i didn't like to be touched 'cause i craved it too much. (rudriana#1)

Il y a une panique dans le coeur. Un bourdonnement qui ne cesse pas, depuis un moment. Le silence n'existe plus. Le coeur est enflé par des battements douloureux et vifs, une tempête qui résonne dans ses os, ses organes, et qui tord son ventre à chaque instant. Ruby n'a pas mangé, ce matin. Il ne sait plus ce qu'il a mangé, hier. Le goût de la bile est dans sa gorge, acide, et il remonte dans ses narines lorsqu'il ouvre la bouche. Pourtant, il a brossé ses dents. Il les a brossé jusqu'au sang mais le goût n'est pas présent. Celui du fer. Il n'y a que l'acide de son propre estomac qui remonte à ses narines, mélangé à celui-ci de la fumée qui colle à sa chair, encore. Des jours sont passés. Ruby ne les a pas compté. Il a seulement vu la nuit devenir jour, et le jour devenir nuit. Il a seulement senti l'odeur de sa sueur coller à sa chair et ses vêtements devenir sales. Combien de temps est-il resté enfermé dans sa chambre ? Ses dernières commandes n'ont pas été faites. Il a appelé le restauraut pour leur dire qu'il ne livrerait rien, cette semaine. La prochaine sera identique, certainement. Il n'a pas été au farm market, hier. Sur leur terre, les citrouilles attendent d'être vendu.
Halloween approche, après tout.
Ruby n'y pense pas. Il ne pense pas à grand chose.
La moindre pensée apporte son lot de douleur. Et la douleur est présente, constamment. C'est d'une douce ironie. Le karma, peut-être. Il ne se pose pas de questions. Ruby est persuadé de mériter chaque douleur qu'il vit, subit, et tout autant, il hurle à l'injustice dans le plus grand des silences. Il attend son sauveur mais ne fera que lui mordre la main jusqu'au sang. Il ne sait plus profiter de la gentilesse. Il ne sait plus.
Suzy en est la preuve. N'est-elle pas la plus sainte de tous ? Il a fini par la salir. Il a fini par la ternir. C'est le temps. Il fallait juste un peu plus de temps pour qu'elle soit teintée de noir, comme lui. Il a laissé des traces sur sa chair.
Elle est salie, maintenant.
Et c'est lui qui en paie le prix.
Peut-être les autres ont-ils raisons, alors. Peut-être que les murmures portent une nuance de vérité. Non pas que Ruby ait douté, forcément. Il a toujours cru qu'ils avaient raisons. Après tout, on ne peut être autant de gens à dire une même chose et mentir. Il est maudit. Il est hanté. Il y a quelque chose qui ne va pas, chez lui. Et il essaie. Essaie de se défaire du mal, de ce qui ne va pas. En se lavant, en pleurant, en sanglant et en vomissant. Mais si des choses sortent, ce n'est pas le mal. Et si ce n'est pas le mal, alors que fait-il ? Peut-être, au final, y laisse-t-il encore plus de place.
C'es un poison qui germe en lui, un venin qui se fait confortable dans ses veines et qui, d'une manière ou d'une autre, par le lien qu'il possède avec Suzy, s'est glissé aussi en elle. Charlie avait raison, alors, de rester si loin de lui. De ne pas s'approcher. De le détester. C'est la plus sensée d'entre eux.
Et leur père qui ne comprend pas. Et leur mère, en prison, qui ne peut que dire à quel point il est précieux. Fut un temps où il aimait entendre ses douces paroles. Maintenant, elles sont aussi coupantes que les plus violentes qu'il peut entendre.
Il ne mérite aucune douceur. Il ne mérite aucune épaule douce sur laquelle se poser, ni même de caresses contre sa chevelure, ou de réconfort.
Pourquoi est-il là, alors ? Le soleil est difficile pour ses iris. Les rues sont bondées, le jour est encore levé. Il ne saurait dire l'heure. Il n'a pas regardé. Ruby s'est refusé à réfléchir pour parvenir ici. Et le corps tremble tandis que l'esprit réalise le désespoir qui l'habite, la folie qui l'a traversé.
Il ne s'est pas approché d'un coven depuis qu'ils ont fui le leur, depuis l'exclusion de leur mère.
Et il y a une odeur de fumée, encore, dans son nez.
Le mix lui donne envie de vomir. Il n'y a plus rien dans son estomac depuis un moment.
Assis dans la voiture, le moteur éteint, Ruby ne bouge pas. Il perd le courage qu'il possédait, en venant. L'immeuble est face à lui, et la femme est à l'intérieur. Dans son téléphone, son numéro repose. Elle lui a donné il y a des semaines déjà, il y a longtemps. Ruby l'a gardé, qu'importe s'il voulait s'en défaire. Il ne fait pas confiance aux sorcières.
Et pourtant.
Les doigts tremblent, le corps ne bouge pas.
Le moteur reste éteint et, avec trop de force, il envoie un message à Adriana.
Je suis dehors.
Avant de balancer le téléphone sur le siège passager, brûlé par sa propre faiblesse.

i didn't like to be touched

'cause i craved it too much

RUBY & ADRIANA

C'était sa période préférée de l'année, qui s'approchait. A une époque, quand elle était une simple sorcière, elle devenait de plus en plu surexcitée à l'approche de la Samhain, et surtout de la fête des Morts qui la suivait de près. Elle avait une grande fascination pour l'histoire de son coven, bercée par les histoires de son abuela, l'aînée parcheminée qui semblait posséder toute la sagesse du coven... à défaut de celle du monde. Les traditions qui avaient survécues, de bouche à oreille, et dans les grimoires familiaux... Elle s'était toujours sentie si fière, d'être l'héritière d'une histoire si riche, que les Zapien aient conservés une partie de leur identité même si elles vivaient parmi les blancs, au seine d'une autre culture... Mais maintenant qu'elle était head witch, la période d'Halloween n'avait plus rien d'un amusement.

Adriana était presque noyée sous les papiers, dans son grand bureau dans lequel s'engouffrait la lumière dorée d'un soleil encore à son apogée, pente descendante, mais pas encore éclipsé par la nuit qui tombait de plus en plus tôt. Elle vérifiait les bons de commandes pour les préparatifs. Afin que le rituel de la Samhain se passe sans accroc, il fallait qu'elle s'assurer que tous les ingrédients était disponibles en nombre suffisants. Il fallait aussi qu'elle suive les préparatifs de la fête des morts, et des décorations pour la clinique pour le bien-être des patients... il avait notamment fallu trouver un nouveau fournisseur au dernier moment, pour les fruits et légumes, elle avait besoin de belles citrouilles mais Ruby avait cessé de donner des nouvelles...
...Elle s'inquiète pour le jeune homme, qui a manqué sa dernière livraison. Cela avait fortement déplu à Adriana, si à cheval sur les emplois du temps. Ce manquement à un engagement était ressentit comme une insulte pour la confiance qu'elle lui avait donné, malgré la mauvaise réputation qu'il traînait comme une ombre... Une réputation qu'elle pensait infondée, exagérée, comment un si jeune garçon, si innocent, pouvait mériter toute cette médisance ? Entre agacement et inquiétude, la head witch était si submergée de travail qu'elle n'avait pas eu l'occasion de le contacter pour obtenir des explications. Et puis de jours étaient passés, et c'était en tombant sur ce bon de commandes de citrouilles qu'elle pensait à la jeune sorcière au potentiel qu'elle savait inexploré.

Si bien que la coïncidence, lorsqu'elle reçoit le sms, quelques temps plus tard est plus qu'énorme (rien que le fait que son téléphone portable fonctionne, déjà). Or, Adriana est une sorcière. Elle n'a jamais cherché à tout comprendre, tout expliquer. L'explicable est magique, les coïncidences sont magiques, la hasard est magique.... Leur monde est emplie de magie plus ou moins bien perçue, plus ou moins ressentie... Ce n'est pas pour rien, que la plupart des sorcières tiraient leurs forces de la nature. Seules certaines étaient des exceptions, comme Adriana elle-même, et on voyait ce que cela donnait... une anomalie, une guérisseuse qui ne peut pas guérir.

Elle jette un regard sur son bureau qu'elle gardait rigoureusement organisé en piles nettes, malgré l'agitation de ce mois d'octobre. Elle est récalcitrante, à abandonner une tâche en plein milieu, mais la tendresse qu'elle ressent pour le jeune homme qui l'attend gagnent. Adriana veut s'assurer qu'il va bien.

Elle enfile une veste assortie à sa jupe, avant de sortir affronter l'air frais, embarque son sac à main et ferme soigneusement la porte à clé avant de sortir du compound. La sorcière cherche des yeux une silhouette diaphane qui aurait bien besoin de prendre le soleil, comme ses plantes. Recherche infructueuse. Elle fronce les sourcils, s'apprête à l'appeler, lorsqu'elle reconnaît la voiture. Etrange.

Adriana s'approche, toque doucement à la fenêtre passagère avant de s'y inviter, évitant de justesse de poser ses fesses sur le portable du conducteur. Elle pose l'objet en sécurité, sur la plage avant, essaie de ne pas penser au nombre de microbes qui y pullulent, échoue. Alors qu'Adriana se serre d'une bouteille de gel hydroalcoolique bio pour purifier ses mains, son regard se pose sur le profil de Roby. A demi tournée vers lui, Adriana observe, Adriana ressent, sans même user de son pouvoir, lé détresse.

« Bonjour Ruby. » Le moteur est froid. Cela doit faire un moment, qu'il attend dans sa voiture. Bien avant de l'avoir prévenue. Elle connaît assez peu la sorcière, finalement, mais elle sait qu'il n'aurait pas pris l'initiative de venir vers elle sans raison. Alors Adriana lui sert un simple sourire et sa bienveillance habituelle. « Je m'apprêtais à passer à la ferme, prendre de tes nouvelles. Tu me semble bien pâle, tu as attrapé froid ? »

Un coup de froid dans le corps, ou un coup de froid dans le cœur, c'est la question.