Rainy Pitch (ft. Qiu)

Sujet: Rainy Pitch (ft. Qiu) Dim 27 Sep - 0:45

Rainy Pitch
< @Song-Il Son & @Qiu Baxter >
septembre 2020

Pluie.

L'averse qui abreuve la terre, parfume le bitume et refroidi les corps.

Battante.

Elle cogne contre les vitres, contre les toits, ruisselle dans les rigoles et les gouttières, les fait chantonner d'une voix monotone et répétitive.

Le temps s'est rafraîchi sans crier gare; deux jours plus tôt le soleil était encore éclatant et chaleureux. Aujourd'hui il n'est simplement que lumière douce, lointaine, rattrapée par le vent et les pluies. Song-Il en a été la victime malheureuse aujourd'hui même. Parti faire ses courses au marché maraîcher, vêtements légers et amples pour le laisser respirer face à la chaleur persistante, il fut pris au beau milieu de l'orage, trempé jusqu'à la moelle une fois de retour à son appartement, toujours aussi vide, solitude solitaire tenace.

C’était un rare jour de repos pour Song-Il, cadeau précieux, rare, qu’il utilisait pourtant pour… cuisiner. L’hiver approchant à grand pas, il était temps de remettre quelques soupes à la carte et il était bien déterminé à convaincre ce tête de chef que l’une de ses revisites méritait d’avoir la place belle dans les nouveaux plats de saison, venant s’ajouter à l’habituelle carte fournie. Cette soupe de poulet au ginseng, voilà un moment qu’il essayait de la parfaire, la sublimer. C’était dans le premier restaurant qui l’avait formé, petite enceinte vétuste, presque miteuse et pourtant si authentique, qu’il en avait goûté. Il en avait cuisiné plusieurs au cours de sa longue carrière derrière les fourneaux mais il trouvait toujours un élément à critiquer, quelque chose qui n’allait pas pour qu’il soit entièrement satisfait. Cette fois-ci serait la bonne, il fallait croire. Au pire, le résultat final serait tout à fait du goût du Dragon Den, mais pas exactement à celui de Song-Il.

Il n’y avait plus qu’à mijoter.

En attendant, le coréen s'affairait à préparer la séance d’entraînement de ce soir. Entraînement de football, le vrai. Pas cette espèce d’hybride avec le rugby que vénère les habitants du coin, non. Song-Il parle ici de football (de… soccer, le mot le répugne, bouche grimace, bouche dégoût), celui qu’on joue avec le pied, celui que le monde s’arrache et où l’hymne de la Ligue des Champions donne parfois plus de frissons que son propre hymne national. Aaah… Les grAAAAAAndeuuuh équiiiipes… The chAAAAAAAAAAAmpIOOOOOONS. Rien que d’y penser, Song-Il en avait un sourire rêveur.

Sa jeune équipe était encore loin d’en arriver là, cependant. D’une parce que… La Ligue des Champions (la plus connue), ne concerne que le Vieux Continent européen. Et de deux, car il ne peut même pas se targuer d’avoir une équipe complète. Il peut tout au plus faire un five, voire un match à 7 en poussant bien (et en harcelant, suppliant, c’est selon, une bonne partie du Dragon Den). Pas de quoi frimer, donc.

C’est qu’il était têtu, pourtant, avec son idée de club de foot. Le Sporting Club Savannah United, ça avait de la gueule en plus. Ouvert à tous, équipe mixte, il pensait pouvoir attirer au moins onze personnes afin de pouvoir entrer dans un championnat amateur. Mais il fallait reconnaître que le désamour entre le ballon rond et les Etats-Unis n’était pas qu’un mythe. Et avec la pluie… Le temps ne le dérangeait pas, il ferait foot même sous la neige, mieux encore, la pluie le galvanisait. Il se trouvait toujours plus motivé, prêt au combat, quand il jouait sous la pluie, prêt à toutes les tentatives sur la cage, toutes les courses sur le terrain. Il trouvait qu’il y avait véritablement un aspect dramatique non négligeable, cette sorte d’aura qui font souvent les grands matchs - légendaires - et qu’importe s’il se fait sur un terrain boueux à peine jouable avec des joueurs moyens et parfois bedonnants.

Soupir.

Il savait que tout le monde n’était pas comme lui, pas un “obsédé de la pelouse” comme disait Chu Young. Il espérait que la pluie cesse ou, tout du moins, qu’elle faiblisse un peu pour ne pas rebuter le maigre effectif qu’il avait pu rassembler jusqu’à présent.

Il ne s’arrêta pas de pleuvoir.

La pluie ne faiblit pas.

Pire encore, elle avait redoublé en intensité maintenant que le jour cédait sa place à la nuit. Pour autant, Song-Il était bien déterminé à s’entraîner, même s’il devait se retrouver seul. L’imperméable fermé jusqu’à son menton, il enfila ses crampons fétiches, de vieilles Puma qu’il avait acheté à Bergame et qu’il userait jusqu’à la moelle. Il s’aventura sur le terrain synthétique (pas moyen de trouver une bonne pelouse véritable par ici) et commença à poser des plots ici et là, délimitant parcours et zones, désireux d’allier physique et technique aujourd’hui.

Toujours personne.

Song-Il laissa échapper un nouveau soupir. Ce ne serait pas la première fois qu’il s’entraînerait tout seul, il l’avait déjà fait à maintes reprises, mais l’esprit collectif et solidaire d’une équipe - d’une famille - lui manquait. Il entama donc seul l’échauffement, courant autour du terrain. Mais il eut tout juste le temps de faire un tour complet qu’il remarqua la silhouette fine autour du sac à ballons. A travers les gouttes de pluies, il reconnut le petit serveur du Dragon Den, Qiu. Song-Il sourit à pleine dent, incapable de se retenir, en voyant qu’il y avait au moins un courageux pour le suivre aujourd’hui. Il se reprit vite, tentant de paraître un peu plus professionnel et sérieux. Il était après tout joueur, mais également entraîneur de l’équipe.

«T’es en retard, Baxter. »

Sujet: Re: Rainy Pitch (ft. Qiu) Dim 1 Nov - 14:17

Il faut des premières fois à tout, paraît-il. Qiu n’avait pas prévu, pourtant, que celle qui suivrait son premier baiser serait la première fois qu’il arrive en retard quelque part. Et si ce n’est déjà pas un comble en tant que tel, la cause de son retard est une ribambelle de baisers de laquelle il rougirait aisément s’il n’y avait pas toute cette pluie pour refroidir l’atmosphère. Le début de la soirée était calme et chaste, il lisait tranquillement installé sur le lit de Yasmin tandis que celui-ci étudiait un énième manuel de droit, avec cet air si concentré que Qiu contemple parfois, caché derrière la couverture d’un de ses romans gothiques. Il lui est parfois difficile de concilier l’image du Yasmin studieux et sérieux avec sa première impression de lui, tout en sourire et exubérance, mais il est heureux d’en découvrir chaque jour un peu plus, en se rappelant qu’il y a quelques mois de cela il faisait tout pour ne pas qu’il s’approche.
A l’époque, Yasmin s’approchait quand même, et ça n’a pas vraiment changé, puisqu’il suffit que Qiu déclare qu’il doit y aller pour que son petit ami oublie soudain ses lois et se retourne vers lui, une moue au bord des lèvres. Il quitte l’appartement une bonne trentaine de minutes plus tard au lieu de cinq, mais il le quitte quand même. Qiu ne peut pas rompre une promesse, il s’est engagé à venir aux entraînements du club de Song-Il, alors il ira coûte que coûte, peu importe s’il pleut des cordes ou s’il pleut des baisers. Ce n’est pas qu’il est particulièrement intéressé par le football – il ne l’est pas du tout, en fait, il n’avait aucune idée que les clubs anglais étaient si reconnus avant que Song-Il lui fasse un topo complet, estomaqué qu’un Britannique ne connaisse aucun joueur de Liverpool ou de Manchester. La vérité, c’est qu’il s’embarque toujours dans des histoires pareilles parce qu’il est incapable de dire non. Et son retard l’angoisse bien plus qu’il ne le devrait. Evidemment, que le cuisinier ne lui en tiendra sûrement pas rigueur, d’autant plus que Qiu est le plus ponctuel de l’équipe, d’ordinaire, il est toujours là, prêt, le ballon au pied dix minutes à l’avance, si ce n’est plus. Mais Qiu est comme ça. Il déteste être impoli, ça lui file une boule au ventre et il se dépêche pour minimiser l’attente de son coach et de l’équipe. Il y serait allé direct depuis l’appartement de Yasmin, au fond, si jouer couvert de chaînes en combat boots n’était pas délicat.
Après un détour par chez lui pour enfiler un training et des crampons d’occasion, donc, c’est à moitié trempé qu’il débarque sur le terrain, sous un parapluie qui a préservé ses cheveux jusque-là. Il ne sait pas trop pourquoi il s’est donné cette peine, de toute façon il ne va pas s’entraîner avec un parapluie. Même en Angleterre, ils ne font pas ça. Et c’est les sourcils froncés qu’il constate qu’il est le seul à avoir fait le déplacement, à l’exception de leur entraîneur qui a déjà commencé l’échauffement, à l’autre bout du terrain. Qiu referme son parapluie et le pose à l’abri sous un muret, s’empare d’un ballon avant que Song-Il n’arrive jusqu’à lui. «T’es en retard, Baxter. » Les lèvres se pincent légèrement, désolé, il s’incline, pour s’excuser, ça ne se reproduira plus. Il prend les choses trop au sérieux, comme toujours, l’embarras trop grand par rapport à une situation qui est coutumière pour beaucoup de gens. Yasmin arrive souvent en retard, ça ne l’empêche pas d’arriver avec un sourire immense et adorablement désinvolte. Il jette un regard autour d’eux, vérifie s’il n’y a vraiment personne d’autre, bien que ses sens ne lui permettent pas de faire abstraction d’un être vivant dans les cinq cents mètres à la ronde, même sous une pluie battante. Personne d’autre n’est venu ?, qu’il demande pour la forme, et pour chasser un peu de son embarras, les yeux posés sur Song-Il et l’eau qui ruisselle sur son visage. L’image est belle, il imagine que c’est ce que font les vrais passionnés, pratiquer ce qu’ils aiment qu’il vente ou qu’il pleuve. Quand ils ne sont pas simplement trop polis pour se désister.