Smoke everywhere ◇ Kira & Lola

Sujet: Smoke everywhere ◇ Kira & Lola Mar 4 Aoû - 2:57

Smoke everywhere
< @Kira Monteiro & @Lola Saito >
mai 2020

Une main appuyée contre la porte de l'immeuble, l'autre tenant un sac de la pharmacie, Lola attend que son petit frère passe pour la laisser retomber derrière eux. Retour des urgences vers lesquels elle s'est précipitée sous le coup de la panique, empruntant par nécessité la voiture d'une de ses amies car elle ne pouvait décemment pas y conduire Lucas en vélo ou en rollers. Il est encore si pâle que ça lui tord le ventre comme à une mère inquiète, qu'importe le sourire réconfortant qu'elle s'applique à conserver sur ses traits pour le rassurer. Porte de l'appartement déverrouillée puis poussée, elle le laisse à nouveau entrer en premier avant de refermer derrière eux. « Viens, tu vas prendre tes cachets puis aller au lit. » Elle sait qu'elle ne doit pas traîner pour rendre sa voiture à son amie, mais elle veut d'abord s'assurer que son petit frère a bien suivi les indications du médecin et qu'il s'est couché avant de partir. Alors une fois que c'est fait, elle remonte la couette jusqu'à son menton, passant ses doigts dans la tignasse du brun. « Je vais juste rapporter sa voiture à Eira, je reviens dans pas longtemps, » qu'elle lui assure, avec cette voix douce qu'elle emploie toujours lorsqu'il est malade. Elle glisse sa main sur sa joue et embrasse le sommet de son crâne avant de quitter la chambre, laissant la porte entrouverte car elle sait qu'il ne supporte pas quand elle est fermée. Elle enfile ses baskets avant de récupérer les clefs de l'appartement et de la voiture, et la minute suivante elle descend les escaliers sans traîner. Même s'il a un téléphone pour la joindre en cas d'urgence, elle n'aime pas l'idée de laisser son petit frère tout seul lorsqu'il est malade.

Voiture démarrée dans un vrombissement un peu trop bruyant sans doute mais qui n'inquiète pas Lola outre mesure, retour à la circulation, direction la maison de son amie, située en plein Skidaway Island. Elle n'a même pas atteint le quartier huppé que la voiture fait un son étrange, puis un deuxième, un troisième, si bien que la jeune femme se gare sur le bord de la route, les lippes pincées par l'appréhension. Elle n'y connaît rien en voiture, la mécanique ça n'a jamais été trop son truc, et puis ça ne l'a jamais passionnée. Alors lorsque le capot de la voiture se met à cracher une épaisse fumée, ses yeux prennent la forme de deux soucoupes presque terrifiées et elle sort en toute hâte de l'engin. Elle récupère précipitamment son téléphone puis claque la portière et recule d'une bonne dizaine de petits pas, le regard toujours rivé sur l’automobile qui lui fait une terrible frayeur. Ses lèvres tremblantes sont les seules à briser son calme légendaire, pourtant elles ne représentent qu’un centième de la panique qui a envahi son esprit. Elle a peur d'avoir cassé la voiture de son amie sans même savoir comment : elle n’a pas calé une seule fois, et pourtant l’engin crache de la fumée comme si elle l’avait malmenée durant des heures. Avec ses connaissances en mécanique qui tendent vers le néant, Lola n’a aucune idée de ce qu’elle doit faire dans une situation pareille alors son premier – et seul – réflexe est de chercher sur internet numéro de téléphone du garage le plus proche. Tout en pianotant nerveusement sur l'écran de son portable, elle jette des coups d’œil réguliers à l’auto et à la fumée qui s’en échappe. Elle n’a pas la moindre hypothèse sur ce qui est en train d’arriver à la voiture qu’elle conduisait, seulement certaine que c’est grave – sinon il n’y aurait pas de fumée. D’habitude lorsqu’elle a un problème, c’est avec son vélo, alors elle n’a qu’à remettre en place la chaîne ou au pire changer un pneu pour s’en sortir. Sans parler du fait que si elle peut tout à fait pousser sa bicyclette à la main, ce n’est pas du tout le cas de la voiture d’Eira qui pèse elle-ne-sait-combien de centaines de kilogrammes. Et puis, point le plus important : son vélo n’a jamais craché de la fumée ainsi.

Voilà maintenant plusieurs minutes qu’elle a passé un appel à l’Oilcheck Autoshop et qu’elle attend à côté de la voiture, assise par terre. Pour une fois qu’elle ne fait rien et ne s’endort pas, ce serait presque glorieux si elle n’avait pas l’impression d’être dans la mouise jusqu’au cou. Son visage a récupéré son calme habituel tandis qu’elle regarde partout autour d’elle dans l’attente qu’on vienne l’aider, tout en vérifiant régulièrement son téléphone pour s’assurer que son frère n’essaie pas de la joindre. Et quand elle voit une femme qui semble avoir son âge s’approcher, Lola l’observe avec de grands yeux sans bouger, ne réalisant pas que c'est la personne qu'elle attend depuis qu'elle a appelé le garage.

Smoke everywhere Ft. Lola Saito

Un sourire satisfait aux lèvres, Kira savourait sa victoire du jour. Elle n'était pas souvent autorisée à prendre la dépanneuse pour aller chercher les clients en rade, tâche habituellement dévolue à ses collègues masculins. Et pour cause : au sein de l'Oilcheck Autoshop, la jeune femme était connue pour son caractère volcanique qui la poussait bien trop souvent à s'accrocher avec la clientèle. Elle ne s'en cachait d'ailleurs pas : la brune était fière de tenir tête à quiconque remettait en question ses capacités en tant que mécanicienne au seul prétexte qu'elle était une femme. Au fil du temps, elle avait développé une large gamme de réponses cinglantes qui faisaient faire marche arrière aux plus obtus de ses clients. Mais pour cette même raison, son patron avait décrété depuis longtemps qu'il était plus judicieux pour l'avenir du garage qu'elle se tienne plus en retrait du contact : en d'autres termes, qu'elle reste dans les ateliers pendant que les autres s’occupaient du standard. D'ordinaire, ce genre d'arrangement lui convenait, mais ces étouffantes journées d'été où les températures dans les ateliers ne cessaient de grimper, la perspective de prendre la dépanneuse pour s'octroyer une petite sortie en plein air avait soudainement quelque chose de terriblement attrayant. Ainsi, lorsque le téléphone avait sonné pour un dépannage quelques minutes plutôt, la jeune femme s'était montrée la plus rapide de ses collègues pour décrocher et prendre la mission. Face aux protestations, elle s'était contentée de brandir un doigt tendu bien haut avant de filer se changer pour un tee-shirt aux couleurs du garage, un peu plus propre que celui qu'elle portait précédemment. Elle savait d'expérience qu'aucun de ses collègues ne protesteraient outre mesure : ils avaient tous conscience qu'ils étaient impossible d’arrêter une Kira décidée, et la respectait par ailleurs en tant que collègue. La jeune femme avait souvent bataillé à son arrivée, mais il n'avait pas fallu très longtemps pour que tous reconnaissent qu'elle était au moins aussi compétente qu'eux - si ce n'était plus. Probablement la raison pour laquelle, malgré son sale caractère envers les clients arriérés, elle n'avait pas encore été virée.

Mais en cet instant, Kira se contentait d'apprécier sa petite victoire en profitant de l'air frais qui venait agiter ses cheveux en passant par la fenêtre ouverte de l'habitacle de la dépanneuse. La journée était belle, et elle ne regrettait pas une seconde d'avoir réussi à s'échapper de son atelier. Elle essuierait peut-être une remontrance du patron en rentrant, mais si elle parvenait à garder son calme face au client du jour, elle avait l'espoir de s'en sortir à bon compte. Après tout, elle n'était pas obligée de s'agacer. Il suffisait simplement que personne ne s'avise de remettre en cause son jugement en tant que femme mécanicienne. Un jeu d'enfant ? Pas sur. Approchant des lieux qu'on lui avait indiqué au téléphone, la jeune femme sortit de ses pensées triomphantes pour se concentrer sur l'observation de son environnement. Elle ne savait pas grand chose de l'intervention qu'elle allait devoir faire : elle avait simplement noté le modèle de la voiture, et savait que la personne ayant appelée n'était pas une des clientes habituelles du garage. La nécessité pour Kira de faire une première bonne impression était donc d'autant plus grande. Il ne lui fallut pas longtemps pour identifier le véhicule immobilisé, et en avisant la voiture d'un seul coup d’œil, la brune ne put s'empêcher de grimacer tandis qu'elle alignait la dépanneuse devant la bagnole fumante. Kira avait espéré une petite intervention rapide, du genre crevaison ou faux contact à l'allumage, mais la fumée qui s'échappait du véhicule accidenté lui faisait craindre des problèmes bien plus conséquents. Rapidement, elle coupa le contact de la dépanneuse et s'en extirpa souplement avant de se diriger vers la jeune femme à la mine défaite qui se tenait assise aux côtés du véhicule. Kira avait un don évident pour repérer les propriétaires de bagnole en détresse. "Bonjour ! Je vous ferais pas l'affront de vous demander si c'est bien vous qui nous avez appelé, je crois qu'à ce stade, la question ne se pose plus !" La jeune femme savait d'expérience qu'il était difficile de communiquer sereinement avec un propriétaire stressé, aussi essayait-elle de détendre l'atmosphère d'entrée de jeu. "Je suis Kira, c'est moi qui vais m'occuper de vous. Je peux ?" La brune avait tendu la main en direction de sa cliente pour se présenter, et désignait d'un signe de la tête la voiture en attendant d'avoir l'autorisation d'y jeter un œil. La situation n'était peut-être pas aussi mauvaise que ce qu'elle craignait, mais elle allait devoir se salir un peu les mains pour le vérifier. "Ça vient juste de commencer à fumer comme ça ? Est-ce qu'il s'est passé quoi que ce soit pendant votre trajet qui aurait pu provoquer ça ? Vous avez remarqué un bruit, une fuite, une consommation inhabituelle d'essence ou d'huile moteur ?"

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Smoke everywhere
< @Kira Monteiro & @Lola Saito >
mai 2020

Son inquiétude masquée par son habituel visage impassible, Lola n'en pense pourtant pas moi. Elle ne comprend pas pourquoi de la fumée s'échappe de la voiture alors qu'elle n'a rien fait de particulier qui pourrait expliquerait un tel phénomène. Ce n'est pas comme si elle conduisait à une vitesse folle et dérapait dans tout Savannah, plutôt du genre à ralentir trois fois trop fort au moindre dos d'âne par peur d'abîmer une voiture qui n'est pas à elle. Avec sa conduite toute en douceur – et en lenteur –, elle rivalise à n'en douter avec les grands-mères, Lola, mais elle se dit que ça ne peut pas être un mal sachant que le véhicule qu'elle conduit n'appartient jamais à elle. Force est de constater que cela ne suffit pas : aujourd'hui la voiture d'Eira crache de la fumée, et Lola ne sait absolument pas quoi faire. Elle a bien appelé le garage de Savannah dont elle a trouvé le numéro en premier sur internet, mais une fois que la personne qu'elle a eu au téléphone sera là... Elle va faire quoi ? Embarquer la voiture ? Bordel, Eira va la tuer si elle a pété sa caisse. Elle est gentille pourtant, son amie, mais une voiture ça coûte cher, l'assurance aussi – ce qui explique que Lola n'ait pas de voiture, d'ailleurs. Quelle journée pourrie.

Mirettes qui alternent entre la voiture, son téléphone et les alentours en attendant que quelqu'un vienne lui porter secours, Lola en est à se dire qu'elle a très envie d'un joint et que ça l'aiderait sûrement à se détendre. Elle devrait peut-être s'en allumer un et l'observer brûler pour patienter, parce que la fumée c'est quand même bien plus sympa lorsque ça s'échappe d'une roulée que d'une caisse. Elle devrait peut-être attendre que la femme en face d'elle s'en aille cela dit, histoire de se donner bonne conscience. Pourquoi elle la regarde comme ça et s'est arrêtée de marcher ? « Bonjour ! Je vous ferais pas l'affront de vous demander si c'est bien vous qui nous avez appelé, je crois qu'à ce stade, la question ne se pose plus ! » Réponse toute trouvée : c'est elle qui vient de la part du garage. Hochement de tête pour répondre à la question qui n'en est pas vraiment une, Lola lève ses fesses du trottoir pour faire face à la garagiste, une grimace minime étirant sa bouille impassible. « Je suis Kira, c'est moi qui vais m'occuper de vous. Je peux ? » Poignée de mains pour la saluer puis hochement de tête – bien sûr qu'elle peut, elle n'a pas appelé pour que la professionnelle contemple la fumée avec elle. C'est carrément moins joli que des nuages, en plus. « Lola, enchantée. Allez-y. » Elle sait pas vraiment si elle est enchantée, mais ça fait poli et ça cache un peu son angoisse intérieure. Inquiétude qui brille tout de même dans ses lèvres pincées lorsqu'elle suit du regard la jeune femme qui se dirige vers la voiture. Faudrait pas que ça explose, même si elle suppose que Kira sait ce qu'elle fait. « Ça vient juste de commencer à fumer comme ça ? Est-ce qu'il s'est passé quoi que ce soit pendant votre trajet qui aurait pu provoquer ça ? Vous avez remarqué un bruit, une fuite, une consommation inhabituelle d'essence ou d'huile moteur ? » Woah, ça fait beaucoup de questions, heureusement qu'elle n'a pas fumé le joint auquel elle pensait tout à l'heure sinon elle serait incapable de suivre ce que l'autre raconte. « Ça a fait un drôle de bruit... Trois fois, je crois, pendant que je roulais. Alors je me suis garée, et ensuite la voiture a commencé à fumer. Je suis sortie et je vous ai appelés tout de suite. Depuis ça fume juste, pas de bruits, ou alors j'ai rien entendu. Et j'ai pas vu de fuites. » Lola essaie d'être exhaustive, supposant que son interlocutrice a besoin du maximum d'informations pour savoir ce qui cloche avec la voiture. Elle l'observe agir sans rien faire, joignant ses mains dans son dos pour jouer avec ses doigts. « Vous pensez que c'est grave ? » Air toujours assez neutre malgré l'embarras dans sa voix, et l'anxiété qui lui ronge le cerveau en pensant à la réaction d'Eira. Finalement elle va peut-être devoir le garder, son job au Roadkill Motel, pour rembourser son amie. « C'est à cause de moi que c'est arrivé ? » qu'elle demande, semblable à une enfant prise en faute malgré ses traits qui sont beaucoup moins expressifs.

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