a girl is a gun ((caleb#1))

Garder son calme quand la tempête rage au fond de lui a toujours été une épreuve de patience. Wes n'aime pas attendre, il n'a jamais été du genre à laisser les choses venir à lui. Si ça avait été le cas, il serait encore à mendier dans la rue et dormir dans des squats. Il faut parfois forcer la main du destin si on veut espérer tirer quelque chose de cette vie, qui donne aux uns et pas aux autres, qui décide de manière aléatoire des heureux et de ceux qui mordent la poussière. Il n'est pas soumis, il refuse de laisser une force invisible lui dicter ce qu'il doit faire. Et pourtant, il y a des centaines et des centaines d'inconnues et il n'est pas doué en équations. Quoi qu'il fasse, il y aura toujours un grain de sable pour se glisser dans les rouages de ses plans et venir faire capoter sa réussite. Ce grain de sable insignifiant porte un nom : Layla Zapien.

Le respect qu'il porte aux femmes est égal à sa méfiance, il sait de quoi elles sont capables, tout comme ils sait ce que les hommes sont aussi capables en leur présence. Il a remarqué ces derniers temps des regards qui ne trompent pas et il a fini par avoir les informations qu'il cherchait. Cette fameuse inconnue qui lui manquait. Objectivement, les affaires de Caleb ne sont pas les siennes, dans les faits c'est autre chose. Il se bat pour lui, Wes lui a offert un toit, une vie décente, de belles promesses. En retour, il veut que l'argent continue de rentrer, il attend de l'efficacité. Le loup n'a pas spécialement envie qu'un louveteau soit distrait par une jolie fille qui agite ses courbes devant ses yeux, les sorcières sont plutôt doués pour ça. Lui même n'est pas insensible aux charmes de certaines dames, il sait très bien l'effet que cela procure. Ce n'est pas quelque chose de l'on contrôle, c'est qui le rend dangereux, le désir est la pire forme d'abandon. Wes voit le monde de manière binaire, mais il n'a jamais apprit à le voir autrement, il y a les séductrices et les séduits, cette dernière catégorie n'étant pas la bonne. Lui n'y connaît rien à la passion ou l'amour, pas dans les détails. Sentiments et affaires ne font pas bon ménagé. Son réconfort il le trouve dans ce vieil appartement miteux, dans la compagnie de ses combattants et de la moiteur de l'arène quand il assiste aux combats. L'argent qui lui offre tout ce dont il a besoin, tout ce dont il désire.

Si Layla a raison, il ferait bien de remettre Caleb à sa place. Il est possible que Wes craigne qu'il lui échappe, l'homme ne sait pas ce dont il est capable dans ce contexte. Il ne veut pas savoir. Il n'a pas envie qu'elle se mêle à eux et que Caleb se mêle à la vie des autres. Wes attend qu'il rentre pour le confronter, assis sur le vieux canapé en cuir élimé. Il demeure impassible quand il entend la porte d'entrée, mais si son corps reste immobile, ses yeux scannent leur environnement pour se poser sur Caleb, une lueur mauvaise dans l'iris. Il jauge le garçon sans rien dire, les lèvres pincées, puis après un instant de silence tendu, hoche la tête pour le saluer. « Assied-toi. » Grogne t-il sur le ton de l'ordre, car il ne sait pas parler autrement. Wes ne s’embarrasse pas avec de longues phrases, il n'a pas le vocabulaire pour. Ce qui dit n'est pas toujours à la hauteur de ses pensées. « On doit parler. » Il l'invite à lui faire face, comme un père prêt à sermonner un gosse pour une terrible bêtise. Qu'importe que cette bêtise ne soit pas encore arrivée. C'est on boulot d'anticiper et de doubler les gens.

T'as passé ta journée à flâner dans le witch market, pas vraiment là pour profiter des étales diverses et variée. Pas plus que pour les échantillons, qu'on t'a proposés à tour de bras. Goûter-ci. T'étaler ça sur ta nuque. A te promettre monts et merveilles en buvant cette décoction. Et autres trucs dont les sorcières ont le secret. T'es loin d'être idiot, tu sais que la moitié de ce qui se trouve ici n'a aucune valeur magique, que de la poudre aux yeux des touristes qui s'amassent ici chaque jour. Et c'est bien là la seule raison de ta présence en ces lieux. Les touristes. Idiots écervelés, subjugués par les cristaux de toutes les couleurs, par les odeurs des herbes séchées. Trop occupés à se faire arnaquer par les sorcières qui profitent de leur crédulité pour remarquer qu'un loup, glisse ses doigts dans leurs poches, pour en ressortir leurs portefeuilles. On ne leur a donc jamais appris à ne pas garder leurs objets de valeurs dans leurs poches ? Tu ne vas pas te plaindre de leur bêtise, bien au contraire. Tu fais ton beurre comme ça. Les heures s'égrainent, ton butin gonfle. Ce n'est jamais vraiment grand-chose, mais c'est toujours ça. Tu as même réussi à dérober une montre de luxe au poignet d'un touriste allemand, alors que tu lui demandais ton chemin. Tu peux remercier Wes pour ce talent, qu'il a su t'apprendre, comme tant d'autres choses aussi.

Wes, enfin Raquel, ce mec qui t'a pris sous son aile. Pas vraiment commode, pas vraiment hyper loquace, pas plus démonstratif non plus... mais sans qui, t'es pas certain d'être encore là. D'être encore en vie. Ouais, tu fais ta dramaqueen, tu serais sûrement encore vivant, mais t'es pas certain de l'état dans lequel tu serais. Parce qu'avant lui, t'étais encore à squatter sur un morceau de carton, dans un coin sombre de la ville. Réussissant parfois à trouver une bourgeoise en quête d'aventure, pour tromper son ennui (et son mari), prête à t'emmener dans une chambre d'hôtel de luxe. Nuits honteuses, que tu as arrêté de compter, mais qui te permettaient de manger. T'as jamais su, s'il savait ce que tu faisais pour survivre avant, vous en avez jamais parlé. Et même si ta vie à présent n'est plus rythmée par les repas gastronomiques, tu es loin de t'en plaindre. Certes, t'es pas encore dans le droit chemin, mais t'es plus non plus à faire le tapin, et pour ça, tu sera jamais assez reconnaissant.

Tu rentres, après avoir amassé un butin pas trop dégueulasse. Entre les liasses de billets, une montre et quelques chaînes que t'espères en or, t'es plutôt satisfait. La porte se referme derrière toi, sourire aux lèvres ton regard croise celui de Raquel. Et ça te prend pas une éternité avant de capter que quelque chose lui plaît pas. Mais c'est pas pour autant que tu te laisses démonter. Simple hochement de tête pour te saluer. Ok. L'ambiance n'est pas au beau fixe. « Bonjour, Wes. » Tu appuies bien sur tes mots, comme un rappel des bonnes manières, légèrement insolant. Même si Wes est la chose qui se rapproche le plus d'une figure paternelle aujourd'hui, dans ta vie, ça ne t'empêche pas de jouer parfois avec le feu avec lui. Il t'ordonne de t'asseoir, et tu t'exécutes, avec toute la nonchalance d'un adolescent, qui n'en a rien à foutre de la tempête qui est sur le point du lui tomber sur le coin de la gueule. « Si c'est pour parler de hier soir, j'crois pas qu'on ait établi de couvre-feu. » Tu continues sur un ton de petit effronté. T'as beau savoir qu'il va te reprocher quelque chose, t'es pas du genre à accepter des remontrances aussi facilement.

Il ne déloge pas de sa position et laisse Caleb venir à lui, l'autre ne cache pas son manque de volonté alors l'adulte ne cache pas son mécontentement. Ses yeux demeurent deux fusils pointés dans sa direction, chargés, prêt à tirer. Il attend juste le bon moment, Wes est un opportuniste, les bons moments, il sait les saisir. Il se demande parfois où il trouve cette patience avec ses protégés, celle qui lui manque au quotidien. Il n'a pas de temps à perdre avec les autres et se renferme dans cette solitude salvatrice où personne ne vient l'emmerder. Pourtant, sans eux, sans Caleb et Aya, il réalise que sa vie serait terne, vide de sens. Il n'est pas insensible à la solitude. C'est son plaisir coupable de leur apprendre ses stratagèmes, ses filons et sans doute cherche t-il a réparer quelque chose qui s'est brisé chez lui en s'occupant  de louveteaux abandonnés à leur triste sort. Il ne cherche pas à se savoir, la psychologie c'est bon pour ceux qui cherchent à se donner de l'importance. Il ne leur fera jamais part de l'attachement qu'il ressent pour eux, il ne peut que le montrer au travers de cette possessivité maladive et intéressée. Son soupir se mue en grognement, la mâchoire trop serré pour écarter ses lèvres. L'attitude de Caleb l'énerve. La liste des choses qui ne le rend pas grincheux est courte et son nom n'y est pas inscrit. Le loup prend sur lui et la voix se fait de miel, prétend s'inquiéter de sa journée, au prix d'un effort coûteux. « La pêche était bonne ? » Une gifle, suivie d'une caresse. C'est toujours ainsi, il passe du sucre sur les plaies.

Si il pouvait avoir des yeux partout, Wes s'assurerait de savoir que ses petits protégés font à chaque instant, il ne leur laisserait pas une seconde de répit. A défaut d'en avoir la possibilité, il ne se gène pas pour empiéter sur leur vie privée, faire ses recherches quand quelque chose lui met la puce à l'oreille. Il connait tout d'eux, alors que eux, ne connaissant pas un quart de son histoire. C'est peut-être injuste, c'est comme ça. Une part de lui voudrait les retenir, mais on ne tient pas un loup en laisse, cette illusion de liberté qu'il accorde est à double tranchant. Il est le plus à plaindre dans l'histoire. Il est celui qui s'inquiète sans cesse, même quand il prétend ne pas le faire.. Même quand il prétend n'en avoir rien à faire.
Wes craint toujours qu'on lui plante un couteau dans le dos, il n'accorde pas sa confiance si facilement. Quand les sentiments s'en mêlent, l'esprit est trouble. Il se braque encore plus, à la simple idée que cette Layla puisse jouer de ses charmes avec Caleb, et inversement, un profond dégoût au goût de cendre. Il refuse qu'on mette le grappin sur sa marionnette, il est le premier à avoir sorti Caleb de la misère. Il est celui qui mérite toute son attention.  « Tu étais avec cette Layla ? » Qu'il crache presque, comme si il venait de découvrir qu'on le trompe. Il ne s'encombre pas de manières, de délicatesse. Il l'a jette dans les chiottes et tire la chasse. Caleb est assez grand, nul besoin de s'armer de pincettes. Raquel l'accuse de but en blanc, il s'avance sur une histoire dont il ne connait pas toutes les ficelles. Qu'importe, il faut parfois prêcher le faux pour découvrir la vérité. Ils sont des voleurs, ils ne font rien sans avoir une idée derrière la tête. C'est dans leurs gênes.

Plus affalé sur ta chaise, que réellement assis, tu toises Raquel de ton regard le plus insolant. Curieux de savoir ce qu'il va avoir à te reprocher d'ici quelques secondes. Un peu trop sûr de toi, quant à l'absence totale de choses sur lesquelles il pourrait avoir quelque chose à redire. Tu t'es montré plutôt bon élève ces dernières semaines. Tu as toujours ramené de quoi payer ta part du loyer, tu as plutôt bien combattu, et tu as plutôt bien managé les effets secondaires de ton utilisation de ton bijou de Lune. Tu en es persuadé, Wes n'a absolument rien à te reprocher, et tu te feras une joie de le contredire. Petit impertinent, un peu trop fier de pouvoir jouer au plus malin, avec celui qui se rapproche le plus d'un père pour toi aujourd'hui. Et lorsqu'il te demande si la pêche a été bonne, tu ne te laisses avoir par son ton de miel qu'à moitié. Tu commences à le cerner, chose plutôt ardue quand on parle de Wes, mais quelques uns de ses schémas ne te sont plus totalement inconnus. « Pas trop mal. » Tu réponds, l'air faussement modeste, en sortant de ta sacoche les objets et autres billets dérobés plus tôt. Tu demeures quelque part méfiant, même si une partie de toi aura toujours tendance à se radoucir dès que Raquel se montre plus tendre. Tu sais pourtant que c'est une erreur, que la suite n'en fera que plus mal, mais c'est plus fort que toi.

Alors quand cette fameuse suite arrive, il reste un coté de toi qui est pris de court. La question est surprenante. Qu'est-ce que Layla vient faire là ? En fait non, ce n'est pas tant la question qui te trouble, mais plus le ton utilisé. Wes ressemble soudainement à une femme, dont tu serais le mari volage, et qui réclamerait soudainement des explications. Et tu tiques sur l'agressivité qui accompagne le prénom de la sorcière. Tu ne vois pas ce que cette question vient foutre là. Confrontation sortie de nulle part et totalement injustifiée. « Qu'est-ce que ça peut t'foutre ? » Si Raquel montre peu de diplomatie, tu t'aligneras donc sur lui. Tu montres les crocs, switchant de l'adolescent effronté, au jeune homme prêt à attaquer. Tu n'as jamais su faire dans la subtilité bien longtemps. Plutôt du genre impulsif, mais surtout nerveux à l'origine, ta colère sous-jacente n'est un secret pour personne. Et Raquel le sait mieux que quiconque, mais contrairement à beaucoup, tu ne l'effraies pas lorsque tu te fais plus violent, que ce soit dans ton attitude, tes mots ou même tes gestes. Cela ayant déjà donné lieu à des affrontements entre vous, même si tu ne te souviens pas en être déjà venu aux mains avec lui, ne serait-ce qu'une seule fois. Parce que Wes est plus subtil que toi, qu'il saura sûrement toujours comment obtenir ce qu'il désire venant de toi, sans même que tu ne le réalises. « J'dois t'faire un rapport sur qui j'vois, quand je sors de baraque, maintenant ?! » T'ajoutes, montant d'un cran dans l'agressivité. Toi qui pensais qu'il allait te reprocher quelque chose, tu ne t'es pas vraiment trompé, pourtant la raison invoquée, elle te fout sur le cul. Tu ne t'y attendais pas. Tu n'as pas souvenir, qu'il ait jamais demandé quoi que ce soit à Aya sur les mecs qu'elle fréquente. Ou alors, il l'a fait, et elle ne t'en a jamais rien dit... Tu t'es redressé sur ta chaise au cours de l'échange, à présent assis convenablement, légèrement penché en avant, vers Raquel. Ton regard planté dans le sien, prêt à mordre s'il s'aventure un peu trop près du sujet Layla.

Dans un calme apparent, ses mains agiles se saisissent du butin de Caleb. Ignorant ouvertement ses piaillements d'oiseau tombé du nid, il fourrage dans les babioles et se met les billet dans sa poche. Nul commentaire encourageant ne vient le rassurer sur la bonne pioche, il ne joue pas à ce petit jeu là. Wes change de stratégie, volte-face intentionnel dans son attitude, il le méprise de part son indifférence. S'adapte à son adversaire, il est conforté dans son opinion déjà bas du garçon ce soir. Il serait trop satisfaisant d'accorder à Caleb la joute verbale qu'il désire, il le laisse aboyer, incapable de le mordre. Parfois, Wes contemple l'idée qu'un jour le louveteau puisse se décider à lui sauter à la gorge, il anticipe son dérapage avec fascination. Ça, ce serait réellement le surprendre, mais il ne le fait pas. Il reste égal à lui même,d défendant son bout de viande avec intérêt. Il ne nie pas et c'est assez pour lui faire gonfler sa poitrine et pétiller ses yeux avec ce lueur de victoire. Caleb a encore des choses à apprendre, à commencer par comment gérer sa colère. Il est trop simple de lui tirer les vers du nez, ce n'est même pas drôle. Il est trop satisfaisant de le voir se débattre avec ce qu'il est convenable de demander ou non. Qu'importe qu’objectivement, Raquel n'ait pas besoin de savoir. C'est lui qui fixe les règles et si il estime que le louveteau à besoin qu'on surveille ses fréquentations, ainsi soit-il.

Les yeux rivés sur une jolie bague, il la fait tournoyer entre ses doigts, nonchalant, mettant à mal la patience du plus jeune. Il pourra le revendre pour une belle poignée de dollars celle là en la faisant passer pour un trésor d’orfèvrerie. Il suffit de trafiquer la pierre pour se faire le triple chez un bijoutier peu zélé. Perdu dans ses pensées, il laisse deux bonnes minutes s'écouler avant de reprendre la parole.  « Peut-être. » Wes donne l'impression de ne plus s'intéresser à leur altercation, absorbé par son estimation. Peut-être qu'il devrait tout lui dire, mais serait-ce nécessaire ? Il sait déjà tout ce qu'il doit savoir. Si Caleb ne sait pas couvrir ses traces c'est son problème. C'est aussi une part de ce qu'il lui reproche. Que croit-il ? Que Wes a confiance en lui ? Cette confiance est aussi fragile que cristal, aussi précieuse. Si elle est bien entretenue, il peut se faire père aimant et lui offrir la vie qu'il mérite. Loin de la rue, des combats quand il pourra se ranger, loin de l'incertitude. Il peut aussi  faire ce semblant de vie un enfer terrestre. «   J'attendais plus de discrétion de ta part. » Sa mâchoire se crispe. Avec précaution, il repose la bague sur la table basse, lent et maîtrisé. Ses mains sur se crispent sur ses genoux comme des serres. Elles voudraient de la chaire tendre. « Je suis un homme Caleb, ne me prend pas pour un idiot. »  On s'attache vite aux belles créatures. Lui n'a jamais eu ce problème, son coeur est une forteresse. Qu'en est-il d'un chenapan enragé contre le monde entier ? Wes ne sait plus lequel des deux il désire incendier en premier, entre Caleb et Layla, cette sorcière qui profite sans doute de l'innocence de son cabot. « Ça me regarde, parce que je ne veux pas d'un louveteau qui pense avec sa bite. » Il articule avec précision chacun de ses mots pour appuyer son propos. Il n'est même pas à l'apogée de sa colère, elle commence tout juste à embrasser ses prunelles et faire monter sa température.