant plus tard. Deux pupilles luisantes accrochèrent les siennes. « You’re so quiet tonight. » Assez rare pour être relevé. Elle leva le menton vers la lune et il suivit son regard. « You’re coming with us for the next full moon, right? » Les deux dernières lunes, il avait abandonné la meute pour se joindre à celle de Callie et des autres, Scott compris, qui n’avait pas mesuré sa satisfaction à l’idée qu’il se détache de Saint Morales, comme il l’appelait. Alec passa un bras autour des épaules de la jeune femme, emmêla ses doigts à sa fascinante tignasse brune, secoua la tête. « I don’t know yet.Why? You and Scott have patched things up, didn’t you? » Une oeillade sombre glissa en direction du feu de camp où Scott, ayant pris le relais, semblait mener le jeu — il entendit les protestations des deux autres lorsqu’une main leur passa sous le nez. Ces cons n’apprendraient jamais : on ne gagnait pas contre Scott, aux cartes comme au reste, et s’ils s’était satisfaits pendant un temps d’un silence tacite au sujet de la dernière fois, un nouvel esclandre avait éclaté lorsque quelqu’un avait évoqué le retour du patriarche Farrow, quelques jours plus tôt. Aussi campés l’un que l’autre sur leurs positions, ils avaient recommencé à jouer des bois plutôt que d’effectuer le moindre retrait et le ressentiment veillait encore en dépit de la trêve qu’ils s’offraient cette nuit. « Fuck no. This cunt is seriously running on my nerves these days.Oh come on, you’re as stubborn as he is. » Maybe. Face à son mutisme, Callie échappa un soupir agacé et, sans préavis, avec une force étonnante compte tenu de son gabarit, le poussa dans la flotte. « What th-Looks like someone needs to clear his mind. »

Le sable crissait sous leurs pieds humides lorsqu’ils remontèrent jusqu’aux autres, des rigoles d’eau salée glissaient le long de leurs jambes, gouttant de leurs fringues détrempées tandis qu’ils rejoignaient le feu de camp. « Don’t cry if someone calls you a wet dog, after this.Fuck off, Alec. » Callie propulsa une gerbe de sable dans sa direction, rictus badin au coin des lippes. Alec s’effondra à côté de Paul et fouilla dans son sac à la recherche de ses clopes. Ses doigts se refermèrent sur son portable, qu’il tira en même temps qu’un paquet d’American Spirit en fin de vie, et s’il en déverrouilla machinalement l’écran sans s’attendre à y lire quoi que ce soit, la surprise jaillit dans un profond battement de coeur à la vue des trois notifications barrant l’écran.

today, 4:02AM –
maybe you’re right.
doesn’t have to be personal.
@ vicious park rn w vodka.

Il fixa les caractères, relut les messages une seconde fois. Quel con. Il rangea le téléphone, découragé par la tentation de s’y rendre en dépit de ses réticences, et accepta la bière tendue dans sa direction.
Céda vingt minutes plus tard.

today, 4:44AM –
i’ll meet you there.

— 30 mai / vicious park, southern rose trailer park
Le moteur s’éteignit aux abords de Vicious Park et le silence reprit ses droits. Un frisson glacé lui courut le long de l’échine lorsqu’un coup de vent s’engouffra sous ses vêtements humides. Il s’extirpa du pick-up et arpanta un moment les allées désertes jusqu’au skate park, où une silhouette solitaire était avachie sur un banc isolé, le reflet d’une bouteille à demi-vide luisant entre ses phalanges. Farrow. Ses traits se précisèrent à mesure qu’il avalait la distance qui le séparait de lui, et la seule façon que l’autre trouva pour l’accueillir fut de gerber à ses pieds. Remarqua-t-il seulement sa présence. « Fucking christ. » Il échappa un soupir et secoua la tête, récupéra la vodka des mains de Sid. D’une pression légère (quoique prudente, il n’oubliait qu’il avait failli se manger un poing la dernière fois qu’il l’avait pris par surprise) entre les omoplates, il attendit que l’autre recrache son dernier filet de bile avant de l’enjoindre à bouger. S’enliser là ne lui disait trop rien, moins encore dans ces conditions ; à se demander au terme de quelles errances Sidney avait atterri ici. « C’mon Sid, let’s move. » Rejouer la scène de West End ne l’amusa pas davantage que la première fois. Fondu dans des limbes inaccessibles, il marmonnait de manière inaudible, s’agitait sur son siège, échappait des relents d’acidité gastrique qui le prenaient à la gorge et atteignirent leur paroxysme lorsqu’il le tira du pick-up et le guida jusqu’au mobile-home. Dedans, rien ne traînait. Pas la moindre fringue dépassant d’un placard, des bouquins alignés comme des dominos au dessus d’une banquette, et la tasse encore posée à côté de l’évier semblait faire partie du décors. La porte cogna contre le mur lorsqu’ils trébuchèrent à l’intérieur. Si muet d’ordinaire, la vodka arrachait à Sidney des phrases sans queue ni tête qu’Alec ne prit pas la peine de décoder à mesure qu’il lui arrachait sa bouteille des mains, le débarrassait de son t-shirt, se débattait avec la boucle de sa ceinture avant de le délester de son futal — il le colla sous la douche sans ménagement, en caleçon, sous un jet d’eau faiblard. Il répondait à ses conneries en grommelant des ordres ; fous pas de l’eau partout, te casse pas la gueule en sortant. Et tout ce temps, le regard ripa sur les cicatrices et les tatouages s’étalant sur sa peau avec une avidité gauche. Un à un, ils finirent de s’imprimer sur sa rétine et soulevèrent de concert le coeur et les questions. Un jour timide perçait déjà derrière les nuages quand il laissa Sidney s’effondrer sur son lit. Il lui ôta son caleçon détrempé et l’abandonna au sol, sur le lino lardé de griffures et de tâches d’usure, au pied d’un placard. Rabattit la couverture sur lui. « Try not to puke on my bed. » Il s’attarda une seconde supplémentaire sur la silhouette amorphe plongée dans l’ombre, coula à son tour sous la douche, regarda le sable et le sel disparaître dans le siphon puis, affublé d’un short délavé, récupéra la bouteille de vodka abandonnée sur le comptoir et sortit. Dehors, enfoncé dans un siège de camping, un fond de gnôle posé à ses pieds, il sombra avant de voir le jour se lever pour de bon.
Demain. Il réfléchirait demain.

Il fut tiré de son coma avec l’impression désagréable d’être observé; au dessus de lui, le visage jovial de Kenny le matait avec insistance derrière un nuage de fumée âcre. D’une main, il balaya le sommeil qui lui séchait encore la gueule et se redressa dans une confusion pâteuse. « What the fuck Kenny.Rough night ?Huh, putain, Sidney. Il coula un regard involontaire en direction du mobile-home où, s’il ne s’était pas tiré au petit matin, il devait encore être en train de pioncer. yeah, kinda. » Son regard accrocha les fringues qu’il avait mis à sécher sur la rambarde, flottant dans la brise légère comme des fanions. Fuck. Les éléments de la veille s’assemblèrent dans un brouillard cotonneux, et un élan de panique le fit se lever, achevant de chasser définitivement sa léthargie. Kenny lui tendit une clope, qu’il cala volontiers entre ses dents. Paré d’une fausse désinvolture, il revint à son collègue en allumant sa clope, cracha ses poumons dans la foulée : « What are you doin’ here ?You’re not answering your phone, called you five times this morning.What time is it ? » Kenny jeta son mégot par delà la terrasse, et Alec serra les dents en retenant une remarque. Connard. « Almost two.Fuck. » Dans la débâcle de la veille, mettre un réveil lui était sorti de la tête — ou la raison pour laquelle il aurait dû en mettre un : il bossait, un samedi après-midi sur deux. « I can take you to work if you want. By the way, do you still have my-Hey wait, don’t » qu’il fit précipitamment en le voyant amorcer un pas en direction de la porte du mobile-home ; il pinça les lèvres. Kenny haussa un sourcil, main figée sur la poignée. « It’s a mess. (sans déconner.) You need something?Yeah, no, while I’m here, I thought I could get my fishing rod back. The one you took from me without permission last month, you know. » Un bref hochement de tête. Il posa sa cigarette dans un pot de fleurs — rien que des tiges cramées par le soleil. « Alright yeah, stay here. »
Farrow n’était pas parti. Une jambe nue dépassait des couvertures et, remontant jusqu’à une paire de billes bien éveillées, Alec lui fit signe de la fermer avant de récupérer la canne à pêche planquée sous le lit, entre deux caisses renfermant quelques maigres souvenirs datant d’avant Savannah. Ressortit aussi sec en claquant la porte derrière lui, tendit sa canne à Kenny, et pria pour qu’il se tire sans tarder. Dieu savait ce qu’il pouvait être collant, parfois, et s’il s’en accommodait bien d’ordinaire, il n’avait aucune envie de le voir traîner — pas avec Sidney rôdant dans les parages. « All good ?All good. Should we go then?Actually man, I huh- I think I’m gonna be late. You can tell Josh to cut me off of an hour, I have shit to take care of first. » Kenny haussa les épaules et esquissa un signe de la main en amorçant le trajet de retour vers son tacot merdique, garé quelques mètres plus loin. « As you wish, boy. See ya. »

La machine à café se mit en branle dans un crachotement caractéristique. Il ouvrit les fenêtres, sortit deux tasses d’un placard ainsi que le premier t-shirt qui lui tomba sous la main, qu’il lança à Farrow avec un jogging. Pas un son ne franchit ses lèvres, quand bien même lui jetait-il des oeillades à la dérobée. « I’ll be outside. Tylenol above the kitchen sink if you need. » finit-il par lâcher, une retenue inusitée modulant son ton.
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Sidney Farrow
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MessageSujet: Re: take another story, take another frame (acid#2)   take another story, take another frame (acid#2) EmptyDim 16 Aoû - 16:16

I think I've reached that point Where giving up and going on Are both the same dead end to me

« C’mon Sid, let’s move. » Il y avait quelque chose de rassurant, à entendre cette voix pourtant lasse. Dans d’autres circonstances, il aurait décelé l’agacement perceptible du comparse, mais à cette heure avancée de la nuit, bien trop entamé, il se détacha de lui-même, se réfugia dans son brouillard. « Where to? » Alec s’abstint de répondre. Son corps ne lui appartenait plus, et il se retrouva debout sans comprendre comment – ça s’enchaînait. Des pas gauches, son menton heurtant l’épaule du voisin, des paroles inintelligibles, une ceinture qu’on tire, la route, les notes faiblardes s’échappant de la radio, et la fraîcheur de la vitre contre sa tempe. « I’m so fucked-up… » il échappa dans un souffle. (Tu parles d’un constat.) Il cherchait l’ivresse pour renouer avec ces sensations-là – se vider le crâne, oublier les vieilles blessures, et son prénom aussi, s’il abusait suffisamment. Une vie entière momentanément effacée, à l’instar d’une vague léchant du sable le passage d’âmes errantes. Il s’accrocha autant à la bouteille de vodka qu’au cou d’Alec quand ce dernier l’extirpa de sa caisse – et le rattrapa de justesse avant qu’il ne s’étale de tout son long sur les marches de la terrasse. La tête lui tournait. « Hey, gimme that, » il essaya, sans ardeur ni succès, de récupérer le cadavre de verre mais sa charpente imbibée de vodka limitait ses mouvements. Un abruti, un putain d’abruti pas fichu de se remémorer quoique ce soit. Titubant, communiquant seulement en grognements incompréhensibles. Les neurones en vadrouille, il tenta laborieusement de virer les mains d’Alec de son froc, « Don’t fucking touch me— » Il eut beau protester, l’autre parvint à le flanquer sous un jet d’eau et il manqua de se casser la figure (ou de les entraîner ensemble dans une chute grotesque). « Please, don’t— » La voix se serait presque brisée, si le tabac n’avait pas déjà enraillé ses cordes vocales. Il avala de la flotte, bredouilla quelque chose, dégage, laisse-moi, dégage putain, mais l’alcool bas-de-gamme avait néantisé ses velléités de résistance. Acceptant enfin sa défaite, il cessa de gigoter, somnolent, ne remarqua sûrement pas que ses pieds se décollèrent du sol ou que son dos rencontra un matelas. Il se recroquevilla sous une couverture, en remonta les pans jusqu’à son menton, et sombra aussitôt, non sans troubler cette quiétude étrange d’une série de marmottements décousus.

(Sous les paupières closes secouées dansent des images et résonnent des plaintes qu’il croyait avoir enfermées à double-tour dans les tréfonds de son inconscient. Ça ne s’en va jamais – et il n’est pas sûr de dormir, encore moins de se reposer : il remue, s’enferme, se replie sur lui-même au point de ne former qu’une masse de chair inerte.)
Une douleur sourde lui pourfendait le crâne. Il cilla un instant sans reconnaître les contours flous qui s’imprimaient péniblement sur sa rétine vitreuse. Une main s’écrasa contre son visage hagard. La gorge était sèche, la bouche pâteuse, les membres gourds ; une bonne gueule de bois comme on n’en fait plus, et dont on peine à se débarrasser une fois les trente-cinq berges passées. Le plafond ne ressemblait pas au sien. À l’instar des draps ou de l’oreiller de plume fiché sous sa nuque endolorie : une panique soudaine le força à se redresser sur un coude, tandis que le décor dépouillé retrouvait une certaine familiarité, et il remarqua le caleçon gisant sur le lino. Vautré en travers du lit, la couverture enroulée autour d’une jambe dénudée, il retomba mollement sur ses omoplates, et il était crevé, si crevé qu’il n’osait pas bouger. Putain, non. Il se souvenait à peine de ces dernières vingt-quatre heures – le repas, une parole de Callum, un regard de Quinn. Des bribes ne s’imbriquant qu’à moitié. Il avait un arrière-goût aigre au fond du gosier. Qu’avait-il pu dire, qu’avait-il pu faire – qu’avait-il pu initier. Des voix interrompirent le cours foutraque de ses interrogations. « Alright yeah, stay here. » Il se figea. Quelqu’un ouvrit la porte et une carrure imposante se glissa dans l’entrebâillure. Pas besoin de lui intimer quoique ce soit, le Farrow avait la chique coupée. Il essayait d’assembler les pièces manquantes, de combler un trou obscur, et un relent gastrique embarqua brutalement son myocarde au bord de ses lèvres. Alec était reparti dehors. Il entendit vaguement la fin de l’échange, « …you can tell Josh to cut me an hour off, I have shit to take care of first. » Il balança ses jambes hors du matelas et dissimula son entrejambe avec une pudeur inhabituelle – pour un type qui cumulait dix ans d’armée et cinq ans de cabane, le geste était surprenant. Des fringues tombèrent mollement sur ses cuisses. « I’ll be outside. Tylenol above the kitchen sink if you need. » Il enfila le survêtement, le t-shirt, vaguement fasciné par la machine à café – ou était-ce le flegme d’Alec. Ses phalanges se glissèrent à l’intérieur de l’anse de la tasse tiède, et il jeta une œillade autour de lui – même s’il était déjà rentré à l’intérieur du mobile-home afin de se mouiller la nuque, après des heures sous le cagnard à aligner des planches, il n’avait pas prêté attention à ce minimalisme lui rappelant sa propre piaule. L’ordre, aussi. L’idée d’être de passage. Il trouva son téléphone à côté de l’évier, quasiment déchargé, sous un paquet de Newport. Son briquet, aussi. Comme si on avait vidé ses poches. Attrapa un cachet, et les billes s’accrochèrent furtivement à quelques flacons de médocs. Du Loxapac. On lui en avait prescrit à un moment. Il referma le placard, noya la gélule dans une lampée de caféine. La lumière du jour lui crama la cornée. Il avait vissé une clope entre ses dents, s’échinait à en embraser le bout. (Reconnut ses fripes, en train de sécher sur la rambarde. Sa confusion atteignait désormais des sommets jusqu’alors inexplorés.) « I don’t want to—abuser d’une bonté et d’une hospitalité qu’il n’était pas sûr de mériter. A friend’s gonna pick me up. I’ll just get my stuff, » il dit sans assurance, avant d’avaler une gorgée brûlante. Ce “did we—” lui brûlait les lèvres. La question le trahirait – et le possible « of course not » l’effrayait davantage que la formulation même d’une suggestion chevrotante. L’aveu d’une vie tenait à deux mots – did we. Il posa la tasse l’évier, fourra ses affaires au fond d’une poche et ramassa les vêtements quasi secs (oublia le calbut). La boule de fringues sous son bras était aussi absurde que sa dégaine ensuquée. « Talk to you later. »

Il envoya un message laconique à Jackson, qui avait lâché un « fucking Thunderbolt?! » en guise de réponse, et lorsqu’il jugea avoir creusé une distance raisonnable avec le trailer park, il amarra ses fesses au rebord d’un trottoir, alluma sa dernière cigarette.  
Un bref coup de klaxon le tira de ses contemplations (ou lui explosa les tympans – sa foutue veisalgie avait décuplé les sons environnants). Derrière le volant de son véhicule banalisé, Jackson arborait une mine passablement irritée et jeta un mégot par la fenêtre. « My lunchbreak is sacred, asshole, » la voiture redémarra en trombe, grilla une priorité au bout de la rue. Pas grave, il suffirait à Jax d’agiter son insigne sous le nez d’un collègue en uniforme en aboyant qu’il se rendait sur une scène de crime, comme d’habitude. Le morne décor de Southern Rose ne formait plus qu’une tache abstraite dans le rétroviseur extérieur. « What the fuck were you doing in that shithole? (Il se heurta à un mutisme gêné.) Was it Janine? (Rien.) Did you guys do meth again? » Il avait oublié qu’à quelques caravanes de là vivaient de vieilles connaissances dont il n’avait plus de nouvelles depuis son passage derrière les barreaux – et c’était une bonne chose, qu’il n’ait pas songé à remettre les pieds au trailer park. Il ne cherchait plus de cristal ou de cocaïne, dépendant de ce qu’il était en mesure de trouver. Parfois, il avait de la chance : le mec de Janine ramenait régulièrement de la came d’Atlanta et la revendait à des prix défiant la concurrence, bien que la qualité médiocre du produit ne valût certainement pas la moitié de la somme réclamée. À une époque, Sid s’enfilait tout ce qui lui passait sous le nez, jusqu’à pisser du sang par les narines. Il continuait de fumer ou de taper quelques lignes si d’aventure un pochon lui tombait dans les mains – encore une cure de désintoxication que l’État regretterait d’avoir financée. L’inspecteur avisa le tas de fringues froissées entre ses mains. « Are those clothes? » Le ton changea. Désormais moqueur, faussement complice, il lâcha un ricanement graveleux que son passager ignora. « Is it a ride of shame situation? » Il insistait, ce con. Sid n’était même pas sûr de la réponse (cinglante ou non) à offrir, et il aurait démenti avec véhémence si un doute ne sommeillait pas dans un coin de son crâne. Il haussa une épaule, sans être capable de l’envoyer chier – parce que Jax, aussi impudent puisse-t-il être, était l’un des rares proches de son entourage à témoigner d’un tant soit peu de tolérance à son égard. Il n’allait certes pas l’accompagner à une Pride Parade de sitôt, mais il était au courant et c’était déjà assez. « I swear to God, you’re a fucking mess, » il marmonna, en fourrageant le vide-poches à la recherche d’un paquet de clopes. Le feu passa au vert, et Jax perdait patience, regarde dans la boîte à gants, où sont ces cigarettes, merde, j’en ai racheté ce matin. Derrière, le conducteur les klaxonna sèchement, portant à son comble l’exaspération bruyante du condé. « I’m a cop, asshole! I’ll move when I want to move! » Il brailla par-dessus la vitre baissée. Les jointures abîmées de Sid blanchissaient, et il continua de serrer le tissu humide comme s’il s’agissait d’une ancre.

– 3 juin / west savannah, highland park
« Get rid of ‘em. Your bitch’s enough. »
Le lendemain de la pleine lune, il avait retrouvé le cadavre d’un des chiens de son chenil improvisé, au fond du jardin. Laissé là, la gueule grande ouverte. Un pitbull terrier d’environ trois ans, recueilli quelques jours à peine après sa sortie de prison, pendant l’un de ses joggings matinaux. Il errait parmi un tas d’ordures, rachitique. Un rien caractériel lorsqu’il se sentait menacé, mais il n’avait jamais causé le moindre esclandre avec les quatre autres. Callum lui avait tiré une balle dans la tête la nuit passée, fatigué de l’entendre aboyer. Devant la clôture d’appoint qu’il avait montée l’hiver dernier, Sid fixait les clébards apeurés, veillant le corps sans vie d’un camarade injustement sacrifié, et ouvrit une barrière. Il contempla longuement le pauvre clébard étendu par terre sans être capable d’esquisser le moindre mouvement. Il se tenait juste là, près du grillage, les bras ballants, tandis que les plus jeunes des cabots cherchaient du réconfort entre ses mollets. Il avait une affection étrange pour les chiens – peu importaient leur race, leur âge, leur caractère, les pattes cassées ou manquantes, les oreilles abîmées ou grignotées, les museaux écrasés ou prononcés. Sid faisait montre d’une tendresse inhabituelle à leur égard, de celle que le commun des mortels ne connaîtrait sans doute jamais. Il enroula le cadavre dans un sac poubelle et l’enterra plus loin, à la lisière du terrain voisin, en écoutant distraitement Lou Reed. Personne ne dirait quoique ce soit : Callum avait récupéré ses droits, son trône, son royaume délabré. Il était libre de buter ce qu’il voulait – les Farrow obéissaient seulement à leurs lois, et aucun agent de probation ou restrictions à la con ne seraient à même d’amender leur code de conduite. On s’en foutait des chiens de Sid. Ils aboyaient de jour comme de nuit, ils manquaient de saccager un jardin qu’il était le seul à entretenir, et à chaque fois qu’il les libérait de leur enclos, ils s’en allaient emmerder les voitures, le facteur, sa sœur, son frère. Il aurait pu être en colère. Il aurait pu s’engouffrer à l’intérieur et transformer les molaires de son père en dés à jouer. Il aurait pu chialer sur la dépouille d’un clebs. Et rien. Il boucha le trou, rangea la pelle, remplit les gamelles avant de s’asseoir sur une chaise défoncée, une petite enceinte à ses pieds. Il clopa longtemps, les yeux rivés sur une flaque de sang séché. Tout gamin, Sid avait des idées noires. Il ne les comprenait pas – il savait juste qu’il n’était pas heureux, et qu’il ne le serait jamais vraiment. Il y avait eu des moments de grâce : la piscine improvisée à l’arrière du truck de son oncle, les soirées à gratter les cordes d’une guitare sous le porche, les après-midis à lanterner au-delà du quartier. Peut-être même avait-il apprécié ces instants de complicité étrange entre lui et son père, quand ce dernier lui apprenait à tirer. Son faible gabarit n’encaissait pas encore les mouvements de recul, aussi Callum se plaçait-il derrière lui, l’aidait à soutenir des armes trop lourdes, lui montrait du doigt la bouteille à atteindre. Ça ne durait pas – tout ici était à la fois éphémère et pérenne.

Avery le déposa devant la façade colorée de The Humane Society for Greater Savannah. Il avait commencé un service communautaire ici, et depuis, il revenait régulièrement s’occuper des clébards abandonnés – une forme de thérapie qui lui réussissait plus ou moins. Une employée vint à leur rencontre – Stacey, si sa mémoire ne flanchait pas – et il désigna les chiens, à l’arrière du pick-up, expliquant sans ambages les raisons du pourquoi, le palpitant en vrac à l’idée de se séparer de la bande. Sid n’était pas du genre à s’éterniser ou à bavasser futilement une fois la tâche accomplie. Et aux molosses de chercher ses mains du bout de leur truffe. « Take care of ‘em, will you? » Il ne se pointa pas chez le psy. Au lieu de quoi, il s’injecta une dose d’oxy et embarqua Sadie en promenade.

– 7 juin / southern rose trailer park
« Here’s your clothes, il posa un sachet en papier kraft contenant les vêtements lavés et pliés sur une table d’appoint, washed ‘em and all. » Il avait débarqué à vélo alors que le crépuscule consumait le ciel. Mis à part quelques messages – un semblant de retour aux sources –, ils avaient vaqué à leurs occupations, et lorsque Sid s’était décidé à lui rendre ses fringues, il avait pianoté un « can i drop by » sans ponctuation. Presque péremptoire. Alec avait une sale gueule. Des mèches blondes emmêlées encadraient un visage tiré de fatigue, et il grattait un bandage couvrant une partie de sa nuque depuis son arrivée. Ne l’écoutait pas – et bientôt, à force de l’observer tripoter un morceau de gaze, Farrow échappa un soupir enflé d’irritation. « Sit your ass down, » il ordonna sèchement en tirant une chaise. Quelqu’un avait badigeonné une plaie d’un cataplasme, et s’il examina la blessure sous toutes ses coutures, il n’avait jamais rien vu de tel – des boyaux pourrissant au soleil, des jugules tranchées, même une décapitation, il avait été confronté à des saloperies qui résistaient vaillamment à l’épreuve du temps. Des tableaux mortifères dont il pouvait encore renifler les relents nauséabonds. Il retira la compresse souillée et s’empara d’un récipient où reposait une préparation – retint une remarque cassante au sujet de ces remèdes « naturels » à la con qui n’amélioraient absolument rien. Amèneraient un bref soulagement, peut-être. Ça ne remplaçait pas un joint. « Stop fidgeting damnit, » et joignant le geste à la parole, il lui immobilisa la tête avant d’appliquer un morceau de film alimentaire sur la pâte. « There you go. » Ses yeux s’étaient arrêtés à plusieurs reprises sur les lettres noires tatouées à la naissance de la nuque – « wolf ». Une piqûre de rappel. Sa main s’était attardée une seconde de trop sur l’épaule, et retomba le long de son corps. Il partit s’appuyer contre la cuisinière, ses ongles plantés dans le creux de son coude, à tel point que les jointures perdaient peu à peu leur incarnat. « I have nothing against you. » Il avait préparé son truc. Les mots et Sid, ça faisait quoi, quinze ou trente. Au moins. C’était pour ça qu’il lisait – certains étaient capables de parler à sa place. Les prunelles tombèrent sur le bout de ses pompes, « I’ll just leave it to that. » Un reniflement troubla une pause, pendant laquelle il entrouvrit plusieurs fois les lèvres sans formuler quoique ce soit. « Shit, il secoua la tête, dénoua ses bras pour appuyer ses paumes sur le rebord du meuble, it’s just, I can’t—une inspiration ne remit pas davantage d’ordre dans ses pensées. You hurting? »
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Alec Musgrave
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moonchild
MessageSujet: Re: take another story, take another frame (acid#2)   take another story, take another frame (acid#2) EmptyMar 25 Aoû - 21:21

Drive me insane, trouble is gonna come to you. One of these days and it won't be long, You'll look for me but baby I'll be gone - -

— dim. 7 juin / southern rose trailer park, thunderbolt
Une lune infernale pour un lendemain à l’avenant.
Des coulées de boue disparaissaient dans le siphon, entraînées par le jet d’eau brûlant sous lequel il s’oubliait depuis près d’une heure. Les images de la veille n’en finissaient pas de resurgir, projetées sur l’écran noir de ses paupières comme un film aux allures aussi oniriques qu’elles lui paraissaient réelles. Les sensations, surtout, persistaient. Les sons de la réserve décuplés par la nuit, l’obscurité, épaisse comme de la poi, le goût et l’odeur de l’humiliation lorsque Mira avait refermé sa gueule autour de l’encolure, le forçant à ployer jusqu’à ce que la truffe s’enfouisse dans l’humus. Elle avait moyennement apprécié son passage à West End. Lui avait fait payer son outrecuidance de la seule façon qu’elle connaissait : en sortant les crocs. Il l’avait cherché : forcer une transformation la veille de la pleine lune relevait de l’inconscience, rejouer son premier combat depuis des années dans ces conditions, sans l’appui de la meute, de la pure connerie. À plus forte raison lorsque son adversaire, lui, pouvait se targuer du soutien enragé de leurs bras droit. Qu’elle ait attendu que l’alpha soit présent pour assister à la scène, en revanche, lui restait en travers de la gorge.
Une convulsion mentale le tira de ses réflexions et lui rappela brusquement que Scott et Callie étaient toujours dans les parages; il coupa l’eau et jaillit de la douche dans un nuage de buée. Du plat de la main, il dégagea de la couche de condensation recouvrant le miroir une fenêtre suffisante pour y apercevoir son reflet. Une paire d’yeux cernés lui rendit son regard et dériva sur les blessures à vif, qu’il palpa du bout des doigts. Une décharge — il siffla entre ses dents serrées, laissa retomber sa main et prit appui sur le rebord de la vasque lorsque l’influx douloureux remonta le long de son épaule. Saloperie. Même propres, les entailles avaient une sale gueule. Certaines se confondraient bientôt parmi les autres, réduites à des lignes minces et blafardes, des boursouflures à peine perceptibles à moins d’y passer les mains. Les ecchymoses tavelant les flancs tiraient déjà vers le vert. On avait grossièrement recousu la balafre barrant l’épaule, quelque part dans les profondeurs de West End, et sous les points alignés en rangs serrés, la cicatrice commençait déjà à le démanger. Mais celle de sa nuque, qu’il n’entrevoyait que partiellement en se dévissant le cou, celle-là ne s’effacerait pas de sitôt. Les abords rougis de la morsure déchargeaient des vagues de chaleur pulsatiles et diffusaient la douleur jusqu’à l’occiput, là où une migraine sévissait déjà depuis le lever du jour. Saloperies.

« Finally, we were about to take off without a word. » Scott boucanait à l’entrée du mobile-home, une jambe agitée de soubresauts impatients tandis que Callie tournait les pages d’un livre d’un air distrait. Elle leva les yeux à son approche et se fendit d’un sourire, reposant le bouquin sur une des banquettes. « Show me. » Callie le fit tourner sur lui-même et haussa un sourcil sévère lorsqu’elle s’approcha pour regarder son cou. « Ugh. That ain’t pretty, you really should get it stitched.I’m fine. » Il n’irait pas poireauter six heures dans un service d’urgence saturé jusqu’à la glotte pour qu’on suture une plaie qui finirait de toute façon par guérir d’elle-même. « It’s gonna get infected.I said I’m fine, I’ll get it looked at if it gets bad, don’t worry. » Il cicatriserait — il cicatrisait toujours. Il se dégagea d’un mouvement brusque, s’appliqua dans la confection d’un pansement approximatif. Callie secoua ses bouclettes d’un air réprobateur. « You should’ve come with us yesterday.What did Morales say ?You don’t wanna know. » Scott se marra. « This was stupid and reckless.Leave him be, Cal. He’s a grown man. Most of the time. » Un sourire railleur, une brève tape contre la porte, et Scott amorça leur départ, un bras passé autour de l’épaule de Callie, dont la bouche pincée trahissait l’envie de poursuivre la discussion jusqu’à obtenir gain de cause. « Try to get some sleep, alright ? You really look like shit.I sure will. » (Foutaises. Il était trop crevé pour dormir.) Scott claqua un baiser sur sa tempe et ils sautèrent de la terrasse inachevée avant de disparaître derrière le mobile-home suivant d’une démarche indolente ; il suivit un instant leurs silhouettes du regard, puis plongea dans le placard au dessus de l’évier, là où il planquait une pharmacie plus vivante que le reste du mobile-home, rafla une boîte orange sur l’étagère du bas. La prescription était au nom de Paul Latimer— ce con arrivait encore à se faire prescrire un tas de merdes pour des prétextes bidons, et s’il avait probablement un alibi médical valable, les quantités prescrites couvraient amplement son prétendu trouble de l’attention tout en nourrissant l’addiction latente de ses crétins de potes. Adderall, Oxycontin, Zeldox, I have whatever you need, brother, all you have to do is ask. Le couvercle du boîtier sauta. Deux comprimés de dexedrine tombèrent dans sa paume et il les avala sans eau, effleura une dernière fois le bandage s’étalant sur sa nuque. S’arma de sa caisse à outils avant de s’abrutir sur les derniers travaux en cours de la terrasse.

Sans doute sombra-t-il brièvement, lorsque le jour déclina et qu’il planta son cul dans le fauteuil de camping, les muscles perclus de courbature et les épaules brûlées par le soleil, car les vibrations de son téléphone le tirèrent en sursaut de sa léthargie. « can i drop by » Un bref instant, la tentation de dire non le tarabusta (what for?), puis il renvoya un « sure » aussi éloquent que les messages de son interlocuteur.

« Here’s your clothes, washed ‘em and all.You didn’t have to. » Sidney était plus bavard que d’ordinaire — ou bien son propre mutisme soulignait-il les rares propos de son vis-à-vis au point de le faire paraître presque loquace. Alec l’écoutait avec un intérêt oscillant de faible à inexistant, frisant la dissociation lorsqu’un mot le percutait sans qu’il n’en comprenne le sens. Ça rentrait d’un côté, sortait de l’autre, et entre les deux, rien ne s’imprimait. L’attention vacillait, mais le regard restait vif, scrutait en détail les mouvements de son vis-à-vis, certains qu’il fut capable d'anticiper à l’avance (les plus infimes de ses expressions, la place qu’occupait son corps dans l’espace restreint du mobile-home, trahissant les jours passer à l’observer, à se faire à sa présence), quand bien même ne vit-il pas venir l’ordre qui claqua dans l’air. « Sit your ass down, » Sans préavis, l’autre le poussa sur une chaise et inspecta la plaie ; il étouffa la thrène qui lui remonta le long du gosier lorsque la gaze empesée de sang coagulé se détacha péniblement de la chair. Une main se posa sur son épaule et raviva une douleur sourde; son recul involontaire fut stoppé net par une poigne ferme. « Ouch. Careful, shoulder-Stop fidgeting damnit, » Les paumes pressées contre ses paupières, il peina à rester passif lorsque Farrow entreprit de tartiner une couche épaisse de l'onguent infâme que Javi avait déposé devant sa porte — cette merde puait le camphre et la citronnelle et brûlait plus qu’une gonorrhée, ne pouvait se revendiquer d’autre efficacité que celle que l’on voulait bien lui accorder, mais ils ne cessaient d’y avoir recours au moindre bobo. « There you go. » Une nuée de phosphènes s’attarda sur ses rétines lorsqu’il se redressa, une main explorant prudemment le pansement neuf. Le cellophane plissa sous ses doigts et il secoua la tête. « This shit won’t hold, » (Était-ce trop demandé de se fendre d’un remerciement.) « I have nothing against you. » Il accrocha prudemment le regard de Farrow, dont les phalanges crispées pâlissaient à vue d’oeil. Fronça les sourcils. « I’ll just leave it to that. » Qu’est-ce qu’il lui chantait, putain ? « What do you mean? » L’autre parut lutter pour trouver ses mots, tandis qu’il le détaillait du regard sans comprendre — trébucha sur la fin. « Shit, it’s just, I can’t— You hurting? » Rien ne lui vint, dans un premier temps, si ce n’était la dispersion rapide des dernières bribes de sa patience, atomisée par la fatigue qui lui sciait les jambes. Il se releva, s’avança à la hauteur de Farrow et ouvrit le placard pour la troisième fois de la journée. « Mind your head, » Il fouilla un instant, dégagea du fond du bordel une boîte d’oxy à demi-vide, goba trois cachetons comme de vulgaires cacahuètes et les laissa fondre contre ses joues. Referma le placard sans précaution. La hanche en appui contre le plan de cuisine, il sonda du regard le profil anguleux, dont les mâchoires se contractaient par intermittence sous l’assaut d’il ne savait quelle lutte interne. L’observation de ses spasmes mutiques l’irritèrent et il s’en détourna, triturant le couvercle de la boîte d’oxy. Les restes de dexedrine maintenant encore le système en éveil commençaient à s’estomper et la descente, quoique discrète, paracheva un profond sentiment de frustration à son égard. « What am I supposed to say ? Thanks for tolerating me ? » Le ton était volontairement cassant ; il perdait de vue sa résilience habituelle, et il n’y eut pas que l’oxy pour imprégner les muqueuses d’une amertume à gerber. Quoi que Farrow ait pensé exprimer avec ces paroles confuses, l’humeur n’était pas aux confessions nébuleuses. L’humeur, en fait, frôlait des profondeurs pélagiennes. « Fuck. I know you have nothing against me, and that’s basically the only thing I know about all this, you see. » finit-il par laisser tomber. L’aveu -car c’en était un- lui écorcha les lèvres, car quoi qu’elles fussent vraiment, il se laisserait bientôt submerger par le poids de ses attentes (déraisonnables, et foutrement vaines). « So you can’t just leave it to that, man. » Il secoua la tête, accrocha d’un regard la cicatrice scindant le menton de son vis-à-vis — s’y attarda un instant de trop, et quelque chose déglingua le mécanisme de ses pensées. Un élan réprimé de justesse et Alec détournait les yeux. « Nevermind. Full moon was rough, yesterday, d’un geste, il désigna le cataplasme — and I’m fucking knackered. » Lui avait-il jamais témoigné une telle réserve ? Il le congédiait sans cérémonie et n’en éprouvait qu’une vague culpabilité, vaincu par l’envie de retourner à sa claustration morose, quand bien même se fustigerait-il de l’avoir fait, une fois seul. Une main lasse balaya son visage. « Come get me when you’re ready to talk. If you ever are. »

— sam. 13 juin / west savannah
Ce n’était pas le même liquor store que celui dans lequel ils s’étaient arrêtés avec Sid, mais le parallèle aurait eu de quoi faire sourire si le démêlé qui éclata aux abords de Savannah n’avait pas remué tant de merde. (Sid, qu’il n’avait entraperçu qu’au détour d’une ruelle du centre ville quelques jours plus tôt, mais qu’il s’était bien gardé d'accoster, refroidi par l'absence de réaction depuis l’échange de la dernière fois. Encore un de ses foutus silences, et il regrettait, il regrettait, putain. Que Farrow se soit pointé au lendemain de cette pleine lune foireuse pour sortir de nulle part quelques paroles dont il ne saisissait toujours pas le sens, qu’il n’ait pas été foutu de répondre autrement qu’en dévoilant les dents, poussé par une frustration que cette distance soudaine ne faisait que renforcer. Quel con putain, quel con. Il ne s’était pas fendu d’un message pour autant, partagé entre l’envie d’oublier ces conneries et l’espoir couillon qu’avec le temps, les choses reviendraient à la normale — si normale il y avait.)
Un énième samedi soir dans le schéma protéiforme de leurs soirées. Ils ne faisaient qu’un saut avant de rejoindre Sacha qui, il s’en était vanté toute la matinée, avait dégoté un volcano qu’il crevait d’essayer. Scott était resté planté sur le trottoir et donnait son avis à travers la vitre sans cesser de gueuler dans son téléphone, en désignant les bouteilles qu’Alec lui montrait depuis l’intérieur — this one, no vodka you fucker, and buy some Cheetos, the big one. Les néons du store lui explosait les rétines, et il n’arrêtait pas de se frotter les yeux, maintenant un équilibre bancal dans les victuailles que le tenancier se mit à fourrer sans ménagement dans des sacs en kraft à mesure qu’il les lui passait par dessus la caisse. « Anything else ?Huh yeah, you can add a strawberry milkshake. » Le type lui tourna le dos et actionna le levier d’un engin à turbine brassant à l’infini une mixture d’un rose chimique dégueulasse. Dehors, Scott avait raccroché et s’était appuyé contre la devanture, la tête planquée sous une capuche délavée, semblait converser avec deux types qu’Alec ne replaça pas. La machine crachotta et on lui annonça un prix exorbitant (quarante-sept putain de dollars pour deux bouteilles, un pack de mousse et des cheetos ? sérieusement ?) qu’il régla en retenant une remarque acerbe. On lui tendit le ticket et le milkshake au moment où la vitre de la façade tremblait violemment sous l’assaut d’une impulsion extérieure. Un kiosque à journaux se cassa la gueule et répandit son contenu sur le sol carrelé. Des éclats de voix, un bruit de verre brisé. Scott s’était fait prendre au collet par le plus vieux des caïds, dont le visage buriné, si proche de celui de Scott que leurs nezs se touchaient presque, s’était froissé en une expression haineuse. « What the- » Alec bondit hors du store sans comprendre. Saisit vaguement la fin d’une menace sifflée entre deux mâchoires serrées. « ...careful boy, if you do know who I am, then you do know what I could do to you too.Hey, hey, back off, what the hell do you think you’re doing ? Let go off him, » Le sac tomba à ses pieds dans un tintement de verre et il écarta l’autre d’une poussée mesurée, appuyé par le second type (la trentaine bien entamée, une gueule de fuckboy désabusé qu’Alec passa en revue d’une oeillade brève et désintéressée, il se tenait en retrait avec l’air de regarder une scène revisitée trop de fois pour capter sa pleine attention). On le toisa de la tête aux pieds avec une expression de franche répulsion qui, à elle seule, tira la sonnette d’alarme. Pas la moindre idée de l’origine de ce bordel, mais le regard de l’autre raviva une méfiance tapie dans les entrailles et laissée à l’abandon depuis son arrivée à Savannah. L’humain recula d’un pas, rictus condescendant barrant la joue. « Are you the crazy puppy’s master ? ‘Cause he’s rather undisciplined, you should put him on a leash. Just some friendly advice. » Proprement sidéré, Alec toisa leur vis-à-vis, le corps réduit à une contracture généralisée sous la tension qui imprégnait l’atmosphère au point de la rendre presque palpable. Les phalanges blanchirent dangereusement autour du milkshake. « The fuck did you just say ?Unless you’re of ‘em too ? Yeah, I can see you are. » Scott cracha à ses pieds et s’avança d’un pas, index menaçant pointé sous le nez du bonhomme qui, l’épine dorsale dressée dans une posture militaire, s’alluma une clope dans le plus grand des calmes. « One more word and I’m gonna knock your teeth down your throat, Farrow (Farrow ?) — You don’t want to go this way, dickhead. Pa’, knock it off, let’s go. » Difficile d’ignorer l’éclat réjoui luisant au fond des pupilles de l’aîné lorsqu’il poursuivit : « You know what I use to do with barking dogs ? I muzzle them. And when it doesn’t work, I get rid of ‘em and ditch ‘em down a mass grave, where you all belong. » L’instant se suspendit; ils accueillirent les propos dans un sursis estomaqué avant que, là-haut, un krach synaptique généralisé éteigne toutes les lumières de concert, ne laissant que la lueur fébrile d’une haine vibrante, si consistante qu’elle éclipsa tout le reste. Une gerbe de milkshake fondu noya le rictus moqueur de Farrow père, et le liquide rose vif vira vermeil lorsqu’un crochet du droit lui fit ravaler ses propos. Des os -il ne sut dire lesquels- craquèrent sous ses phalanges, un enchevêtrement de membres percutèrent le sol dans une offensive violente que ni Scott, ni lui, n’aurait eu la présence d'esprit d’arrêter si le gérant du store n’avait pas jailli hors de la boutique et tiré en l’air avant de pointer le canon de son fusil sur eux : « Everybody calm the fuck down and get the hell out of here or I’m calling the BCC, is that clear ? »

Assis sur le trottoir, les paupières closes, Scott pissait le sang par le nez et tamponnait vaille que vaille l’hémorragie avec la manche de son sweat, imbibé jusqu’au coude. De sommaires réponses tombaient de ses lèvres tuméfiées en réaction aux invectives qu'il crachait depuis un quart d'heure sans arriver à tempérer la houle faisant rage entre ses tempes. « I know man, I fucked up. I saw him and I don’t know, I just… couldn’t help myself.You’re a fucking headcase. If you don’t get us killed by the end of the year, it’ll be a hell of a miracle. » Il tourna les talons et s'éloigna à grandes enjambées, n’entendit pas les derniers propos de Scott, marmonnés d’une voix pâteuse. Qu’il aille bien se faire foutre. D’une main fébrile, il tira son portable de sa poche.
Today, 10:10 pm -
Are you working tonight ?
I need to talk to you. Shit happened.


Dernière édition par Alec Musgrave le Jeu 5 Nov - 21:10, édité 1 fois
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Sidney Farrow
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MessageSujet: Re: take another story, take another frame (acid#2)   take another story, take another frame (acid#2) EmptySam 12 Sep - 16:51

Sometimes I get the feelin' I'm lost, Just hidin' it is never enough, Now I find in every mirror a ghost, Only once I saw the killer

Dans son champ périphérique, il devinait le regard insistant d’Alec braqué sur lui – se sentait crouler sous le poids de son exaspération justifiée. Fébrile, il accusa les reproches, ne chercha pas à défendre sa cause. Il n’était pas plus sage – simplement désabusé. Bouffé par la solitude et les échecs d’une vie foirée. Mais aurait-il accepté d’entendre ce plaidoyer cousu de fil blanc, dans lequel il s’embourberait, justifiant de mauvaise foi ses écarts passés, sa haine criblée de questions, sa profonde intolérance, prêt à jeter le blâme sur ses aînés plutôt qu’accepter de porter la croix de ses fautes. (Il n’oserait pas, car l’espoir de trouver un semblant de compassion chez la seule personne qui lui inspirait un tant soit peu confiance s’amenuisait.) « What am I supposed to say ? Thanks for tolerating me ? » Peut-être. Sid baissa la tête, ferma les yeux. « It’s not–Fuck. I know you have nothing against me, and that’s basically the only thing I know about all this, you see. » Un coup d’œil timide érafla le profil de son vis-à-vis. Une parole – une question – manqua de lui tomber du gosier. L’envie de renchérir à son tour, qu’est-ce que t’es en train de dire. « So you can’t just leave it to that, man. » Ce dialogue, supposément entre deux potes (l’étaient-ils) en désaccord, prenait une tournure étrange, aussi jugea-t-il bon de couper court au non-échange. « Nevermind. Full moon was rough, yesterday, and I’m fucking knackered. » Il réagit à peine à la mention de la pleine lune, et comprit, sans que l’autre eût besoin de l’expliciter davantage, que sa présence était de trop. « Come get me when you’re ready to talk. If you ever are. » Un silence. Il se détacha du plan de travail, resta planté sur ses pieds pendant une seconde qui lui parut interminable, lâcha un « right » déconfit, mais finit par recouvrir ses esprits lorsque sa main s’écrasa sur la poignée de la porte. Sa silhouette s’enfonça dans la moiteur ambiante d’une fin de journée, cueilli par la rumeur des stridulations de cigales et d’une discussion animée, à quelques trailers de là. La banalité affligeante de cette entrevue lui pesait sur l’estomac. Ces conversations ne ressemblaient guère aux conneries dévidées par ses proches, encore moins aux banalités échangées avec sa famille – elles se calquaient sur des souvenirs claquemurés dans un coin inatteignable de son encéphale, et parfois des fragments de réminiscences s’échappaient d’une brèche infime, des morceaux de dialogues brumeux se rappelaient à lui, souvent à sens unique, lorsque Wayne perdait patience, le reluquait de sa paire de billes dépassées – come back when you’re done being an asshole.
Alec n’était pas un ami.
Il le savait – s’entêtait à ignorer cette langueur qui lui comprimait le myocarde à chaque fois qu’une notification apparaissait sur son écran, le soulagement étrange qu’une poignée de mots disséminait en lui, l’espèce de sourire imbécile tiraillant ses commissures, gauchement retenu par une pudeur trouvant ses fondements dans une honte indicible. La hâte de lire, ou relire, d’apprendre par cœur une pauvre ligne sans importance, de se préparer à répondre oui à tout ce qu’il proposerait. Alec n’était pas un ami – à plusieurs reprises, il avait résisté alors qu’il aurait absolument tout sacrifié pour lâcher prise, ne serait-ce qu’une seconde, sans cesse poursuivi par ce regard où ne flottait ni dégoût ni aversion, sinon parfois une incompréhension somme toute légitime, et se haïssait un peu plus chaque jour d’avoir donné suite à cette saloperie de texto. Avant de se hisser sur la selle du vélo, il glissa un œil par-dessus son épaule, louchant vers la fenêtre derrière laquelle il distingua un lointain mouvement.

– 12 juin, savannah veterinary medical center
« She still loves walking but she gets tired easily. » Le véto examinait attentivement les jarrets de Sadie. La chienne échappa un gémissement et tenta de bouger sa patte arrière, stoppée dans son élan par la poigne ferme de son maître. « Her joints are hurting, » commenta le type en se redressant, « might be arthritis, which is common for a dog her age. I’m gonna give you some anti-inflammatory pain relievers, we’ll see if it helps.Then what? » L’agressivité du ton ne désarçonna pas le toubib, qui ôta ses lunettes du nez pour les glisser à l’intérieur d’une poche, « she’s getting old, Sidney. » Difficile d’occulter une vérité dont lui-même avait conscience, à mesure que la chienne fatiguait sur leurs trajets habituels ou peinait à monter les escaliers, moins aventureuse, souvent couchée dans un coin d’ombre ou sur son couffin. Il entendit que des examens supplémentaires seraient nécessaires – vision, ouïe, denture, troubles divers et variés, afin de déterminer s’il y avait autre chose à craindre. « But she’s doing better than other dogs, » que le vétérinaire ajouta, sans que cette parole de réconfort n’atteigne le Farrow. Il récupéra l’ordonnance avant de rattacher une laisse au collier de Sadie. Une fois dehors, il s’échoua sur un bord de trottoir – si c’en était un –, à côté du parking, alluma une cigarette et déplia le papier, sans comprendre la moitié des conneries qui y étaient tapées noir sur blanc. Ça coûterait une blinde, bien sûr. Et maintenant que Callum hantait les recoins de cette foutue baraque, il appréhendait un deuxième « accident ». L’appartement de Kitty ne conviendrait pas à une chienne de son gabarit – à dire vrai, le seul endroit à même d’accueillir le Rottweiler était, à son grand désarroi, le trou d’Alec.
Il ignora pourquoi il y songea immédiatement. Ni pourquoi il considéra cette idée saugrenue de lui demander de veiller sur le clebs, le temps qu’il trouve une solution. Ils ne s’étaient pas reparlés depuis l’autre jour – et il y avait un manque douloureux, au fond du bide. Il glissa une main sur le pelage sombre de Sadie, lui adressa un sourire navré, « let’s get going ».

– 16 juin, west savannah
Le remue-ménage du rez-de-chaussée le tira des vapes. Vautré à plat ventre sur son matelas déglingué, il zonait parmi ses playlists, les paupières tombantes, et sombrait parfois, quelques minutes à peine, réveillé par un changement de chanson. La porte de l’entrée s’était brutalement refermée sur un appel enragé, et sous ses pieds, le plancher avait tremblé. Il retira un écouteur d’une oreille, tandis que Sadie promenait sa truffe contre le bas de sa porte – songeant d’abord à ignorer ce vacarme, sa curiosité l’emporta quand des éclats de voix indistincts s’élevèrent en bas. Sans prendre la peine d’enfiler quoique ce soit sur le dos, il descendit les escaliers grinçants, sa sale gueule encore froissée de sommeil, s’arrêta sur le pas de la porte de la cuisine où se pressait une assemblée foutraque, avant de croiser l’expression neutre (quoique vaguement défaite) de Quinn, un sachet de légumes congelés pressé contre son œil enflé, et surtout – son père, couvert d’un épais liquide rose, séché par endroit. Une franche incrédulité chassa la fatigue de sa figure, à l’instar de Jean, dont les yeux écarquillés et la bouche bée parachevaient sa ressemblance frappante avec un hareng mort. « What the fuck happened? » Callum lui adressa une œillade assassine. « Some goddamn dogs happened, il répliqua sèchement, comme s’il avait manqué un indice flagrant. Jean, you going to hurry up with that fucking first aid kit or what?I can’t find it!Under the sink of the bathroom, Ma’. » Quelque chose tomba dans la salle de bain. Sa mère reparut triomphante, une petite trousse à pharmacie sous le bras, et s’attela à examiner la blessure (les ?) du pater, avachi sur l’une des chaises de la cuisine. Deux traînées de sang s’échappaient de ses narines. Sid tira Quinn par la manche de son sweatshirt et l’entraîna dans l’entrée, à l’abri des œillades furibondes de Callum s’épongeant la face avec un torchon sale. « What happened?Same old shit. Pa’ and that dog got into an argument and I don’t know, some asshole threw a milkshake at us. » Son frère n’en avait rien à foutre – et il se retenait vaille que vaille de secouer ce petit con par les épaules. Il ne voulait pas que les cabots repèrent Quinn ou l’assimilent aux faits d’armes familiaux, mais force était de constater que leur père avait décidé de le hisser au rang de lieutenant. « He didn’t shoot anyone, if that’s what you’re wondering, » marmonna distraitement le frangin. Les billes rougies de Sid s’attardèrent un instant sur l’ombre de la matriarche, puis tombèrent sur ses pieds nus. Un poing arrimé à la hanche, il se mordillait la lèvre inférieure tandis que la tension amassée au creux de ses épaules vrillait désormais les muscles de sa nuque. La donne avait changé – le stoïcisme dont il faisait montre à l’égard de cette rixe était plus inquiétant qu’insolite, ou se réfugiait-il derrière son épuisement. Quelques années auparavant, il aurait attrapé la première arme traînant dans les parages et se serait installé derrière le volant de son truck cahotant afin de rétablir le respect qui était dû aux siens. Il ne se serait pas interrogé sur le pourquoi ou le comment, sur le bien ou le mal, n’aurait pas tergiversé des heures durant : il aurait vengé l’honneur d’un Farrow par pure connerie.
Quinn lui avait tourné le dos. Il suivit sa silhouette disparaître dans la nuit, l’ongle de son pouce entre les dents, avant de rebrousser chemin vers la cuisine. « Those fucking dogs. They’re begging for a war and they’re gonna get it. Fucking tired of seeing them walking down the streets as if they own them.Might not be the best idea right now, » murmura-t-il en examinant la figure ravinée de Callum. « What do—son père se redressa, plus ou moins débarbouillé, un coton bouchant une cavité nasale. Nevermind. We’ll talk later. »  
Sid coinça une cibiche entre ses dents, s’octroyant une excuse qui n’en était pas une pour rejoindre Quinn sous le porche et lui taxer son briquet – un geste futile en apparence mais curieusement lourd de sens entre deux frangins ne partageant plus rien sinon l’angoisse des foudres paternelles. Le Bic passa d’une main à l’autre dans un silence absolu, seulement interrompu par la rumeur d’une conversation agitée à l’intérieur de la baraque – Callum gueulait tour à tour au téléphone et sur Jean, à qui il ordonnait de la mettre en veilleuse. « You alright? » Il lâcha, sans parvenir à capter l’attention du cadet, accoudé à la rambarde. Ils restèrent là cinq bonnes minutes, à fixer le chenil vide, sans échanger la moindre parole. Il fut le premier à abdiquer en rentrant à l’intérieur, et chemina vers sa piaule d’un pas lourd, faisant fi des querelles parentales. Sa chienne s’était endormie sur son lit, et il récupéra son téléphone, écrasé sous l’une de ses pattes, décidé à l’éteindre. Il retira le jack de ses écouteurs, scanna la table dressée sous la fenêtre à la recherche de son chargeur, avant de remarquer la notification sur l’écran éclairé.
today, 10:10 pm -
Are you working tonight ?
I need to talk to you. Shit happened.

Évidemment.
Il n’essaya même pas de se convaincre qu’il s’agissait d’un hasard malheureux.
today, 11:43pm -
@ ur place in 15.

Il ne pesa ni le pour ni le contre. Le réflexe dépassa sa pensée, et à peine l’idée formée, les doigts couraient déjà sur le clavier tactile. Merde. Il enfila un t-shirt (à défaut de troquer son bas de survêt dégueulasse contre un jogging en meilleur état), enfonça une casquette sur son crâne et embarqua à la va-vite un paquet de clopes. Au rez-de-chaussée, il croisa à nouveau Quinn, « where you goin’? » il entendit. Pendant un instant, il crut saisir un soupçon d’inquiétude, sans doute parce que ce n’était jamais bon signe de le voir se volatiliser après de telles circonstances. D’autant plus que se dessinaient, logé au creux des reins, les contours d’un Ruger jusqu’alors précieusement conservé dans un tiroir du chevet. « Your keys, il ordonna, la paume tendue sous le nez du frangin. – Shit, what— – Give me your fucking keys, Quinn. » Celui-ci obtempéra de mauvaise grâce et délogea un trousseau de clés de sa poche qui fut lui arraché des doigts sans ambages. Il traversa l’allée à grandes enjambées, l’esprit ailleurs – incapable de savoir contre qui il souhaitait diriger sa rage. Était-ce l’outrecuidance des cabots, l’opiniâtreté de sa famille, sa propre connerie – sur le siège conducteur, il s’immobilisa. Le tacot de son frère empestait le tabac froid, le parfum bas-de-gamme ; des cheveux blonds pendaient à l’appui-tête passager. Les pneus crissèrent sur le gravier alors que la voiture reculait brutalement, menaçant de planter la barrière de fortune érigé par leur connard de voisin, et prit la direction de Thunderbolt sans apercevoir Callum assister à ce départ soudain, un rictus goguenard lui barrant le visage.

Six ans qu’il n’avait pas conduit. Nerveux et impatient, il emmerdait son vélo, la loi, son agent de probation, le juge, la terre entière, redécouvrait la route, le pied fiché sur l’accélérateur.
(S’il avait eu les couilles, il aurait tourné à gauche plutôt qu’à droite – se serait barré de cette ville.)

« You gonna get yourself killed, » il siffla comme une admonestation de mauvais goût.
Il avait posé son cul sur le capot de la bagnole et baladait son briquet entre ses doigts. Une flamme s’élevait parfois dans la nuit, passait sous sa paume, chauffait l’épiderme, disparaissait aussitôt. Les caravanes voisines étaient vides et la loupiotte suspendue près de la porte du mobile-home éclairait à peine ce conciliabule impromptu, tant et si bien que l’obscurité bouffait la moitié des traits d’Alec. Il avait débarqué avec une gueule de six pieds de long, les yeux explosés de fatigue, en claquant la portière de la caisse derrière lui, et s’il avait remarqué l’arcade sourcilière défoncée de son vis-à-vis, il s’était gardé de s’enquérir d’éventuelles autres séquelles – Dieu savait que Callum n’y allait jamais de main morte. Son âge n’affectait ni sa carrure ni la force traîtresse résidant dans ses pognes. Ils se ressemblaient, le père et l’aîné. Lorsque la lumière déclinait, les traits anguleux se confondaient jusqu’à former un seul et même visage – un être hybride dont il abhorrait croiser le reflet dans un miroir, meurtri, presque, de porter sur et en lui un tel héritage génétique. Il se souvenait d’une époque différente où il confondait le macadam de West Savannah avec le sable d’un pays ravagé par la suprématie occidentale. Il ne cherchait pas la confrontation : il la provoquait si celle-ci tardait à se mettre en travers de son chemin, imaginait des ennemis à tous les coins de rue et pourchassait des bestioles innocentes comme il aurait pointé son arme sur un soldat adverse, sans comprendre qu’il avait quitté le front et qu’il réinventait les horreurs d’un quotidien révolu chez lui. Il se souvenait de la violence grouillant au plus profond de son être, de la bombe à retardement qu’il était devenu – une grenade prête à être dégoupillée, jetée aux pieds des cabots furetant trop près de leur misérable forteresse. Il se souvenait avoir été réduit à un rôle de pion et s’en être enorgueilli, avant de comprendre que l’humain s’était substitué à une vulgaire arme. Individualité broyée afin de le couler plus aisément dans le moule d’idées reçues. Sid alluma une clope, « my cousin Randy, il ne précisa pas qu’il s’agissait du triste héros de l’incident Target, un énième épisode de leur existence passé à la trappe au nom d’une entente si fragile qu’elle menaçait d’imploser en ce moment même, he’s a dumb asshole—but my father, he’s gonna remember. » Il postillonna ses dernières paroles, ses gobilles folles s’enfonçant un peu plus dans le regard clair d’Alec. Cette loquacité nouvelle était déstabilisante pour quiconque n’était pas habitué à l’entendre décocher plus de trois mots sans observer une pause de quarante-cinq minutes. « He will come after you just ‘cause you disrespected him, and I know that better than anyone. » Il avait peur de son père, Sidney – s’effaçait devant lui. Il n’avait jamais manifesté sa désapprobation ou sa reluctance, s’interdisait de hausser le ton, de tisonner ses humeurs souvent maussades (quand il aurait pu être le seul à s’élever contre cette autorité, il avait ployé l’échine). Il n’avait rien dit pour le chien mort. Ce malaise s’entendait dans les intonations chevrotantes que prenait sa voix, dans la terreur luisant au fond de ses prunelles, dans les tremblotements de la tige coincée entre son pouce et son index. Peut-être craignait qu’il apparaisse au loin. Les lèvres exsangues, il se rongeait un ongle court. « Jesus suffering fuck, il se pinça l’arête du nez. You threw the milkshake. » L’évidence lui sauta à la gueule dès lors qu’il se remémora cet imbécile aspirant bruyamment une mixture d’un bleu criard (et douteux) par une paille en plastique. Sid se releva – certainement au bord de l’apoplexie, à mesure que les pièces du puzzle s’imbriquaient les unes dans les autres. « Is this a fucking game for you people? Pissing off a Farrow for the thrill of it? Y’all know what we can do and you still won’t fucking learn! » Il éructa, abandonnant toute contenance aux pieds de son vis-à-vis. Une veine gonflait sous sa tempe, et il avait collé son index entre les clavicules d’Alec sans réellement conscienter ce geste ou cette proximité soudaine – quelque chose sonnait faux dans la violence de ses propos. Et il s’aperçut, au beau milieu de cette logorrhée inhabituelle, qu’il avait beau retourner la situation dans tous les sens possibles et inimaginables, elle n’en demeurait pas moins dépourvue de logique. D’un échange de clope aux bières enquillées sur le comptoir d’un bar miteux, il ne mesurait pas l’absurdité de leurs discussions, encore moins des non-dits se mêlant aux effluves de tabac, comme si le poids de leurs identités respectives et de passifs se réveillant par intermittence au détour d’un regard furtif se suspendaient momentanément. « You have a target on your back now, » il était si proche de lui qu’il aurait pu compter chaque foutu follicule pileux constituant sa barbe mal rasée, et pas moyen de la fermer, ni même de contrôler les pulsions d’agressivité fourmillant à l’intérieur de son bras, ou de réaliser qu’à un moment, alors que la langue se déliait, qu’il postillonnait une impuissance se confondant avec la colère d’être à nouveau prisonnier de cet engrenage infernal, ses phalanges avaient chopé le haut du t-shirt. Parce que c’était comme ça qu’il fonctionnait, Sid. Il n’était pas venu le mettre en garde – il expectorait les menaces voilées que Callum lui avait appris à cracher à la figure des « autres », et agissait comme le nervi qu’il avait toujours été. Plutôt que le sommer de faire profil bas, il débarquait l’écume aux lèvres et les repères brouillés, sans lutter contre l’ombre malveillante du père lui collant aux basques.
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moonchild
MessageSujet: Re: take another story, take another frame (acid#2)   take another story, take another frame (acid#2) EmptyJeu 5 Nov - 17:15

Deux chauve-souris fendaient l’obscurité de leur vol saccadé, leurs stridulations aiguës inaudibles dans le tintamarre causé par une foule de grillons invisibles. Un chat tigré se cambra contre le pied d’une chaise et renifla des restes de sandwich qu’on avait semés par inadvertance, avant de suivre la trace laissée par quelque rongeur sous les fondations branlantes d’un trailer voisin — les nuisibles étaient nombreux, dans le coin, et l’on apprenait rapidement à ne pas laisser traîner les poubelles dehors une fois la nuit tombée. L’air embaumait un mélange de terre chaude et de bouffe en conserve s’échappant des fenêtres béantes des mobile-homes. Devant le sien, seule une loupiotte éclairait tant bien que mal la tôle jaunie, tavelée de creux et de bosses recouvrant la façade, certains qu’il avait causés lui-même, armé de tiges de métal ou d’un fagot de planches hérissées d’échardes. Sous l’apathie apparente, il devinait la nuit vibrer de toute part, gorgée d’une énergie renouvelée après la chaleur torpide de la journée. Une frénésie contagieuse qu’il sentait résonner jusqu’aux extrêmes limites de son système nerveux, déjà rudement éprouvé par l’échauffourée dont il venait de se tirer. Il tournait en rond. Après avoir méticuleusement répertorié la collection d’ecchymoses s’ajoutant à celles écopées au cours de la dernière pleine lune, récuré les restes de milkshake et de sang maculant ses ongles sans arriver à s’en débarrasser complètement, il sillonnait maintenant l’espace vide se dégageant à l’avant du trailer d’une démarche compulsive, inégale, rallumant l’écran de son téléphone toutes les deux minutes dans l’attente du seul signe de vie qu’on lui refusait. Les notifications tombaient pourtant en cascade, et à en croire les trois appels manqués de Paul, le sms soucieux de Callie et le thumb up goguenard de Sacha, le récit de l’altercation avec les Farrow avait déjà fait le tour du groupe. Plus qu’à ces derniers, c’était à Duggan qu’allait son ressentiment, au point d’écarter l’inquiétude primitive quant aux retombées de la soirée. Elles finiraient bien par leur péter à la gueule, et que resterait-il alors ? Il lui fallait toute sa retenue pour s’empêcher d’appeler Sidney afin de lui arracher une réaction qui tardait. Quelle qu’elle fut, elle vaudrait toujours mieux que cette attente insupportable (croyait-il).
Un léger vertige le saisit lorsqu’il buta contre une chaise, déconcentré dans sa ronde par un sms de Sid — enfin.
today, 11:43pm -
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Son cul heurta lourdement la première marche de l’escalier lorsqu’il s’y laissa tomber (un misérable empilement de parpaings) et une main brûlante vint couvrir son front moite. Il grimaça. Reposa son téléphone et tritura les bouts effilochés de la bande de gaze ceignant sa paume. Outre l’arcade, il s’était défoncé les doigts. Les articulations tumescentes, violacées de l’annulaire et de l’auriculaire trahissaient le manque d’attention avec laquelle il avait porté ses coups, aveuglé par son seul désir de faire mal, qu’importe où, qu’importe comment. Seul avait compté qui, et pourquoi, quand bien même la scène lui paraissait-elle encore trop surréaliste pour qu’il se sente capable d’y croire, et la réponse spartiate de Sidney n’y faisait pas grand chose. Il grimaça lorsqu’un mouvement étira ses côtes douloureuses et s’immobilisa, résolu à attendre, le regard perdu dans le néant, le chaos de ses pensées pour seule compagnie.

Une Ford cahotante finit par s’engager dans l’allée et on arrêta le moteur à quelques pieds du trailer, puis les phares s’éteignirent, réduisant sa silhouette aux contours dessinés par la lampe luisant au dessus de sa tête. Alec se leva, franchit les quelques mètres le séparant de Farrow, le regard sondant les ombres sans parvenir à rencontrer le sien, dissimulé sous la visière de sa casquette. « You’ve done quick- » Il n’avait pas mis un quart d’heure pour arriver. « I’ve met your dad earlier. And your brother, I guess. » Si la remarque aurait pu être légère, presque ironique, le contrecoup de leur altercation le heurta soudain trop brutalement pour qu’il ait envie d’en rire. Appuyé contre le capot de la caisse, l’autre ne parut pas l’entendre, ou l’ignora-t-il sciemment. « You gonna get yourself killed, » venant d’un type hantant les rings illégaux des loups-garous du coin, le constat aurait eu de quoi faire sourire. La lueur d’une flamme embrasa brièvement ses traits avant que les intonations se durcissent, coupant court à ses velléités d’explication. « my cousin Randy, he’s a dumb asshole—but my father, he’s gonna remember. He will come after you just ‘cause you disrespected him, and I know that better than anyone.‘Cause we were the ones scorning him, of course. » cingla-t-il, ravalant un rire sans joie. « Jesus suffering fuck, you threw the milkshake. » Son regard vacilla un instant et il se mordit la lèvre sans chercher à démentir l’accusation. L’autre perdit toute contenance dans un brusque lâcher prise qui le propulsa d’un pas en avant. La pointe d’un index furibard s’enfonça à la naissance sa gorge. « Is this a fucking game for you people? Pissing off a Farrow for the thrill of it?For the thrill of it ?Y’all know what we can do and you still won’t fucking learn! » Proprement médusé, il accrocha la lueur détraquée brasillant au fond de son regard. La présomption de ses propos le révulsait. Il se voyait relégué aux bas-fonds de la chaîne alimentaire, une humanité de seconde zone que les gens comme les Farrow regardaient du haut de leur tour de pacotille, s’appliquant à écraser leur dignité dans l’espoir de gratter en retour les dernières parcelles de celle qu’il leur restait. « You have a target on your back now, » et la pogne serrée autour de son col appuya la sommation d’une secousse mauvaise. En réaction, ses phalanges meurtries s’enroulèrent autour de son poignet dans un réflexe de sauvegarde mâtiné de défiance. Alec réduisit encore l’espace jusqu’à ne plus voir que ses yeux; deux iris étroits emplirent son champ de vision, si dilatés qu’un monde aurait pu lui tomber dans les pupilles. Il n’avait pas eu l’intention de lui tomber sur le râble — mais, les nerfs à vifs, les menaces voilées de Sidney achevèrent d'accroître son irritation, balayèrent les derniers vestiges de sa maîtrise et s’il fallait être con, putain, il ne serait pas le dernier à briller. Le rebord de la casquette lui raclait le front, les reliefs de sa cicatrice lui apparaissaient nettement et, sous le parfum du tabac, il décelait avec une acuité douloureuse l’odeur douceâtre de sa peau ; ils n’avaient jamais été si proches, pourtant il lui sembla qu’un abîme les séparait. Des semaines de complicité y glissèrent lentement en emportant avec elles les possibles et les occasions manquées. La casquette glissa de quelques centimètres et tomba du crâne de son vis-à-vis, dont il tordait le poignet, forçant la promiscuité de manière inconfortable. « I’m so done with this bullshit. We need to be careful, to keep our mouths shut while y’all acting like you own this fucking town. And when shit happens, God no, that would never be the Farrows' fault. They’ve been provoked, they’ve been disrespected, some cabots dared spitting on their motherfucking name. Did it ever occur to you that you reap what you sow ? » L’ampleur de sa déception rendait âcre sa colère et dans la confusion de l’instant, il ne s’était pas aperçu qu’il criait. Il lui semblait que sa vie se résumait à cet état de rage et de frustration permanent, et qu’importent ces soit-disant eldorados dans lesquels les siens oseraient prétendre trouver refuge, leurs vains espoirs d’une vie normale chevillés au corps, ça ne s’arrêterait jamais. Et il était fatigué. « Now back off and cool the fuck down. » D’une impulsion brutale, il joignit le geste à la parole et le repoussa en arrière. L’autre tamponna le capot de la Ford dans un heurt métallique familier, vaguement amorti par une couche de tissus. Quid du son ou du mouvement involontaire de Sid l’alerta; il le vit couler une main derrière lui comme pour retenir la chute d’un objet dissimulé dans son dos. Mu par un soupçon larvé, Alec suivit le mouvement et glissa le long de son bras jusqu’à refermer les doigts sur la crosse d’une arme enclavée contre ses reins. Un élan paniqué égrena une nuée de frissons glacés le long de sa colonne à mesure que la question dont il craignait d’entendre la réponse enflait comme une bulle avant d’éclater à l’orée de ses lèvres. « Did you drive all the way down here to shoot me ? » laissa-t-il tomber, main crispée sur ses phalanges dans une posture inconfortable, l’enfermant dans une étreinte bancale où la sidération se substituait à la langueur, l’amertume à la concupiscence. Une peur inavouable lui explosait les surrénales, jouait des trilles dans sa voix, et sous ses côtes, son coeur n’en finissait pas de cogner. « Did you ? » aboya-t-il. Il scrutait ses traits en quête du plus infime signe de dénégation et le temps lui-même parut se dilater dans l’attente. Un bras de fer silencieux semblait se jouer dans leurs regards, et il attendait, jusqu’à ce qu’il n’attende plus, raffermissant sa prise autour du flingue. Qu’importe la résistance que l’autre lui opposa, Alec le lui soutira de force et le balança le plus loin possible. Il n’eut pas le temps de l’entendre retomber au sol dans un bruit mat que ses doigts se refermaient aussi sec autour de la trachée de Sid. Un choc sourd. Ils basculèrent sur le capot de la caisse, Alec pesant de tout son poids sur son torse, entravant tout effort de fuite. « Wouldn’t be the first time you shoot one of us, right ? Il baissa d’un ton. People talk, you know. And I could’ve listened to them instead of keeping this shit up for nothing, even when, at some point, I came to think that somehow, they were wrong. I- » Even when I came to like you. Il le lui aurait dit — si la rage ne l’avait pas étranglé à ce point, il le lui aurait dit. « But maybe they right. Maybe you’re not worth the shit after all. » Rien de plus qu’une conclusion amère portée par le dépit. Car s’il était une chose à laquelle Alec se remettait aveuglément après des années à se prémunir de potentielles menaces venant d’autrui (Maura mise à part, car cette emmerdeuse s’était bien foutu de sa gueule), c’était sa propension à se faire des autres un avis général souvent proche de la vérité. Des sensations sans mot ni dénomination qui le poussaient à se fier à untel ou au contraire, à le fuir. Rien chez Sid, si ce n’était les exhortations à la prudence de ses proches ou les médisances que l’on accolait à son nom, n’avait jamais eu l’allure d’un réel danger — mais pouvait-il écarter totalement la possibilité qu’il se soit leurré à son sujet ? Il relâcha la pression, s’écarta brusquement et, lui tournant le dos au déni de toute prudence, jeta par dessus son épaule: « Get the hell outta here and don’t you dare threaten me ever again. »
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MessageSujet: Re: take another story, take another frame (acid#2)   take another story, take another frame (acid#2) EmptyJeu 5 Nov - 18:51

Callum n’avait qu’à claquer des doigts et son aîné rappliquait aussitôt, l’arme au poing. Ainsi fonctionnait le système Farrow – qui, jusqu’à présent, s’était prouvé infaillible. Il y avait cependant eu trop de déconvenues au cours de ces dernières années, une prise de conscience douloureuse et une solitude de plus en plus difficile à supporter quand tant de proches gravitaient encore autour de lui, quand le quotidien avait repris comme si son absence n’avait rien changé. Parce que c’était le cas.
Il regrettait déjà ses paroles et cette arrivée ridicule au volant d’une bagnole déglinguée alors qu’il aurait pu attraper son putain de vélo et pédaler connement pendant trois quarts d’heure – ça aurait eu le mérite de lui remettre les idées en place avant de jouer aux cons. « I’m so done with this bullshit. We need to be careful, to keep our mouths shut while y’all acting like you own this fucking town. (Les vieillards du clan, tout en tempes blanches et figures ravagées par la gnôle, le répétaient à qui voulait l’entendre : à une époque, nous étions les rois, nous étions au sommet de la chaîne alimentaire, nous imposions le respect, et il savait dans son for intérieur qu’aucune de ces histoires ne se vérifiait, que personne ne s’était un jour humblement décoiffé sur le passage d’un Farrow, qu’ils n’étaient que des parasites locaux, des nuisibles dont l’ignorance crasse inspirait simplement une pitié imméritée quand seul le mépris aurait dû être de mise.) – Don’t fucking assume—And when shit happens, God no, that would never be the Farrows' fault. They’ve been provoked, they’ve been disrespected, some cabots dared spitting on their motherfucking name. Did it ever occur to you that you reap what you sow ? » Chaque jour de ma putain de vie. L’opprobre des anciens était le sien, et il avait perpétré autant de traditions antédiluviennes que répandu d’idéaux arriérés pour prouver son appartenance à la dernière communauté ne l’ayant pas encore ostracisé. « Trust me I know since I got jumped by your fucking friends for no damn reason, » il siffla, indépendamment de sa volonté. Il aurait dû fermer sa gueule mais son hostilité le prémunissait de pulsions larvées, grondant dans le bide alors que le visage d’Alec, presque collé au sien, avait complètement disparu de son champ de vision. Il ne distinguait plus les traits appris par cœur, si ancrés dans sa mémoire qu’il reconstituerait ce visage dans l’obscurité la plus prégnante – il percevait à peine la couleur de ses yeux. Sa pomme d’Adam tressauta sous une déglutition mal maîtrisée, et il essayait – vainement – de dissimuler une grimace de douleur, sans parvenir à garder cette façade impassible se craquelant de tout part. Les paroles d’Alec s’infiltraient dans des fissures béantes, rongeaient tour à tour l’esprit déraisonné et le palpitant déchaîné. « Now back off and cool the fuck down. » Son dos – ou plutôt l’arme – cogna le capot de la bagnole. Instinctivement, il voulut vérifier que son flingue était bien là, et il aurait pu dégainer. Là, tout de suite. Il avait la gâchette facile. Combien de fois avait-il pointé un calibre sur un chat errant (trop souvent), et combien de fois avait-il manqué une cible (pas assez souvent). Il suffit parfois d’une seconde – à peine ses doigts frôlèrent-ils la crosse qu’une paire de phalanges se referma sur sa main. Il se figea. « Did you drive all the way down here to shoot me ? » Un silence. Non – bien sûr que non, mais il n’avouerait pas l’avoir embarqué par crainte de représailles. Pris dans un étau, il sentait les nerfs à peine remis de sa pogne se comprimer sous la pression insistante d’Alec. « Let go of me, » il marmonna, le regard rivé sur la toiture de fortune du trailer. Plutôt crever que croiser les iris furibondes. Jamais il n’avait été aussi conscient de son corps – de son odeur aussi, et cette intimité était insoutenable. Pas fichu de remuer non plus. « Did you ? » Le cri le frappa avec plus de violence que n’importe quel uppercut. L’adrénaline courait dans ses veines, électrisait chaque foutu membre d’une charpente disloquée, brisée à de si nombreuses reprises qu’il était curieux qu’il puisse tenir sur ses deux pieds après des années de sévices auto-infligés. Sa main crispée s’habituait à celle de son vis-à-vis. « Wouldn’t be the first time you shoot one of us, right ? Fuck off, le grognement lui échappa inconsciemment. People talk, you know. And I could’ve listened to them instead of keeping this shit up for nothing, even when, at some point, I came to think that somehow they were wrong. I- » You what? Ce n’était pas la première fois qu’il croyait déceler un message indicible dans ses paroles, et pendant un bref instant, il reporta son attention sur le visage où la sympathie qu’il y trouvait d’ordinaire avait disparu. Sa paluche libre s’était accrochée au col d’Alec afin de maintenir une infime distance entre eux, bien que ce soit voué à l’échec. « But maybe they right. Maybe you’re not worth the shit after all. » Dis-moi quelque chose que j’ignore. Des semaines – mois – plus tard, ni l’un ni l’autre n’aurait été capable de donner une once de sens à cette relation étrange qui, de loin, ressemblait à une amitié née d’un rien. Peut-être était-ce le cas, ou peut-être s’accrochaient-ils à des chimères. Peut-être que les regards en biais et les francs ricanements partagés à des heures incongrues étaient-ils saturés de non-dits douloureux. Quand il avait pensé se montrer sous son meilleur jour, embrassant une sincérité timide au cours de leurs échanges, il réalisait à quel point il s’était leurré. S’il avait été honnête – il lui aurait dit. Qu’il ne venait pas pour boire une bière ou l’écouter raconter les dix saisons d’une série télévisée, qu’il ne le considérait pas comme un pote chez qui se détendre après une journée de boulot. Qu’il attendait d’amasser assez de courage et céder, enfin, à ce que son inconscient réclamait avec avidité. À trop vivre enfermé, barreaux ou non, Sid était devenu son propre maton. « Get the hell outta here and don’t you dare threaten me ever again. » Il ne se ferait pas prier. Alec l’avait relâché, et ses semelles glissèrent légèrement tandis qu’il retrouvait l’équilibre. Pas un mot. Juste une portière qui claque. Les phares éclairèrent soudainement la scène, redonnèrent à l’autre des contours humains, mais il ne s’attarda guère sur cette vision et recula hâtivement.

Sur la route, il s’aperçut qu’il avait laissé le flingue et la casquette là-bas.

Une fois garé sur l’allée des Farrow – sans avoir le moindre souvenir d’avoir effectué le trajet –, il frappa plusieurs fois le volant du plat de sa main, mu par une rage sourde – et un désespoir insondable.
Callum l’attendait. Le cul vissé sur son sacro-saint fauteuil, l’écran de la télévision pour tout éclairage, plongeant le séjour dans une lumière bleutée. Le fils et le père se toisèrent un court instant, une seconde à peine. « Glad you still got it.Ain’t got nothing, » rétorqua-t-il sèchement. Callum arqua un sourcil circonspect, se redressa sur son séant, « where were you then? » Il haussa une épaule, passa par la chambre de Quinn pour lui rendre son trousseau de clés – qu’il jeta distraitement sur son lit, et se retira dans sa piaule.

Il avait encore la trace des doigts d’Alec sur le poignet.

– 20 juin, west savannah
« School’s boring, why do I have to go? ‘Cause if you don’t, you gonna end up like me, que Sid rétorqua sans manquer un battement. – But you’re fine, argua Jesse, un morceau de réglisse à la main. You went to the army.I wasn’t good at school so I didn’t go to college, il retira le paquet de Cheetos que le gamin avait jeté dans le caddie, sans tenir compte de ses protestations enfantines. You need to get an education, alright? That shit’s important. » Jesse se hissa sur un rebord métallique alors qu’il continuait de pousser le chariot dans un rayon de malbouffe, les coudes sur les poignées, à l’écouter déblatérer au sujet de l’école, de ses amis, des instits, des devoirs, comment Maman ne trouvait pas toujours le temps de l’aider, qu’il n’aimait pas l’anglais, que les mathématiques, c’était plus simple. Kitty les retrouva au milieu des surgelés, flanquée d’un Austin traînant la patte. Elle marmonna quelque chose à propos d’un produit nettoyant impossible à trouver. « I need to get a new pair of pants for Austin, we’ll meet you at the checkout. » Elle lui tendit la fin de sa liste de courses et enjoignit l’aîné à la suivre – en arrêtant de tirer la gueule s’il te plaît merci.
« Let’s get juice. You can pick whatever you want. » Plus loin, Jesse cavalait plus qu’il ne marchait, déterminé à honorer la mission qui lui avait été confiée – et il serait très certainement capable de ramasser un paquet de bonbons dans la foulée. Face à une gondole chargée de bières, Sid évaluait les promotions de plusieurs marques, sans prêter attention à la scène prenant place dans un coin de son champ périphérique : le petit heurtant de plein fouet un individu, à quelques mètres de là. « Sorry! » Il s’exclama d’une voix aiguë. « Wow, that’s a cool tattoo! What does it say? » Il déposa un pack de Budweiser sur le siège-bébé à défaut de le fourrer ailleurs – ça ferait les pieds au mec de sa sœur, de se coltiner de la bière bon marché, en outre sélectionnée par ses bons soins. « My uncle has a lot of tattoos too. » Putain, les mômes. Ça jacasse pour tout et pour rien. Son neveu pouvait commencer une conversation avec n’importe quel quidam croisant son chemin : sa bonne bouille de gosse générait une sympathie immédiate. Lorsqu’il pivota, déterminé à continuer son chemin, il s’immobilisa une seconde en identifiant la silhouette familière d’Alec, accompagné d’un autre type qui délogeait également un pack de son rayonnage. Jesse essayait de déchiffrer les mots inscrits sur son bras, fasciné par ce qui devait être cette parole de Joy Division. Sid savait. Il les avait comptés – et peut-être ne les avait-il tous vus encore, se souvenait lui avoir dit qu’il écoutait ce groupe depuis toujours. Des moments suspendus, des fragments de conversation lui manquant viscéralement – c’était foutrement con. Son cœur se serra au fond du poitrail sans pour autant redoubler sa cadence. Juste un poids mort pesant dans l’estomac. « Jesse! C’mon, » il ignora sciemment Alec – nonobstant l’œillade appuyée qu’il coula dans sa direction – et attendit que le gosse le rejoigne avant de manœuvrer le caddie.

– 28 juin, west savannah
Ses parents s’étaient barrés Dieu sait où en fin de matinée.
Il remplit la gamelle de la chienne en attendant que le café chauffe, déconcerté par ce silence inhabituel. La télévision était éteinte, les portes ne claquaient pas, personne ne se gueulait dessus. Son enceinte, posée sur la table de la cuisine, diffusait le dernier album de Springsteen. Kitty lui avait laissé un message – Austin avait un match de baseball samedi, si ça l’intéressait de passer – et Jax s’emmerdait au boulot, manifestement coincé derrière son bureau à traiter de la paperasse sans intérêt, l’enjoignant à aller boire une bière ce soir parce que putain qu’est-ce que ses collègues lui cassaient les couilles aujourd’hui. Sid laissa le téléphone sur le comptoir et observa Sadie flairer sa boustifaille. Deux jours plus tôt, avant d’enfiler son bleu (ou gris) de travail, il s’était pointé à un meeting de narcos anonymes sur un coup de tête – l’œuvre d’une brochure, encore, récupérée à la clinique des VA. Ça avait parlé de Dieu, de la guerre, d’héroïne afghane, et il s’était trouvé sacrément con, le cul sur une chaise pliante, à s’arracher les ongles sans oser regarder ses compagnons d’infortune. Il ignorait si ça avait changé quoique ce soit, mais peut-être y retournerait-il la semaine prochaine, et oserait se présenter.
Il embarqua sa tasse de café à l’étage, en se demandant s’il comptait passer la journée à se morfondre sur son sort ou s’il allait retaper la clôture que leur voisin avait niquée avec ses travaux de merde. Sur la table d’appoint, dressée au-dessous de la fenêtre, s’empilaient trois pauvres livres empruntés à la bibliothèque. Il se frotta les yeux, et remarqua que la commode avait bougé. Il tira le meuble, découvrant sans surprise que son frère avait retiré la drogue de l’autre jour. Le colis, lui, était intact (l’indifférence du frangin avait du bon). Sid posa ses fesses par terre, attrapa le paquet avec précaution. Sa sœur lui avait confié quelques semaines après sa sortie de taule, et si son nom était inscrit sur le dessus, l’adresse correspondait à celle de Kitty. La boîte était un peu défoncée par endroit. Il attrapa le cutter qui traînait dans le tiroir de son chevet et, en tailleur, à l’instar d’un enfant découvrant son cadeau de Noël, il planta la lame rétractable sur l’une des extrémités du carton, scellées par d’épais morceaux de scotch (comme si l’expéditeur avait cherché à s’assurer qu’il ne s’ouvre pas accidentellement au cours du voyage). Les gestes étaient si lents et précis qu’on eût dit qu’il déballait quelque trésor antique, mais ça l’était sûrement à ses yeux – Wayne avait laissé une lettre à son attention, par-dessus le papier journal utilisé pour caler des babioles. Il y avait deux t-shirts roulés au fond de la boîte, une cassette de Pearl Jam, un caméscope, trois pellicules photo. Quelques clichés aussi. Sa respiration s’était emballée alors qu’il parcourait cette note brève – datée du 23 juin 2017. Il avait reçu l’appel le lundi suivant, et ne saurait sans doute jamais à quelle heure exactement il avait tiré. Après avoir déposé le colis au bureau postal ? Avoir mis de l’ordre dans ses affaires ? Depuis combien de temps y songeait-il ? Quand avait-il décidé de passer à l’acte ? La feuille tremblotait entre ses doigts.
I know someday you’ll have a beautiful life. Love, W—
Les omoplates rencontrèrent le rebord du matelas. Les draps étaient, dans sa piaule, impeccablement tirés. Et rien ne dépassait par ailleurs – nulle part. Parce qu’il n’existait pas vraiment entre ces murs. Sa vie entière, ou du moins les moments ayant compté, était rangée dans un paquet livré trois ans auparavant. Il entendait les arrangements du Boss derrière. Ses joues se gonflèrent doucement. Il s’empara de la caméra et tira le panneau de l’écran LCD – ces appareils dépassés souffraient moins de leur batterie que les modèles récents, bien que le pourcentage soit faible. La vignette montrait une image un peu dégueulasse. Huit ans auparavant, il était sur le rebord d’une route, armé d’un cric, et démontait une roue. Il coupa la vidéo lorsque Wayne retourna l’objectif vers son visage hilare, « Sid, where are we? – Huh, fucking middle of nowhere, Tennessee. – And what are you doing? – Changing your fucking tire. » Ses paupières se pressèrent contre ses yeux.
Il cessa de réfléchir – fourra le bordel dans son placard, sur la boîte contenant son uniforme de Marine et ses médailles, et enfila un vieux t-shirt, un bas de survêtement taché de peinture. Le biceps orné d’un brassard sportif, il glissa clés, papiers et clopes à l’intérieur d’une poche, siffla Sadie qui s’empressa de le rejoindre tandis qu’il fermait les portes de la baraque. Évidemment qu’il songeait à Alec. C’était toujours ainsi, à la fin du mois de juin, quand l’anniversaire morbide du suicide de Wayne l’empêchait de respirer correctement, qu’il remettait sa vie entière en question sans chercher à l’améliorer.

« Can you keep an eye on her? » Avery Farrow était l’un des rares membres de sa famille qui lui inspirait confiance. Aux portes de la cinquantaine, son oncle habitait à cinq minutes de chez eux, dans une bicoque pas bien grande. Il brossait les jantes de sa voiture en tirant sur une cigarette, « yeah, sure. » Il avait deux clébards aussi, un Boxer et un Cane Corso, qui s’étaient précipités à la rencontre de Sadie. « You okay? » Sid observa une pause avant de hausser une épaule, « got shit to deal with.You should come over for dinner sometime, if you feel like it. » Right, il marmonna. Il enfourcha son vélo et se mit à pédaler sans but précis – ou du moins le pensait-il, lorsque les environs de Thunderbolt se dessinèrent au loin. Il n’avait pas pris la peine d’envoyer un texto qui resterait probablement sans réponse, compte-tenu des circonstances ; et il aurait compris le silence d’Alec après leur dernier esclandre. Probablement celui de trop. Son absence le tourmentait plus que de raison, et peut-être s’embourberait-il dans des excuses déplorables, peut-être réclamerait-il ses biens, il n’en savait foutrement rien. La voiture était garée devant le mobile-home. Son poing martela un premier coup contre la porte, « Alec. » Il ne prononçait pas souvent son prénom. Dès que le battant s’ouvrit, révélant une mine revêche, pas franchement ravie de le découvrir planté sur son paillasson, Sid perdit toute contenance, « sorry for— » venir faire chier son monde un dimanche après-midi. Il le fixa connement avant de s’engouffrer à l’intérieur, sans y avoir été invité, et la fin de sa phrase – s’il y en eut une – s’en vint mourir contre les lèvres du lycan. Il prenait si peu de risques, d’ordinaire. N’aurait jamais osé détruire ces barrières-là – mais il voulait croire que cette lutte n’était pas complètement la sienne. Et c’était maladroit – si maladroit. Il n’était été en contrôle, mais l’esclave d’une retenue honteuse, d’un corps contre lequel son esprit menait un combat acharné, et à cet instant, il s’appartenait sans doute un peu plus que d’habitude.
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Alec Musgrave
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MessageSujet: Re: take another story, take another frame (acid#2)   take another story, take another frame (acid#2) EmptyJeu 5 Nov - 19:10

Une portière claqua et, dans la lumière crue des phares éclairant de nouveau brièvement la façade du trailer, l’ampleur du fiasco lui apparut avec une précision intolérable. Vibrant d’une violence non déchargée, il aurait presque espéré que Farrow lui inflige une riposte quelconque — qu’ils en viennent sérieusement aux mains, qu’il lui offre l’occasion de se libérer de ce débordement d’émotions contradictoires obstruant sa raison. Mais rien. Farrow s’était barré. Il le laissait transi et fébrile, le tapage mental atteignant son paroxysme au moment où il se réfugia dans le silence et l'obscurité baignant le mobile home, et qu’il se mit à ressasser les saloperies déversées sous l’impulsion de la colère.
Alec n’était pas meilleur qu’un autre. Foutrement tributaire de ses passions exacerbées, les mots dépassaient parfois la pensée, et il se retrouvait là comme un con, à remonter le fil de ses invectives en souhaitant pouvoir les effacer. Remonter le temps, ravaler son courroux pour enfin consentir à poser des mots sur ce qui le foutait en l’air à ce point. En reconnaissant que, d’une manière ou d’une autre, cet échange venait certainement de signer leur fin, il comprenait aussi qu’il était trop tard. Sans savoir ce qu’il avait attendu, ce qui l’avait retenu tant de fois de le brusquer malgré l’envie, les  regards trop denses et les silences trop lourds pour être tout à fait innocents, aucune nouvelle occasion ne se présenterait avant longtemps car, drapé d’orgueil et d’incertitudes, il ne le confronterait pas. Et quand bien même le ferait-il, le contact brut de l’arme calée contre son dos n’en finirait pas de se rappeler à lui, érodant le souvenir de leur connivence subtile comme une coulée d’arsenic.
(S’il avait regardé, s’il avait vu au delà de sa colère justifiée ou des raisons évidentes de cette descente, il aurait décelé la peur viscérale se confondant dans la trame de ses menaces.)
La casserole d’eau désormais froide dont il s’était servie un peu plus tôt pour nettoyer ses plaies s’écrasa dans l’évier dans un boucan assourdissant. Un torrent de flotte se déversa un peu partout et aspergea ses pieds nus. « Fuck, fuck, fuck! » Il avait pressé ses poings serrés contre ses paupières, arc-bouté sur le rebord de l’évier détrempé, écoutant les pulsations sauvages de son sang battre ses tempes jusqu’à ce que l’adrénaline reflue lentement, ne laissant rien de plus derrière elle qu’une profonde lassitude.
Il aurait dû —

Le flingue et la casquette passèrent la nuit dehors. Finirent planqués sur l’étagère du haut de l’armoire de la chambre, sous une pile de joggings.
S’il voulut les oublier, les reliques invisibles ne le poussèrent pas moins à lever un regard involontaire chaque fois qu’il passait devant l’armoire, chaque putain de soir qui suivit, et le myocarde de se contracter douloureusement.

— sam. 20 juin / victorian district
Il ne le confronta pas.
Se réveilla quatre jours plus tard dans des draps qui n’étaient pas les siens, le nez collé contre une peau embaumant un curieux mélange d’encens et d’aiguilles de pin, une gueule de bois formidable en guise de seul souvenir de la veille. Il retira sa main de la hanche de l’inconnue, bascula sur le dos, les yeux plissés malgré la pénombre. Un son de cloche résonna sous son crâne lorsqu’il se redressa au bord du lit, et un goût de fer tapissait sa langue. La lumière du jour, bien avancé, perçait difficilement entre les rideaux sombres de la piaule — une chambre d’hôtel, à en juger par le plan des issues de secours collé à côté de la porte et le tas de serviettes si immaculées qu’elles ne pouvaient sortir que des blanchisseries d’un établissement public. Elles gisaient sur le sol au milieu d’un fatras de fringues qu’il dut soulever une à une avant de remettre la main sur les siennes, reposant celles de l’autre sur une chaise, où il retrouva son porte-feuille et son portable. Une flopée de notifications lui esquinta les rétines et raviva son mal de crâne. Josh, deux appels manqués. Kenny, six appels manqués. Josh, encore, trois messages à quinze minutes, puis une heure d’intervalle : where are you ? - you’re two hours late, should I call someone to take your shift ? - Jessica’s replacing you today, call me when you’re up. J. Sally lui avait envoyé une photo d’une critique de son restaurant paru dans le Times de la veille. Paul, avec un cliché d’un autre genre, arborait un sourire d’imbécile heureux sous lequel il brandissait fièrement un sampler flambant neuf : look what i just got !!! you working today ? i’m gonna try this baby rn, you should drop by. Disséquant les informations une à une, il sauta prestement dans ses fripes, manqua de se casser la gueule en butant contre une valise ouverte, se passa de l’eau sur le visage dans l’espoir futile de s’éclaircir les idées. Sur la commode, un passeport américain d’où dépassait une carte touristique de Savannah retint son attention. Il tourna les premières pages jusqu’à tomber sur l’identité de sa propriétaire, qu’importe l’intrusion de son geste — il avait bien le droit de mettre un nom sur ce cul qui dépassait des couvertures. Lyons Teresa, New Orleans. Plus perturbé que de raison par les immenses zones d’ombre entourant la nuit passée (après qu’ils aient quitté Tybee Beach, la soirée avait bel et bien glissé dans le néant et Teresa, qui qu’elle fut, ne lui disait strictement rien), il reposa le document à côté de la brochure d’accueil ornementée du Sycophant. Récupéra ses clefs et quitta la chambre en silence après un dernier regard pour la dormeuse. À Paul, il répondit par l’affirmative, et dans un élan de contestation morose, ignora délibérément les messages de sa soeur et de son patron.

— later / thunderbolt
Il avait retrouvé Paul campé sur le seuil de sa caravane, avec sa coupe de cheveux à la con et une paire de solaires en équilibre sur son long nez, avachi au milieu de la terrasse en fumant ce qui ressemblait à un joint — l’imbécile s’obstinait, quand bien même lui eût-on démontré par A + B et ce à plusieurs reprises que la fumée du hash n’avait strictement aucun effet sur eux. I like the taste, qu’il avait répondu, sans cesser d’émietter l’herbe au milieu du blunt. « Thought I was meeting you at your place.I need to buy some beers, we’ll go through Target first. How was your night ?Can’t remember. » L’autre avait ricané, émis un sad, ‘cause she was smoking hot narquois avant qu’il ne rentre se changer. Un autre jour, l’affaire l’aurait fait sourire. Un indéfinissable malaise lui collait au derme, cependant, car les lacunes laissées par la nuit dernière n’en ôtaient pas moins le sentiment désagréable d’avoir passé sa frustration de la façon la plus archaïque qui soit. Il ne se leurrait pas : il s’était contenté d’un vulgaire hors d’oeuvre après avoir crevé d’envie d’un steak pendant des semaines.
« So none of you have spoken to each other yet ? » Ils détaillaient un étalage grotesque de bières de toute taille et de toute marque sans que Latimer ne parvienne à jeter son dévolu sur une seule. Il ne pouvait plus voir un pack de Coors sans que ça lui file la gerbe, la Carlsberg ne valait clairement pas son prix, et qu’on le foudroie sur place le jour où il achèterait de la Bud. Image même de l’indolence, il détaillait chacune sans se presser, tout en le baratinant à propos de l’esclandre de samedi dernier. Lui confirma que l’histoire avait occupé leur soirée, soutint avec une admirable loyauté l’existence des prétendus remords de Scott qui, s’ils avaient été réels — et Alec n’y croyait pas une seule seconde, se seraient manifestés depuis longtemps. Ni l’un ni l’autre ne s’était d’ailleurs donné la peine de briser le silence, consolidant ainsi leur rancune butée (pour ne pas dire puérile), et tout en ayant parfaitement conscience que ce petit jeu pourrait bien durer des semaines, Alec n’était pas prêt d’oublier que cela ne faisait pas une, mais deux fois que cet abruti leur collait une cible dans le dos avec ses conneries. Il serra les dents. Bannit l’intrusion intempestive de Farrow dans ses pensées, comme il le faisait avec insistance depuis quatre jours. « Nah. I’m not talking to this motherfucker, it’s not for me to take the first step. He’s the one who fucked up. » L’autre se marra de bon coeur et secoua la tête, l’air de dire : alors tu peux toujours attendre mon pote. « You know why he’s like this.Yeah yeah, y’all keep making excuses for him, there’s a story, I know the drill. So, you gonna buy these fucking beers or n— » Un choc soudain le déstabilisa lorsqu’un gamin dissipé lui rentra dedans. Il le rattrapa d’une main. « Sorry! » Une paire de billes céruléennes, loin d’être désolée, accrocha le tatouage à l’intérieur de son poignet. « Wow, that’s a cool tattoo! What does it say? » Il s’était emparé de sa main droite et scrutait avec intérêt les caractères imprimés à l’encre bleuie par le temps et le manque de soin. L’aisance et la candeur du môme lui arrachèrent un sourire. Une tête brune d’un mètre trente pas impressionnée le moins du monde par les deux géants qui le toisaient d’un air incertain. Une odeur de vanille bizarrement familière émanait du gamin. « Just a song I like. » se contenta-t-il de dire avec un délai de retard. Une maxime tirée de Joy Division réalisée à la va-vite entre Phoenix et Savannah. « My uncle has a lot of tattoos too.Yeah ?I’d like to have one too, someday. What’s the name of the song ?Speaking of- » marmonna Paul en assurant sa prise autour d’un pack grand format de Modelo. Son coeur rata une marche en avisant Sidney. « Jesse! C’mon, » le caddie passa devant eux sans que Sid ne les gratifie d’un regard et son indifférence glaçante opéra comme un signal qu’il n’avait pas eu conscience d’attendre : il laisserait tomber. Il laissait tomber. « It’s a very cool tattoo. » répéta le petit, en même temps qu’il libérait son bras et repartait en trottinant derrière son oncle. « Bye! » Paul secoua la tête et, fidèle à lui-même, oublia instantanément l’interlude, insensible au trouble soudain du comparse. « You know what we should get you ? A fucking pool. » Quittant des yeux les silhouettes disparaissant à l’angle du rayonnage, il fronça les sourcils et emboîta le pas à Paul en direction des caisses. « The fuck you talking about ?A pool man. Like a baby pool, just big enough to dip your lil’ butt, you know, with pink flamingos and cupcakes and all. They’re on sale at the store’s entrance. C’mon, birthday gift, you’d use it wouldn’t you ?It ain’t my birthday dude, what the fuckyeah don’t worry, we won’t tell. »

— dim. j28 juin / thunderbolt
La piscine gonflable — une saloperie en plastique rose bonbon bel et bien ornée de flamants roses — trônait sur la table du salon, intacte dans sa boîte recouverte d’écritures criardes. La tronche d’un gamin hilare, étalée en grand sur un des versants, l’avait hanté au point qu’il retournât le carton de façon à ne plus voir que les précautions d’utilisation s’étalant en caractères serrés sur le dessous.  Le chat tigré s’était infiltré par la fenêtre ouverte et était désormais logé sur son sommet, masse velue et silencieuse dont seul le ronronnement profond trahissait l’état d’éveil. De temps à autres, il s’étirait en gondolant la colonne vertébrale avec cette souplesse lubrique propre aux félins avant de revenir à son exacte place, ou soulevait brièvement une paupière en réaction à un stimuli extérieur trop lointain pour parvenir à des oreilles humaines, fussent-elles lupines. Les tressautements incessants de la conversation vidéo s’élevant de son ordinateur, en revanche, ne le firent pas tiquer une seule fois, quand bien même Alec sentait-il croître peu à peu son envie de taper sur l’engin, comme si brutaliser son matériel avait le pouvoir de rétablir une connexion correcte. Le problème ne venait certainement pas de Sally qui, pimpante même en tenue du dimanche, lui parlait depuis le décors somptueux de son loft perché sur les hauteurs de Chelsea. Elle l’avait harcelée jusqu’à ce qu’il réponde, fâchée qu’il ne se soit pas donné la peine de réagir à l’article qu’elle lui avait envoyé une semaine plus tôt — au milieu d’un éloge gastronomique clinquant, on félicitait l’attribution de la deuxième étoile à ce restaurant foutrement trendy où, lisait-on, sa jeune cheffe brillait tant par sa capacité à sublimer les plats traditionnels que par son talent à créer de toutes parts des créations épatantes d’ingéniosité et foisonnantes d’influences gastronomiques diverses. Alec l’avait lu, évidemment, déploré le ton ampoulé de la critique tout en éprouvant une intarissable fierté pour le succès de sa soeur. Celle-ci s’était radoucie dès l’instant où elle avait reporté une attention plus vive sur les traits tirés de son frère, pour ne pas dire complètement abattus, l'assommant de questions plus ou moins discrètes sur sa vie, si éloignée de la sienne, quoique leurs quotidiens se soient déjà radicalement différenciés des décennies auparavant. Ça avait été plus fort qu’elle ; avisant à travers l’image pourrie de la caméra les contours mal délimités du mobile home et le dénuement dans lequel il semblait vivre (difficile de l’envisager autrement lorsqu’on occupait un appartement valant trois millions de dollars et que l’on partageait sa vie avec l’une des personnalités les plus en vue de Manhattan), elle lui avait rappelé que, si t’as besoin, je peux toujours t’envoyer un chèque, t’as qu’à me demander (ce ne serait pas la première fois, avait semblé ajouter le sourcil rehaussé sur son front). Il avait balayé la proposition avec une grimace, arrête, j’en suis plus là, je vais bien, je me débrouille. « I’m- My life is fine, Sal. » Aussi bien que possible, en dépit de la colère de Josh après qu’il se soit encore pointé en retard, pour la deuxième fois ce mois-ci abruti, tu crois que je te paye pour éponger tes cuites ? — ou du trou béant rempli de silence qui occupait l’espace entre ses côtes depuis quelques jours, sans qu’il fut en mesure d’en ignorer l’origine. Sid lui manquait. Sally lui manquait. Putain, même Scott lui manquait et, dans un éclair de lucidité soudain qui renforça le sentiment dégueulasse d’être pris au piège dans sa propre vie et souligna à quel point il s’était volontairement isolé du monde, il fut presque tenté de se livrer à sa soeur. « Alright, I was just suggesting. So what are you doing now ?What, right now ? Nothing. I was going to work on the deck before you called. It’s almost finished. » Sally esquissa un sourire et passa une main devant l’écran pour en chasser une mouche. « You should come to New-York, one of these days. (la proposition n’était pas nouvelle mais lui arracha la même mimique mi-sourire, mi-grimace, que d’habitude) I’ll try, soon, I promise. » Le ton de la conversation se détériora à mesure que l’un et l’autre acceptait ce nouveau mensonge et que Sally évoquait la croissance ahurissante de son fils, relevant par la même occasion qu’en trois ans, Alec n’avait toujours pas été foutu de venir le voir. Il n’eut pas le temps de répondre ; à travers la fenêtre, il avisa les contours d’une silhouette familière fichée sur un vélo se dirigeant vers son trailer. Son myocarde s’emballa sans raison avant-même que ne retentisse un coup sec sur la porte, suivi d’un appel qui le désarçonna. « Alec. » Putain. « Huh- Sal, can I call you back, someone’s there and I need to… I’ll call you back, alright ? » Ils raccrochèrent, Alec plus pressé — et nerveux que nécessaire, bien qu’il fut difficile de dire ce qu’il était supposé éprouver, ou faire, ou juste penser, en constatant que Farrow était planté sur le pas de sa porte sans qu’aucun message ne l’ait précédé. Ça ne lui ressemblait pas. Il lui ouvrit, la trogne froncée, songeant aux raisons qui expliquaient sa présence ; il n’en vit que deux — une autre confrontation ou des excuses, hautement improbables — et aucune qui ne se rapprochât un tant soit de la réalité. « What do you want ?sorry for— » Ça s’arrêta là, tandis que Farrow passait devant lui et entrait dans le courant d’air provoqué par un ventilo bruyant, dont la grosse tête ronde oscillait avec lenteur depuis le coin du plan de travail. Un brassement atmosphérique d’un autre genre menaça l’équilibre de ses sens car, sans que rien ne l’y prépare, l’air se figea dans ses poumons, son champ de vision se rétrécit, ses tympans se fermèrent à tout ce qui n’était pas la folle cavalcade de son sang à ses oreilles, et la totalité de ses cellules nerveuses se concentrèrent en un seul et unique point de contact, là où Sidney avait amorcé sa chute en précipitant du même coup celle de sa raison. Comme pour prendre de la hauteur sur l’effondrement imminent de ses dernières résistances, il se recula légèrement, sonda les pupilles de son vis-à-vis, osant enfin reproduire du bout du pouce les contours de sa cicatrice, et le palpitant finirait bien par lui briser les côtes, tant il boxait dans sa poitrine. « Don’t think you’re off the hook. » qu’il laissa tomber. Car de toutes les barrières qu’ils auraient encore à abattre, celles qui tombaient maintenant ne seraient pas les plus tenaces. Il n’hésita pas deux fois, et, les phalanges rivetées à sa nuque, s’abandonna au désordre chimique saturant le système en surchauffe — qu’importe que les gestes fussent gourds, pressés, rendus gauches et hésitants par le choc qui accompagne souvent l’avènement d’une fin que l’on a longtemps attendue, ou fantasmée, car le lâcher prise eut une galvanisante saveur de triomphe.
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