jesus fucking christ ((qiu#1))

Il a pour rituel d'allumer un cierge pour sa mère. Il le fait pour elle, pas pour lui, car le geste ne lui apporte plus aucun réconfort depuis longtemps. Le dieu qu'il a prié dans sa jeunesse ne l'a jamais entendu et si il l'a fait, il est resté silencieux. Les dieux sont ainsi, ils regardent le monde évoluer sous leurs yeux et gardent les lèvres pincées, puisqu'il joue lui même à être le dieu de ses louveteaux, de ses enfants, il connaît bien le sentiment. Le véritablement jugement dernier, c'est une silence, c'est une solitude. Il est possible de bouger les gens comme des pions, mais il est impossible de prévoir les mouvements de l'adversaire, si dieu existe vraiment, il ne peut rien faire pour ceux qui souffrent. Il ignore contre qui il joue dans cette vie, Wes se réconforte dans des petites victoires qu'il veut toujours plus grandes. Il allume des bougies et se permet de penser à autre chose que sa propre personne. Il essaye d'imaginer le visage de sa mère si il devait la croiser demain dans la rue, il essaye de voir les traits de son visage et de déformer la peau, glisser quelques rides d'expressions pour avoir des traits fidèles à la réalité. Dans les bons jours, il arrive à voir ses yeux, le reste s'est perdu dans sa mémoire, comme une tâche floue, il a oublié le visage de son père, de ses soeurs et même celui des chasseurs qui lui ont fait du mal. Les mots restent, pas les images.

Ils ne sont pas nombreux dans l'église à l'heure ou Wes y fait un crochet. Des personnes âgées discutent sur le parvis de la pluie et du beau temps tandis qu'il se faufile sans un bruit, sans même un regard pour ces gens. C'est en fin d'après-midi, il préfère éviter la foule, à cette heure là les gens rentrent chez eux où commencent leur soirée. Elle est austère et il fait bon, un peu frais à son goût, un frisson traverse son échine. Le parfum de l'encens est doux dans ses narines, il évoque un sentiment rassurant qui le ramène des années en arrière. Il lui arrive d'en faire brûler dans l'appartement pour faire fuir les mauvaises énergies et assainir l'air, les logements de West Savannah ne sont pas le grand luxe. Il ne s'imagine pas vivre ailleurs. Les pas sont automatiques, il ne s'agenouille pas dans la nef et file simplement là où sont stockées les votives. Il glisse quelques pièces sans le tronc pour se rendre compte quelques instants pus tard qu'il n'y a plus de cierges. Il sent la chatouille de la colère le gratter, mais il décide de se contenir. Il fallait bien que ça lui arrive un jour, c'est comme le rouleau de papier toilette, c'est une question mathématique. Ce jour est arrivé aujourd'hui, il en est débarrassé pour un moment cela veut dire. Comme il n'y a personne à cette heure, il est le seul à pouvoir demander, inutile de compter sur une vieille aussi remontée que lui. Heureusement pour lui, il repère un visage familier qu'il a déjà aperçu une ou deux fois à la messe, tout ce qu'il sait de cette personne, c'est qu'elle à l'air de travailler ici. « Excuse me. » Il n'est pas certain de savoir comme dire "cierge" alors il se contente de pointer du doigt l'étagère vide et de le fixer avec ses gros yeux noirs et ses sourcils froncés.

Aller à l’église lui apporte toujours un mélange étrange de sérénité et d’angoisse. Il y va plus souvent pour la messe, car écouter le prêtre le détourne de ses pensées, mais ça ne l’empêche pas de s’y rendre aussi pour prier dans le calme. La chose est plus difficile, cependant, il doit réussir à vider son esprit pour ne pas sans cesse revenir à sa mélancolie. Et puis, il arrive aussi que certaines personnes l’observent avec un peu trop d’insistance, et il a du mal à se concentrer. C’est pour cela qu’il s’installe toujours à la dernière rangée, pour ne pas troubler la quiétude du lieu avec ses cheveux bleus. Après avoir salué dans l’allée centrale le Christ sur sa croix, évidemment. Il respecte les gestes et les traditions à la lettre, telles que sa grand-mère les lui a apprises alors qu’il n’était encore que haut comme trois pommes.
Il se souvient, lors de son arrivée à Savannah, avoir aimé cette petite église pour sa sobriété, aucune dorure et ornementation comme il y en avait tant dans la cathédrale gothique de son enfance. Le curé est assez ouvert d’esprit, il n’a pas été outré par l’apparence de Qiu la première fois qu’il s’est présenté à la messe, est même venu lui souhaiter la bienvenue dans la paroisse dès que l’office s’est terminé. Qiu lui parle sans crainte d’être jugé. Ils ne sont pas d’accord sur tout, mais ils se respectent, et c’est le plus important, à ses yeux.
Il a son propre rituel, lorsqu’il vient prier, il s’agenouille, récite les prières toujours dans le même ordre, le même nombre de fois, avant de demander pardon pour ses péchés et de prier pour ses proches. Il va ensuite allumer un cierge en l’honneur des âmes défuntes de sa famille, se recueille quelques minutes devant la flamme, les yeux fermés pour ne pas être tenté de s’y brûler le bout des doigts. Ce serait mal vu, dans une église, quand même. C’est à cette dernière étape qu’il parvient, faisant quelques pas dans la direction des cierges. Il s’arrête en voyant qu’un homme s’y trouve déjà, offrant quelques pièces en guise de don. Il n’aime pas interrompre les prières des autres et décide donc de patienter, près d’un pilier, observant les quelques personnes de l’assistance. Beaucoup sont âgées, il imagine que c’est pareil partout, les fidèles sont vieillissants, les jeunes moins attirés par la religion. Mais il y a sûrement plus de familles le dimanche matin, pas une heure idéale pour un vampire. Il a déjà dû suivre l’ombre des bâtiments, une capuche sur la tête, pour venir en fin d’après-midi, le soleil étant encore bien haut dans le ciel à cette période de l’année. De toute façon, voir des enfants et leurs parents lui ferait un pincement au cœur, lui remémorant ce qu’il a perdu depuis longtemps.
Excuse me. Doucement, il tourne la tête vers l’homme qui, pour une raison qu’il ignore, semble particulièrement irrité. Il ne pensait pas qu’il s’adressait à lui, mais apparemment, si. May I help you ?, demande-t-il, poli. Il s’approche, pour constater qu’au bout de l’index pointé, il n’y a plus de cierges dans la boîte où ils sont habituellement rangés. Il ne sait pas trop ce que l’individu attend de lui, et le fixe un moment sans comprendre. Le croit-il responsable de l’absence de cierges ? Hm. We should find someone from the church to have new candles. Il regarde autour de lui, ne voit personne s’occupant de l’église, pas à sa connaissance, en tout cas. Maybe the deacon is in the sacristy. Il jette un coup d’œil vers la porte de la sacristie, qui est entrouverte, mais reste là, ne sachant pas trop s’il doit faire quelque chose de plus.

Wes est un rustre, il en est désolé. Il aurait aimé être poli comme le garçon aux cheveux bleu, savoir se comporter avec les gens correctement, mais ce n'est pas le cas. Il réagit comme une bête sauvage, garde ses distances et observe son environnement avec les yeux plissés. Il a perdu certaines notions quand il a été maintenu captif et ces blessures ne se sont jamais refermées comme elles auraient du. Il s'attend toujours à ce que la main tendue soit celle pour le battre, les ombres le font grogner. Tout ce qu'il ne voit pas venir, il lui faut alors anticiper, sur-anticiper, se pourrir la vie à essayer de décrypter les gens dans les moindres détails pour être certain qu'ils ne pourront pas l'atteindre. Et avec tout cela, il construit son bouclier, cette identité froide et insensible qui s'exprime avec peu de mots. Il préfère montrer les crocs et se fermer hermétiquement aux autres. Il aura de belles pattes d'oies plus tard, qu'on pourra confondre avec celles que le rire creuse, mais c'est le cadet de ses soucis, un moindre mal. Il ne fait pas confiance. Il est toujours plus déçu par les autres, même quand il pense qu'on ne pourra pas plus le décevoir, déçu d'un rien, déçu d'une personne par le simple fait de son existence. Ses attentes sont grandes, il sait qu'il en demande beaucoup aux autres, tout en gardant la bouche fermée. Il lui est difficile d'exprimer les choses et la barrière du langage ne joue pas en sa faveur. Il y a des mots qu'il ne saisit pas quand l'autre parle, il est obligé de demander. « The what in the what ? » Tout un vocabulaire dont il ne connait pas l'équivalence. Ce sont parfois les accents qui le démangent, mais il a connu pire que celui de cheveux bleus. Il lui redevable d'aller demander pour lui. Maintenant qu'il l'observe de plus prêt, il réalise qu'il ne doit vraiment pas travailler ici. Il ne voyait pas d'autres raisons pour sa présence. « I don't have the time. » Il hésite à disparaître sans un mot et laisser tomber son devoir. Il n'aime pas attendre, ce n'est pas de l'impatience. Il est dérangé par le silence gênant entre deux êtres quand ils attendent tous les deux que quelqu'un fasse quelque chose. Sa mère ne saura jamais qu'il n'est pas venu brûler son cierge, elle ne sait pas qu'il continue de le faire, elle ne pourra pas lui en vouloir. C'est simplement sa conscience et lui. « Can't do their work, jesus fucking christ. » Soupire t-il.

L’homme n’est pas très engageant, un peu brusque, dans ses manières, sa façon de parler, d’indiquer qu’il n’a pas compris un traître mot de ses dernières paroles. Qiu entrouvre les lèvres pour répéter plus lentement, il arrive parfois que les Américains aient du mal avec son accent so british, ou que les mots diffèrent, entre les deux pays. Il les referme presque aussitôt, cependant, en réalisant que c’est sûrement un problème de langues ; l’homme a lui-même un accent prononcé, loin de celui de quelqu’un qui parle anglais depuis son plus jeune âge. Il sait qu’une grande partie de la population des Etats-Unis est hispanophone, peut-être est-ce le cas de son interlocuteur. I don't have the time. Visiblement, l’homme attend une réaction, un mouvement de sa part. Qiu préfère faire ce qu’on lui demande, même si ce n’est pas à lui de le faire, plutôt que de laisser l’embarras s’installer à force de se regarder en chiens de faïence. Il s’apprête à dire qu’il va aller voir dans la sacristie, mais l’homme est déjà aux limites de sa patience, faut croire. Can't do their work, jesus fucking christ. Qiu le dévisage un moment, bouche entrouverte, presque choqué du langage employé. Il a l’habitude des jurons, depuis qu’il est venu à habiter à Savannah. Ce n’était pas chose courante, dans sa famille, ni même parmi son clan, bien qu’Abe en utilisait plus souvent qu’à son tour, leur sire le reprenait quand ce n’était pas Qiu qui s’en chargeait. Il a toujours vécu dans un univers aseptisé, propre de toute injure. Lorsqu’on est agacé, chez lui, on lance un regard noir, et lorsqu’on n’apprécie guère quelqu’un, on le fait savoir en toute élégance. Qiu s’est rendu compte, ces dernières années, que la manière élégante était généralement bien plus cruelle et vicieuse que la grossièreté crue, et n’en tient pas trop rigueur, du coup, quand quelqu’un jure devant lui. Mais là, ils sont dans une église, tout de même. You shouldn’t say things like that here. It’s the house of the Lord, sir. Sa voix est très douce, très polie, Qiu n’essaye pas d’être moralisateur, simplement d’être respectueux, envers l’homme et envers le Seigneur.
Quelques secondes passent, et il reprend : Don’t worry, I’ll go get some. I’ll be right back, murmure-t-il à son intention. Il le contourne pour s’emparer de la boîte vide, et se dirige vers la sacristie en ne faisant aucun bruit, pour ne pas déranger les autres fidèles dans leur prière. Il retrouve le diacre dans la petite pièce, affairé à ranger des papiers, échange la boîte vide contre une nouvelle après avoir échangé un bonsoir. A peine quelques minutes plus tard, il est de retour, la boîte entre les mains. Il en replie les bords vers l’extérieur tout et la tend vers l’homme, dans un geste délicat, accompagné d’un here you are des plus courtois.

Sa voix est douce, Wes n'est pas habitué à ce calme malgré la remarque. Il se marie bien avec cette église et lui fait penser aux femmes qui demandent le silence dans les bibliothèques. D'où il vient, on crie fort pour s'exprimer, on hausse la voix pour se faire entendre par dessus celle des autres et c'est à celui aura la plus forte. Il a apprit à rugir se faire comprendre et utiliser des mots qui ne sont pas toujours jolis, le plus important étant qu'ils soient efficace. Il s'est tut avec les années, l'amour pour la poésie n'est pas venu avec l'âge et la sagesse. La poésie, il peut la voir dans la nature quand il pose ses yeux sur ses créations. Il apprécie les paysages, les plantes, les animaux, tout l'écosystème de la planète terre plus qu'il n'apprécie les races qui y vivent et qui la détruise. Le beauté qui se cache dans les mots ne lui fait aucun bien, elle l'énerve au contraire, car toutes les belles paroles du monde ne valent pas des actes, il a aussi pu observer des gens avec un verbe irréprochable mentir comme des arracheurs de dents. Wes ne prétend pas être un ange, au moins il ne ment pas sur ses intentions, ni sur ce qu'il est. Il n'a jamais été friand d'histoires, déjà quand il était jeune, son vocabulaire se résumait à ce qu'il entendait sur le port et aux réprimandes de sa mère. Elle lui lisait des contes parfois, comme à tous les enfants, dans lesquels il n'a jamais voyagé. Il préfère le monde réel et sa cruauté, son concret. Lire en anglais le fatigue, il y a des ouvrages simples qu'il peut feuilleter, mais il n'a jamais la concentration d'attaquer un bon roman, qu'importe les commentaires élogieux, l'envie n'est pas là. Les plus belles oeuvres ont été écrite avec une plume raffiné dont les beaux  mots lui échappent de toute façon, ce serait une perte de temps et pour celui qui a écrit ces phrases, une insulte. Ses mots à coté des siens sont crus. Il ne s'excuse pas de jurer dans la maison du Seigneur. Il dit ce qu'il a sur le coeur.
Wes le regarde partir pour aller chercher des bougies et s'attend presque à ce qu'il ne revienne pas. Il est donc étonné quand les cheveux bleus refont surface. Lui n'a pas bougé, il continue de le dévisager et d'étudier chacun de ses gestes, le darder d'oeil noir à chaque pas, comme une bête sauvage se méfie du'n homme qui s'approche de trop prêt. « Thanks. » Il hoche la tête et s'empare finalement d'un cierge. A suivre les plis délicats de ses lèvres, il remarque les canines pointues mais ne dit rien. Le regard se fait encore plus sombre, il essaye de luter contre son a-priori, sans grande réussite. Raquel lui tourne le dos et s'empare d'une allumette pour l'allumer, maintenant qu'il peut effectuer son petit rituel. Il éteint la flamme du bout des doigts et prend quelques secondes pour adresser quelques paroles à sa mère, dans sa tête. Il ne sait pas quoi lui dire exactement, qu'il va bien, qu'il est toujours vivant. Qu'il espère qu'elle est heureuse, qu'il ne lui manque, qu'il ne reviendra jamais. « Still here ? » Qu'il demande au garçon sans se retourner. Il avait son âge - en tout cas, l'âge qu'il semble avoir - quand il l'a vu la dernière fois. Il ne se souvient pas de ce que c'était, d'avoir cet âge. Il lui semble qu'il y a eu l'enfant, l'adulte et rien entre. Envolé. « His house is cold. I don't think he listens anymore. » Les Eglises lui paraissent mortes. La maison au Chili était toujours pleine de rires ou de larmes, vivante, c'est peut-être pour cela qu'au fil du temps, il a cesser de crier, de dires beaucoup de choses.Il s'adapte aux milieux dans lesquels il vit, alors il s'adapte à Savannah qui a longtemps brimé les siens et les a forcé au silence.  

Qiu hoche la tête pour accueillir le merci qu’on lui adresse, l’air de dire qu’il n’y a pas de quoi, le pensant sûrement, comme à son habitude. Il ne voit jamais ce qu’il fait comme de bonnes actions, ne se félicite jamais de rien. Pour lui, ce n’est jamais assez, il pourrait toujours faire quelque chose de plus, de mieux. Et rien ne pourrait racheter ses fautes, évidemment, la plus grave étant celle d’exister. Une fois que l’homme s’est emparé d’un cierge, il dépose la boîte au même endroit où elle se trouvait auparavant, en toute délicatesse. Il n’en prend pas un immédiatement et recule même d’un ou deux pas, préférant le laisser se recueillir en toute quiétude, ce qu’il avait prévu de faire s’il ne l’avait pas interpelé. L’individu semble facilement perturbé par la présence d’autrui, il peut le sentir à la manière dont il l’a regardé, dont il l’a examiné presque sous toutes les coutures, comme s’il s’attendait à ce qu’il lui saute à la gorge d’un instant à l’autre. Qiu passe la langue contre ses dents, dans sa bouche, par réflexe, s’attarde un peu sur ses crocs, songeur. Ils ne sont pas vraiment sortis, mais peut-être légèrement. Il a encore omis de se nourrir, depuis quelques jours. Il observe l’homme allumer la bougie et l’éteindre presque aussitôt, lui tournant le dos. Il reste silencieux pendant de longues secondes, sans doute accorde-t-il une prière ou une pensée à ses proches, ou aux défunts. Certains murmurent, d’autres le font dans leur tête, comme cet homme et comme Qiu. Les mots n’ont pas plus de sens lorsqu’il les prononce, alors quelle importance. Il préfère se taire et ne pas troubler le silence.
Il demeure parfaitement immobile, les mains croisées devant lui tandis qu’il patiente, sans un bruit, sans un souffle. S’il n’y avait pas ses cheveux bleus et ses vêtements trop voyants, sans doute que personne ne le remarquerait. Il est toujours là, pourtant, à attendre à une distance respectueuse et à ne se manifester que si on a besoin de lui. Still here ? Qiu incline doucement la tête, les yeux interrogent l’homme qui ne se retourne pas. Do you need something ?, murmure-t-il à son intention, sans trop savoir ce qu’il pourrait bien vouloir de plus que des cierges. His house is cold. I don't think he listens anymore. Les lèvres se ferment, le regard se baisse sur les dalles de l’église. Il essaye d’éviter ce genre de pensées, le plus possible. S’il cessait de croire en Dieu, alors il n’aurait plus personne. Il a parfois peur de s’y accrocher pour cette unique raison. Mais sa foi est grande, encore. Moins naïve et aveugle que lorsqu’il était enfant, bien sûr, mais toujours très présente dans son cœur. Ah. I don’t think so. I think it’s the opposite. He lies in our hearts and souls, so He listens to us all the time. We are the ones who have trouble listening to Him. Il hausse les épaules, à peine, plongé dans une mélancolie nouvelle. Il n’a jamais été dérangé par la froideur des églises, peut-être parce qu’elle est sienne. Il aime le côté solennel et les chuchotements qui résonnent entre les murs glacés, il aime fermer les yeux et vider son esprit dans un lieu sacré, préservé du monde extérieur. Qiu n’a jamais été de ceux qui chantent les louanges du Seigneur et serrent la main de leur prochain avec une joie débordante. Sa foi est discrète, retenue. Il la garde comme un secret. I guess cold is ok when you’re sad. Il ne sait pas. Il ne veut pas baigner dans la chaleur humaine pour ne s’en sentir que plus éloigné.

Il n'a jamais été du genre à s’asseoir et écouter, ses os le démangent, il doit bouger et faire quelque chose, s'occuper. Wes se retranche souvent dans ses pensées quand il ne peut pas se défouler physiquement, il maltraite des balles antistress pour occuper ses doigts agités. Il a de mauvais souvenirs de ses études, forcés à rester le cul posé sur un chaise pendant des heures, apprendre de choses qu'il ne jugeait pas nécessaire. Nul besoin d'être turbulent pour faire savoir que l'on écoute pas. Il n'a eu de la patience que pour le type et ses cartes magiques. Si quelque chose ne capte pas son attention, il passe son chemin. C'est aussi simple que cela, et il agit de la même manière avec les gens. Elitiste au possible, il se base sur des ctirères qui n'appartient qu'à lui, difficile à sonder. Il fonctionne au coeur de coeur, certaines âmes l'attirent plus que d'autre, comme on peut être attiré par les flammes, et d'autres le laissent indifférent. Il ne leur adresse pas la parole si il le peut et ne cache pas son mépris. Quand il se rend au Silver Tooth, personne n'essaye de lui faire la conversation, en général, on s'écarte, on le laisse tranquille. Wes ne s'entoure pas de relations cordiales, il n'a pas besoin de plantes vertes qui répondent quand on fait la conversation. Jesus n'a jamais eu une place dans son coeur, en plus de ne pas être tangible, il n'est même pas capable de répondre.
Si il avait du l'entendre, il l'aurait entendu. Il a passé des semaines dans un cachot, à écouter le bruit de sa propre respiration et ses grognements de douleurs, les siens comme celui de son compagnon d'infortune. Dans ce silence, il n'a jamais reçu la visite du Seigneur pour soigner ses plaies et pour lui implorer de pardonner les pêcheurs. Il n'a jamais pardonné personne. Il ne fait pas de chasses au sorcières, ne cherche pas à créer des bains de sang. L'ignorance est souvent la pire des peines, surtout chez ceux qui incitent à la haine. Sans doute qu'il s'est égaré, qu'il a choisit d'ignorer le Dieu de sa mère au passage, d'ignorer tout le monde, de ne plus s'écouter que lui même. Il ne peut pas faire confiance. Quand il s'agit de sa personne, il n'existe aucun être sur terre de bien placé pour lui donner des conseils. « A heart is not a place, this is just flesh. There is no one in there.   » Il entend souvent parler de coeurs brisés, de douleurs dans la poitrine. Ce sont des peines qui lui sont étrangères. Non pas qu'il ne ressent rien, mais il ne laisse pas ces émotions là l'envahir au point de lui couper le souffle. « It's always our fault with him, this is just toxic.  'Always heard my mother blaming herself for everything. » Tous les maux de la terre appartiennent aux créations de Dieu. Tellement fait à son image, qu'ils sont puérils, n'écoutent pas, n'apprennent jamais et ne font jamais d'effort. Un peuple en constante crise d'adolescence, guidé par un mauvais père qui ne fait que leur reprocher les choses, répéter en boucles les mêmes phrases désuètes sensées les amener vers la lumière. Beaucoup n'ont plus beaucoup de sens aujourd'hui. Les gens se tournent vers leurs écrans quand ils ont de la peine, ils ne regardent plus le ciel. « I respect your faith, I just don't feel it. I do not pretend anymore that it ease my pain.   » Il s'est senti plus libéré en admettant qu'il n'a plus la foi, qu'il a baissé les bras, que toutes les fois où il s'est acharné à s'ouvrir au supérieur. il est nécessaire souvent de toucher le fond pour s'accrocher, de lâcher prise ; il arrive qu'au fond, il y ait un filet de sécurité.

La religion a toujours eu une place importante dans sa vie, même après sa mort. Il a grandi dans une famille où il n’a jamais été question de faire la grasse matinée le dimanche matin, où l’on fête Noël à la messe de Minuit et non autour d’un sapin et où les enfants apprennent les psaumes à l’école. Il a conscience du côté désuet de ses croyances, que certains ont un sourire en coin à la simple évocation de l’Église et de tous ses codes, de toutes ses règles. Pourtant, ça ne lui a jamais vraiment pesé, Dans sa classe, certains se sentaient obligés de croire en Dieu, et traînaient les pieds pour aller à l’église. Ils ne savaient pas comment annoncer à des parents parfois très stricts et extrêmes dans leur foi que tout cela ne leur disait rien. Ce n’était pas le cas, chez les Baxter. Ses parents étaient ouverts d’esprit, ils ne voulaient pas que leurs enfants respectent aveuglément des dictats écrits dans la Bible, simplement qu’ils en retirent le symbolisme, qu’ils aient un cadre à partir duquel ils pourraient faire le bien autour d’eux. Qiu ne croit pas que la Terre a été créée en sept jours et que les dinosaures n’ont jamais existé, que les athées sont des âmes perdues et que la religion devrait limiter les libertés de chacun. Il est si facile de condamner et de juger, moins de pardonner et d’accepter, mais c’est ce que ses parents lui ont appris. Le plus difficile aujourd’hui est sans doute de se pardonner et de s’accepter lui-même. Mais sa foi fait partie de lui et c’est peut-être la seule chose qu’il trouve positive, chez lui. Il a douté, parfois, évidemment, se retrouver à l’hôpital alors qu’il n’en était qu’à sa première décennie de vie n’a pas aidé, il ne comprenait pas pourquoi Dieu aurait voulu ça pour lui. Pourtant, il y est toujours revenu, tôt ou tard. Cela lui faisait du bien, apaisait un peu ses peines et son pessimisme latent. A heart is not a place, this is just flesh. There is no one in there. Il sourit à l’homme, faiblement, surpris par le pragmatisme de sa remarque. We’re not talking about the same heart, un murmure, doux, poli comme pour ne pas l’offenser. Il est étrange de croiser quelqu’un dans une église qui soit aussi détaché de la symbolique de l’endroit. Connaître le processus de décomposition d’un corps n’a jamais empêché Qiu de croire à des dimensions plus spirituelles de son être. Il ne voit pas pourquoi la science et la croyance devraient systématiquement s’annuler, il y a des millions de choses que les humains ne peuvent appréhender, et qui existent malgré tout.
Qiu n’est pas naïf pour autant. Il sait que la religion peut être instrumentalisée à mauvais escient, il sait qu’elle peut oppresser, suivant la manière dont on la conçoit. Gage avait sa vision personnelle de la chrétienté, et cet homme en a une autre. It's always our fault with him, this is just toxic.  'Always heard my mother blaming herself for everything. Il hoche de la tête, légèrement. Qiu a du mal, souvent, à ne pas penser de la sorte à son sujet. Il oublie que l’amour de Dieu est infini, et considère son immortalité comme un affront à l’Éternel, son être comme une incarnation du Mal, alors que jamais ses parents n’auraient pensé cela. Sa mère ne pensait pas cela, quand elle a demandé à Gage de le sauver. Il serait hypocrite de dire qu’il voit toujours le monde du bon côté, grâce à Dieu, mais il pense surtout que c’est un problème plus intime, que chacun trouve toujours un moyen de se détruire un peu, peu importe si le prétexte est Dieu ou autre chose. I respect your faith, I just don't feel it. I do not pretend anymore that it ease my pain. Il secoue doucement la tête, seulement pour indiquer qu’il n’est pas dérangé par ses mots. I’m not trying to convince you. There are many approaches to religion and we don’t have the same. Sometimes people harm themselves because of their faith, but I don’t think it’s God’s fault. It’s the way they were taught the Bible. Il s’approche de quelques pas pour s’emparer d’un cierge et l’allumer à son tour. Il le dépose soigneusement sur le brûloir aux côtés des autres, en tentant de ne pas fixer son attention sur la flamme vacillante. Il a toujours cette sombre envie, au fond de lui, de laisser ses doigts s’y brûler jusqu’à l’os. Un soupir lui échappe et il ferme les yeux, adresse une prière pour ses ancêtres du bout des lèvres, sans voix, avant de se courber trois fois. Sa grand-mère mélangeait les traditions, la plupart du temps, il y a quelque chose de réconfortant, à cela, de faire ses propres gestes, ceux de sa famille, sans se plier aux règles établies. Les traditions ne devraient jamais être immuables, à ses yeux.

Sans doute que sa perception de la foi est biaisée par des enseignements étriqués. Une seule et unique façon de vivre cet croyance, ne laissant que peu de place à l’interprétation. Il aurait fallu qu'il soit intéressé par ce qui se cache derrière les écritures mystiques. Pour lui, elles ne sont que des écritures, des mots qui ne font pas sens, des fables bonnes à raconter aux enfants pour les effrayer et faire d'eux de bons moutons. Parmi les loups, on essaye de ne pas élever des brebis. Sa foi à lui est baignée de rage, d'une dévotion qui dépasse l'entendement. Elle est désuète, elle appartient à une génération que le plus jeune n'a pas connu, attachée à ses principes anciens. Il n'imagine pas la rage dans leurs yeux, dans ceux des fidèles auprès desquels Raquel a grandi, alors qu'ils s’imprégnaient de cette religion pour se donner de la force. Ce sont des flammes aussi ardentes que l'Enfer lui même, si existe ailleurs que son Terre. Ses propres parents ont décidé de rester sur la route toute tracée de leurs ancêtres, si bien que toutes ces métaphores l'ont étouffé. L'effort qu'il a longtemps mit en oeuvre pour leur donner sens, ne serait-ce que par amour pour sa mère, lui laisse désormais un goût amer. Comme beaucoup de choses de son passé, des cendres sur la langue.  Ce sont des images qu'il ne saisit pas, qui le dépassent. Il s'arrête face à cette barrière du langage de l’inconscient. Il essaye de comprendre les autres, en dépit de ses sourcils froncés et ses lèvres pincés, il y arrive rarement.
Même si il sait qu'il ne parle du même coeur, il se renfrogne, persuadé dans sa version de la réalité. Sa réalité.
Sa raison ouvre tout de même la porte aux mots du jeune homme, qui ne sont pas totalement faux. Il tourne la tête dans sa direction et l'observe attentivement. A la recherche de quelque chose dans son regard, mais Raquel n'y trouve que des profondeurs abyssales dans lesquelles personne n'a envie de se plonger. Il hausse les épaules. « You're not wrong. » Il doit serrer la mâchoire pour l'admettre, ce n'est pas tous les jours qu'il accorde cette faveur. Ses yeux en pétillent de rage, mais c'est une rage sourde et il décolère rapidement en reposant ses yeux sur la flamme vacillante de la bougie. Wes n'aime pas admettre qu'il a tort et en fonction du contexte, il peut tenir tête lors d'une dispute même en sachant qu'il a tord. Il veut avoir le dernier mot, être dans le contrôle de la situation. C'est un défaut, qui fait aussi usage de qualité lorsqu'il doit mentir. Ses mots sont à son service et ils défaillent jamais. Wes est assez borné pour se convaincre lui même de certaines choses.
Il l'observe à son tour allumer sa bougie et pour la première fois, il décide de voir au delà du petit garçon à la solde du curé, qui prend chacune de ses paroles pour argent comptant. Il n'irait pas jusqu'à dire que l'étranger lui inspire de la sympathie. Sa conversation n'est pas désagréable, ce n'est pas un mur face auquel il se cogne. Wes est le mur. Un mur qui s'offusque dès qu'il fait face à quelqu'un d'aussi fermé que lui. « Why do you believe ? » La question est curieusement innocente, elle franchit ses lèvres avant qu'il n'y réfléchisse. C'est l' intention qui l'intéresse. Il ne sait pas si la religion pourrait lui apporter la paix à laquelle il aspire. Il en doute. « Does it help ? » Ce sont des interrogations qu'il aurait aimé poser à sa mère, elle qui était tant dévouée. Il voudrait l'entendre dire de vive voix, confirmer que c'est un salut. Wes lui ne peut s'empêcher de lui en vouloir, il faut bien un coupable. Un Dieu que l'on a jamais vu et qu'on ne peut pas blesser est une coupable idéal, il peut déverser toute sa haine dans un torrent d'insulte et de mépris, il ne se plaindra pas. Il encaissera sa rancœur. Rien ne se passera. Si seulement cela suffisait pour délester son coeur, Wes se serait fait cul béni.

Qiu ne comprend pas le monde qui l’entoure, la plupart du temps. Il voit des sourires et des rires, des larmes et de la colère, parfois, et il se sent comme extérieur à tout ça, comme un spectateur qui n’est pas touché par ce qui se passe de l’autre côté de l’écran. Il est plus facile d’être seul, alors, parce que déchiffrer les autres est épuisant, parce qu’il se demande à tout instant si ce qu’il dit ou fait est bien ou mal, et que la réponse est souvent mal, dans son esprit. Le vide est plus simple à gérer que la culpabilité, même si les deux se mêlent, quelquefois. Sa seule échappatoire est alors de vivre sa vie machinalement, remplir chaque heure creuse par une activité quelconque, pour laquelle les interactions sociales seront strictement courtoises et en rien personnelles. Être avec les autres sans vraiment l’être, c’est peut-être une solution bancale, mais c’est sa solution à tout. Pourtant, les mots échangés avec l’inconnu sont plus profonds, au fil des minutes, bien qu’il n’ait pas pour habitude de parler d’un sujet aussi intime que sa foi avec des étrangers. Il y a quelques mois, il se serait sûrement contenté de garder le silence, mais il essaye d’être moins réservé, ces derniers temps. De rester ouvert, si quelqu’un souhaite discuter avec lui. Sans doute que l’église est aussi un bon endroit pour commencer, un lieu où il se sent en sécurité, où il vient quand il ne va pas bien, pour y trouver un rien de réconfort à défaut de réponses. Il aurait pu rentrer dans les ordres, s’il avait jugé son existence digne d’être vouée à Dieu. Il n’a pas la force des religieux, il a l’impression que ces gens sont guidés par quelque chose qu’il ne pourra jamais appréhender. Ils voient plus loin que le monde qui les entoure, et Qiu n’a jamais été capable de voir plus loin que l’heure d’après, à laquelle il pourrait bien disparaître, trop souvent, s’il s’écoutait.
Il ne sait pas pourquoi l’inconnu semble si mécontent, subitement, en lui disant qu’il n’a pas tort. Il hésite un instant à s’excuser, sous le poids de son regard, mais se retient parce qu’il tente de ne plus demander pardon pour ce qu’il est. Ses récentes discussions avec Yasmin ont marqué son esprit, et il essaye, toujours, d’être un peu plus comme son collègue voudrait qu’il soit. Du moins, comme il croit qu’il voudrait qu’il soit, l’image est sûrement faussée, le connaissant. Why do you believe ? Ayant terminé ses prières et ses saluts, il fixe la flamme un moment, silencieux. Peut-être est-ce pour cela que l’homme ajoute Does it help ? à la question épineuse qu’il vient de poser. Qiu ne sait pas comment répondre à cela. Il n’y a pas de pourquoi. Sa foi a toujours fait partie de son existence, et s’il lui est arrivé de la questionner durant son adolescence, il ne l’a jamais reniée. Un faible sourire se pose sur ses lèvres, d’une tristesse éphémère. Il se penche et souffle délicatement sur la flamme vacillante de son cierge, pour ne plus être attiré par sa lueur funeste. Sometimes it does. Ce n’est pas suffisant pour lui retirer ses pensées morbides, et il lui est facile de s’enfoncer en interprétant certains passages de la Bible à son désavantage. Si Gage les voyait comme des archanges, lui s’est toujours identifié aux démons. It’s not something I chose for a reason. I believe in God, that’s all. I hope it helps me to do good, even if I don’t feel so good, la dernière phrase murmurée, le regard ailleurs.