Si vis pacem, para belum ; Last wolf standing (Paz)

Mendoza, sous l'oeil bienveillant des montagnes de la Cordillère des Andes, la meute de Rafaele Santiago accueille un nouveau membre. Et pas n'importe lequel : le premier fils de l'Alpha, un second fils viendra bien plus tard.
L'héritier.
Ses deux soeurs aînées, elles, ne pourront jamais devenir l'alpha, ni même prétendre à ce rôle, mais leur futur est tout aussi tracé, gravé dans la pierre : elles épouseront des alphas d'autres meutes, dans le but de créer des alliances solides. Rafaele est un alpha mais surtout un stratège. Il voit la vie comme une immense partie d'échecs et veut toujours avoir un coup d'avance, si ce n'est plus. Paz naît donc, accueillit par un père fier, qui accepte le prénom un peu étrange décidé par sa femme. Il utilisera bien plus souvent le second prénom de son fils, Joaquin.
Jusqu'à sa première transformation, Paz est traité comme n'importe lequel des futurs louveteaux de la meute, à un seul détail près : il apprend déjà à se comporter comme un alpha. D'ailleurs, il a un peu tendance à gérer son cercle d'amis comme un alpha dirige sa meute. Il n'aime pas les conflits et essaye toujours de les résoudre pacifiquement. Il ne fait pas dans le favoritisme et se bagarre parfois.
Son père était son dieu, voilà tout. Paz voulait tout apprendre de lui. Ce n'était pas simplement être un bon fils : il voulait être digne de lui. Il détestait faire des erreurs, mais jamais il ne voyait la déception dans le regard de son père. Rafaele lui expliquait toujours ses erreurs.
C'était un enfant vif et joyeux. Toujours en train d'entraîner les autres, aider ceux qui avaient du mal à l'école - plus de mal que lui. Défendre les plus chétifs. Honneur et loyauté. C'est déjà un vrai feu follet. Ceux qui ne comprennent pas son énergie finissent par se brûler en essayant de l'attraper. Son rire était communicatif. Il était déjà un petit roi. Son père lui avait appris deux choses importantes : on gouverne soit par la peur, soit par l'amour, ... et on ne tourne jamais le dos à un loup blessé. Il n'avait pas compris immédiatement de quoi il était question.
C'était un enfant joyeux. Le monde aussi vaste qu'il soit lui apparaissait comme un terrain de jeu immense. Il n'avait pas peur des lycans. Le seul truc qui lui faisait un tant soit peu peur, c'était l'eau, depuis qu'il avait failli se noyer en chahutant avec ses amis près de la rivière, il avait perdu pied et le courant était trop fort pour lui. Il a eu la plus grosse peur de sa jeune vie ce jour-là.
Paz, il se méfie de l'eau. Jusqu'à ce que son père lui apprenne à nager et à surpasser sa peur. Troisième leçon : un échec, ce n'est jamais qu'une leçon sous une forme différente. On apprend toujours. Et Paz apprend à ne jamais baisser les bras, à devenir meilleur. Il apprend jeune à se dépasser. Sans jamais oublier de rester un enfant. Les rues de Mendoza résonnent parfois des cris courroucés des adultes à qui on vient de jouer un tour pendable. Mais ce n'est jamais méchant.
Honneur et loyauté.

Paz a paniqué lors de sa première transformation. Il avait beau avoir été préparé, la vivre c'était tout autre chose. Mais il est entouré et la meute ne laisse jamais un louveteau seul. Ils sont là pour le soutenir, ses parents sont là pour le guider. A partir de cette première transformation, il devient pleinement l'héritier de son père.
Il apprend toujours. Il change petit à petit, l'enfant joyeux laisse place à un adolescent espiègle, avec toujours cette même lueur au fond du regard. Son père lui apprend à être un homme, un lycan et un alpha. Mais c'est de Suzanna, sa mère, qu'il apprend à être bon, généreux, plein de compassion. Femme douce, mais vraie mère louve, il valait mieux ne pas la sous estimer, elle pouvait se montrer plus terrifiante que Rafaele lorsqu'elle se mettait en colère. Elle veilla à ce que Paz soit un adolescent respectueux, des gens comme des traditions.
Bien sûr, il y eut des accrochages, être un ado n'est jamais quelque chose de simple, alors un lycan ado, c'est forcément plus mouvementé. Heureusement, le garçon apprit  à se canaliser, à ne pas laisser la colère le guider, même s'il a frôlé plus d'une fois l'incident. Ses parents tiennent à ce qu'il fasse de belles études : il faut s'intégrer et avoir l'air respectable, afin d'assurer la prospérité de la meute... Alors il se doit d'être bon à l'école. Peut-être pas le premier de  la classe, mais surtout pas le dernier.
Il sait que la vie n'est pas rose. Il a vu et entendu certaines choses. Mais il joue les bravaches : il n'a pas peur des croques-mitaines. Il se croit à l'abri parce qu'il est lycan et qu'il est un Santiago. C'est illusoire et probablement idéaliste, mais pour lui, c'est ainsi. Il pense qu'il est invincible. Les bleus et les bosses disparaissent si vite, comment penser autrement ? Même lors des bagarres entre bandes rivales, il est sûr de lui. C'est le petit prince des Santiago après tout. Qu'est-ce qui pourrait bien lui arriver ? Il a cette innocence propre aux enfants un peu trop choyés, même si la vie à Mendoza n'est pas toujours une sinécure, il n'en reste pas moins un enfant privilégié par le statut de ses parents.
Paz n'a pas vu le guet-apens venir. Trop sûr de lui, malgré les mises en garde, il a pêché par orgueil. Il pensait simplement régler une brouille entre sa bande et une autre, rien qui ne puisse être conclu en deux coups de tatanes. Il avait cru à un combat loyal, lui et deux amis, qu'il considérait comme ses lieutenants, même si l'un d'eux n'était pas un lycan, contre trois autres types. Sur le papier, c'était une affaire réglo.
Il n'avait compris que quelque chose clochait qu'au moment où le piège se refermait. Il eut seulement le temps de dire à ses amis de se barrer, ce que Javier  fit, aussi vite qu'il avait été prompt à se jeter dans les embrouilles. L'humain ne fuit pas, en revanche. Le combat fut perdu avant d'avoir commencé, lorsque Paz comprit qu'il avait été trahi par son ami. C'était encore un gamin et il n'avait jamais rien connu de très sérieux. Son monde s'écroula alors qu'il était brinquebalé dans une fourgonnette. 
C'était comme si une nuit sans lune était tombé sur son existence. Pendant presque un an, il cessa d'être Paz. Plongé dans les ténèbres, il ne se concentrait que sur une chose : survivre. Au début, il s'accrocha à sa colère comme à une bouée de sauvetage.  Il fallait dire que son compagnon de galère l'aidait aussi à surnager. Raquel.  Paradoxalement, c'est son côté violent qui a permis à Paz de surnager.
Les Chasseurs.
Si les cauchemars de Paz pouvaient s'incarner, ils auraient leur dégaine et leur suffisance. Raquel l'a protégé. Mais jamais Paz n'a moufté. Il n'a vendu aucun des siens. Il n'a jamais rien dit. Il a tenu bon. Réfugié au plus profond de lui, s'en remettant à la Madone pour veiller sur lui et lui donner la force de survivre, jurant, s'il s'en sortait d'empêcher à n'importe quel autre lycan de tomber entre les mains de chasseurs. Jurant de se mettre au service des autres.
L'opportunité se présenta un soir de pleine lune où les chasseurs commirent l'erreur de baisser leur garde, trop sûrs d'eux. Trop sûrs d'avoir maté les animaux. Ce qu'il se passa cette nuit-là, Paz en enferma les souvenirs dans un recoin de sa tête. Un tiroir qu'il ne voudrait jamais ouvrir. Ce qu'il a vu et fait ce soir-là a fini de sceller la promesse qu'il s'était faite.

Ignorer la fatigue. Ignorer la faim. Ignorer le froid. Ignorer la douleur. Sentir la présence réconfortante de Raquel à ses côtés, malgré leur différence. Meute. Ils sont une meute. Une meute de deux. Ils sont liés par quelque chose de plus fort que les liens de la famille et du sang partagé. Malgré leurs différences, Paz est loyal à Raquel. Question d'honneur. Même si leurs chemins se sont séparés même s'ils avançaient dans la même direction. Raquel ou plutôt Wes comme il se fait appeler, a choisi la route sombre. Paz s'est rappelé de ses promesses.
Il a tout fait pour s'intégrer, sauf changer son nom. Paz. Il aspirait à la paix. Il voulait apporter la paix autour de lui. Il aurait aimé apporter la paix à son ami mais c'était probablement la tâche la plus ardue qui se soit présentée à lui.
Il a lentement ravalé sa haine et son envie de vengeance, il les a fourrées dans le tiroir condamné de son esprit pour les y étouffer.
Carpe Diem.
Il aurait pu se faire tatouer ces mots sur le corps. Il est né une seconde fois, quand il a de nouveau pu marcher libre sous la lune. Alors il compte bien savourer chaque seconde. Pour chaque cicatrice sur son corps et son âme, il compte aider une personne. Et plus encore. Le petit Prince est devenu une grande personne. Mais il cultive son coeur d'enfant. Il a perdu son insouciance, mais il a toujours cette générosité désintéressée.
Paz s'intègre petit à petit à Savannah, il devient un citoyen comme les autres. Petit à petit, il se fait son nid. Il travaille d'abord un peu au black, étudie comme il peut, apprend l'anglais nuit et jour. Il se fond dans le paysage. Il ne tend pas l'autre joue pour autant. Il ne se laisse pas emmerder, mais il se maîtrise toujours à la perfection. Il ne se laisse pas le droit à l'erreur.
Paz a soif de vivre. Il a soif de lumière. Il a soif d'aimer aussi. Il décide d'aimer. Son prochain. Ses ennemis aussi - pas les chasseurs, ceux-là, rien ne pourra jamais le faire les aimer.

Un jour, enfin, il devient américain. Il ne tourne pas le dos à l'Argentine, mais il est résolument tourné vers le présent et l'avenir qui sont désormais à Savannah. Il n'a pas oublié sa promesse de se destiner à aider les autres. Il s'est donc intéressé au Fire Department de Savannah. Après tout, les secouristes sont ceux qui sont le plus à même d'aider les autres. Pourtant, il a légèrement bifurqué dans son orientation professionnelle : il a songé qu'il était plus adéquat de devenir Emergency Medical Technician. Certains diraient que c'était moins valorisant d'être un simple ambulancier, mais Paz s'en moquait. Il ne faisait pas ça pour l'argent.
Paz et l'argent, d'ailleurs, ça a toujours été une histoire compliqué. Les choses qui brillent ne l'attirent pas vraiment. Tout ce qui compte c'est d'avoir un toit au dessus de la tête, des habits chauds l'hiver et de la nourriture dans l'estomac. Le reste, c'est du bonus. Il ne sait pas être économe, encore moins égoïste. Quand il est de repos, il ne mange pas chez lui. Il va se chercher quelque chose à manger, mais prend toujours pour plusieurs personnes. Il en profite ensuite pour partager son repas avec un sans abri ou plusieurs. C'est le premier à acheter leurs cookies aux scouts ou à donner à une charité. Un vrai panier percé.
Il cherche aussi les jeunes loups, les solitaires, ceux qui sont un peu laissés pour compte parce qu'ils n'ont pas de meute. Il veut les aider, pour leur éviter de tomber dans les ennuis. Il leur offre un toit. Il les prend sous son aile. Il ne les oblige à rien, si ce n'est respecter un certain code d'honneur. Ils sont libres de partir s'ils veulent. S'il le pouvait, il adopterait tout ce petit monde.
La petite maison qu'il loue devient un peu étroite à force. Alors il s'oblige un peu à économiser. Et puis un jour, une occasion en or : il achète une petite maison qui ne paye pas trop de mine dansle quartier de South Garden qu'il commence à retaper entre deux gardes. Ce qui donne lieu à pas mal de fou rire et beaucoup de jurons. Il apprend à faire tout un tas de trucs, de la plomberie, de l'électricité - là il manque presque de foutre le feu par inadvertance. Quelques fois, ses collègues ont un peu pitié de son enthousiasme débordant et ils viennent lui filer un coup de main.
A côté de ça, il se spécialise dans son travail, il se forme pour devenir Paramedic, le niveau le plus complet pour un EMT. Il est passionné par son métier et il n'en démord pas. Sur un coup de tête, il passe le permis moto et s'achète une première bécane. Il découvre les joies de la moto et les petites galères qui vont avec. Il continue de s'impliquer dans la vie de la communauté. Il a sa petite meute incongrue. Certains le croient faible parce qu'il donne plus qu'il ne prend. Ils oublient qu'il est un alpha et il le leur rappelle sans sourciller. Il a beau ne pas aimer faire usage de la force, il ne se laisse pas faire pour autant.
Le travail finit par se monter payant. Il obtient une promotion, gagnant plus de responsabilités et le grade de Lieutenant. Il ressent de la fierté quand il accroche le nouvel insigne pour la première fois sur son uniforme. Pour fêter ça, il achète une vieille bécane en rade et décide de la retaper par lui-même. Il ne tient pas en place. Il se sent comme un gamin qui aurait mangé trop de bonbons. Il est survolté, il n'a pas une minute de libre. Toujours en mouvement. Toujours tourné vers les autres.